Ce que cache l’intrigant hamburger végétarien de McDonald’s
Coup de tonnerre dans le marché hexagonal du burger. Le leader incontesté du secteur lance pour la première fois en octobre 2017 un hamburger végétarien en France. Coup de com ? Pas seulement car McDo veut continuer à verdir son image et entend suivre les évolutions de ses consommateurs.
McDonald’s France lance un hamburger veggie
Le numéro 1 du fast-food en France a proposé pour la première fois à partir du 10 octobre 2017 un burger sans viande, végétarien.
Les végétariens vont-ils devenir fans du grand M ? Cette question peut paraître totalement saugrenue, voire déplacée pour la marque emblème de la junk food qui avait inspiré en 2004 le film Supersize me, où l’Américain Morgan Spurlock mangeait McDo durant 30 jours d’affilée. Pourtant le géant américain du fast-food a annoncé l’impensable : l’arrivée le 10 octobre 2017 d’un hamburger veggie dans ses 1.400 restaurants en France. Un véritable coup de tonnerre qui se traduit par un bun de graines de courge, de sésame et de pavot. Au milieu des émincés de choux rouge et blanc, de jeunes pousses d’épinard, de roquette et de salade verte, des tomates et une galette panée de carottes et salsifis. Au centre, une tranche d’emmental et pour relever le tout, une petite sauce au pesto rouge. Le tout pour 760 kilos calories annoncés, comparable au Big Tasty ou au 280.
Baptisé sobrement, « Le Grand Veggie », le burger de McDo a eu une durée de vie brève : du 10 octobre au 27 novembre 2017. Pourtant il a selon l’entreprise nécessité une année de développement qui a donné lieu à 10 versions différentes de burgers végétariens. Et l’heureux élu a été désigné par des panels de consommateurs. « La vocation de McDo est de s’adresser à tous – développe Delphine Smagghe, vice-Présidente achat et qualité pour McDonald’s France. Ce burger végétarien est là pour élargir la gamme et l’offre afin de susciter de l’intérêt des végétariens mais aussi chez tous les fans de burgers. Ce qu’on voit dans nos études, c’est qu’un Français sur deux aujourd’hui souhaite élargir encore plus son alimentation. »
L’« empereur » du fast-food a déjà expérimenté ces opérations séductions des végétariens en Europe, plus particulièrement en Allemagne, Norvège, Royaume-Uni et Italie. « Dans chaque pays, un burger propre a été développé pour répondre aux attentes des consommateurs locaux » développe Delphine Smagghe. Et McDo d’insister lourdement : « tout est Français dans notre Grand Veggie sauf la tomate car vu la saison il nous faut aller en Espagne pour en trouver. »
Niveau prix, le burger a été proposé au menu à 7,90 euros, en version maxi best of à 8 euros 50 et en burger seul vers 5 euros.
Viser les fléxitariens
Mais pourquoi donc McDo se met-il désormais à faire des burgers végétariens ? « Ils ne font pas des burgers végétariens pour les 3% de la population qui ne mangent pas de viande, analyse Bernard Boutboul du cabinet d’études Gira Conseil. Sauf qu’un Français sur 3 est fléxitarien. En gros ces personnes se disent qu’il faudrait qu’elles mangent un peu moins de boeuf, mais de meilleure qualité et que de temps en temps, on peut faire un repas ou une semaine veggie pour changer. »
En bref pour le spécialiste du marché du fast-food en France, « McDonald’s se contente de suivre le marché. Et ils le font tardivement car cela fait 2-3 ans que Big Fernand, Burger King ou King Marcel le font déjà ». Un détail étonne pourtant Bernard Boutboul : « le produit aurait pu être vegan mais il ne l’est pas. La faute à la tranche d’emmental. Ils ont voulu marquer un palier avant peut être de passer une étape supplémentaire. »
Un jour du bio chez McDo ?
Pourtant McDo est encore loin de mettre en place des burgers bio. « On souhaite faire du bio mais d’origine France, détaille Delphine Smagghe. Sauf que nous rencontrons des problématiques de volumes car nous avons 1,8 million de clients par jour. Aujourd’hui nous avons déjà 2 produits bio dans notre gamme : le petit jus de fruit et le yaourt bio. »
Sauf qu’à écouter Bernard Boutboul, le bio ne fait pas saliver les foules. « Le bio en France représente 1,5 milliard d’euros par an quand le halal en pèse 9. Donc contrairement à ce qu’on peut entendre, les Français ne sont pas vraiment fans de bio. Et de fait il n’y a pas trop de bio dans la restauration car ce n’est pas un régime alimentaire particulier. » Quick a tenté en 2009 de lancer un burger bio… arrêté après 6 mois faute de ventes suffisantes.
« Opportuniste »
Pourtant la chaîne d’hamburgers parisiens Bioburger, croit depuis 2011 dans le fast-food bio. L’initiative du burger végétarien de McDo laisse le cofondateur de l’enseigne, Louis Frack, circonspect. « Je suis partagé face à cette initiative. Bien sûr d’un côté je trouve ça cool que le patron incontesté du burger se mette à faire du végétarien. Cela veut dire que nous on était dans le vrai et qu’on a pu faire bouger les lignes. Sauf que notre principale réserve, c’est que c’est une manœuvre opportuniste marginale. Cela vient un peu comme un cheveu sur la soupe. On verra si l’initiative se poursuit ». Ainsi le lancement du « Grand Veggie » relèverait plus d’un coup stratégique de McDo que d’un changement complet de paradigme. « Il y a un marché pour les produits végétariens poursuit-il. S’ils veulent rester leader, il fallait qu’ils répondent pour ne pas passer pour une entreprise has-been. »
Et quand on demande à la vice-présidence achat et qualité de l’empereur des fast-food si le lancement de ce burger végétarien participe d’un certain green washing après le changement de son logo avec un M jaune sur fond vert en 2009 (au lieu d’un fond rouge), le ton se tend. « Non, non ce n’est pas du tout le cas. La modification de la couleur du logo, s’était pour mieux s’intégrer dans l’environnement architectural proche des restaurants. »
Et si la France entière se rue sur le burger végétarien de McDo, sera-t-il titularisé de facto à la carte ? « Non on va l’arrêter fin novembre pour faire le point sur le lancement. On verra s’il a trouvé son succès ». McDo aime les burgers végétariens. Mais il ne faut pas pousser trop non plus.
yogaesoteric
22 novembre 2018
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