Afghanistan : l’armée américaine aurait commis des crimes de guerre
Les forces armées américaines et la CIA pourraient avoir commis des crimes de guerre en Afghanistan en torturant des détenus, particulièrement en 2003 et 2004, estime la procureure de la Cour pénale internationale (CPI).
Les forces armées américaines et la CIA pourraient avoir commis des crimes de guerre en Afghanistan selon la procureure de la Cour pénale internationale.
Dévoilant en novembre 2016 les résultats d’un long examen préliminaire sur les atrocités commises dans le pays depuis mai 2003, la procureure Fatou Bensouda affirme « avoir une base raisonnable permettant de croire » que les forces armées américaines, l’agence de renseignement CIA, les talibans et leurs alliés ainsi que les forces gouvernementales afghanes auraient commis des crimes de guerre.
Pour la première fois, elle a détaillé les accusations de « tortures et mauvais traitements apparentés commis par les forces armées américaines déployées en Afghanistan et dans des centres de détention secrets de la CIA, principalement en 2003-2004 ».
Au moins 61 détenus torturés
Dans son rapport annuel sur ses examens préliminaires, l’étape préalable à l’ouverture d’une enquête, la procureure affirme que des membres des forces armées américaines auraient infligé « à au moins 61 détenus des actes de torture, traitements cruels, des atteintes à la dignité de la personne sur le territoire afghan ». « Au moins 27 détenus » auraient subi les mêmes traitements, infligés par des membres de la CIA en Afghanistan mais aussi dans d’autres pays liés au Statut de Rome qui a créé la Cour pénale internationale (CPI), comme la Pologne, la Roumanie et la Lituanie.
Ces allégations, assure encore la procureure, « ne concernent pas seulement quelques cas isolés ». Elle estime qu’il existe des motifs raisonnables pour croire que ces crimes « ont été commis en application d’une ou plusieurs politiques visant à obtenir des renseignements au travers de techniques d’interrogatoire s’appuyant sur des méthodes cruelles ou violentes destinées à servir les objectifs américains dans le conflit en Afghanistan ».
Après les attentats du 11 septembre 2001 à New York et à Washington, la CIA avait reçu l’autorisation de l’administration du président George W. Bush d’utiliser les méthodes d’interrogations dites « améliorées », dont la technique du « waterboarding », qui consiste à simuler une noyade. La CIA n’a pas utilisé ces méthodes depuis décembre 2007 et le président Barack Obama les a interdites en janvier 2009. Le président élu Donald Trump a néanmoins affirmé avant sa victoire électorale être favorable au recours à de telles techniques.
Les talibans responsables de la mort de plus de 17.000 civils
Les talibans, eux, seraient responsables de la mort de plus de 17.000 civils et auraient commis des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre. « Depuis mai 2003, des groupes insurgés auraient lancé de nombreuses attaques contre des endroits protégés, notamment des écoles, des bureaux des autorités civiles, des hôpitaux, des lieux saints et des mosquées », ajoute le rapport. Des actes de torture auraient également été commis dans les lieux de détention du gouvernement afghan, une pratique criminelle qui remonterait à la fin des années 70 et concernerait à l’heure actuelle entre 35% et 50% des détenus.
Il s’agit de l’une des affaires les plus complexes et plus controversées de l’histoire de la Cour, fondée en 2002 pour juger les pires crimes de l’humanité. Une telle enquête expose pour la première fois des forces armées américaines à des poursuites de la CPI.
Le département d’Etat rejette une enquête « inappropriée » de la CPI
Mais Washington n’ayant pas ratifié le Statut de Rome, traité fondateur de la Cour, il est très peu probable que des soldats américains se trouvent un jour sur le banc des accusés. D’ailleurs, la diplomatie américaine a d’ores et déjà rejeté ces résultats préliminaires de la CPI. « Nous ne pensons pas que l’examen ou l’enquête de la CPI concernant les actes du personnel américain en Afghanistan soient justifiés ou appropriés », a jugé la porte-parole du département d’Etat Elizabeth Trudeau. « Nous disposons d’un système national solide d’enquête et de responsabilité qui est aussi bon que dans n’importe quel pays dans le monde », a-t-elle insisté.
De son côté, Kaboul n’a pas ratifié le Statut de Rome mais a reconnu la compétence de la Cour en février 2003, l’autorisant à enquêter sur des crimes commis à partir de mai de la même année. Des poursuites contre les forces gouvernementales afghanes pourraient également être compliquées par une loi générale d’amnistie adoptée par le parlement et en application depuis 2009.
Le rapport intervient alors que doit s’ouvrir à La Haye la réunion annuelle des Etats membres de la Cour, la première depuis les retraits de plusieurs pays africains, qui accuse l’institution de ne s’attaquer qu’à l’Afrique.
Prison d’Abou Ghraïb : les photos de torture avaient choqué
En avril 2004, la prison d’Abou Ghraïb, située à 20 km à l’ouest de Bagdad (Irak), est devenue le symbole honni de l’occupation américaine pour nombre d’Irakiens, après la révélation des sévices infligés aux prisonniers par des soldats américains.
La publication des premières photos de prisonniers maltraités par leurs geôliers a entraîné un scandale retentissant à travers le monde. Sur les images, des pyramides de détenus nus, des prisonniers tenus en laisse, menacés par des chiens ou contraints de se masturber. Ces sévices et tortures incroyables ont à l’époque suscité une indignation mondiale.
Des photos montrant les sévices ou humiliations subis par les détenus en Irak, comme ici Charles Garner souriant devant le corps d’un détenu mort à la prison d’Abou Ghraïb le 19 mai 2004, ont déjà été diffusées.
Ces exactions avaient été présentées par l’administration américaine comme étant le fait de quelques militaires isolés. Onze soldats américains avaient finalement été condamnés à des peines allant de la radiation de l’armée à dix ans de prison.
Parmi ces soldats figurait Lynndie England, rendue célèbre pour des images la montrant devant des détenus entravés et menacés par des chiens. Elle avait été condamnée à trois ans de prison et radiée de l’armée. Au-delà, le président américain George W. Bush avait estimé que cela avait été « la plus grosse erreur » commise par les Etats-Unis en Irak.
Construite dans les années 1960, la prison d’Abou Ghraïb était un centre de torture et d’exécution sous le règne de Saddam Hussein. Après sa chute en avril 2003, l’établissement avait été baptisé par les Etats-Unis « centre correctionnel de Bagdad ». Cette prison de la honte fut graduellement fermée de septembre 2006 à février 2009.
yogaesoteric
1 décembre 2018
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