Chongqing, 34 millions d’habitants
Chonqqing n’est pas la plus connue des villes chinoises. Mais elle a pourtant une particularité de taille. Avec une population estimée à 34 millions d’habitants, elle est la mégapole la plus peuplée au monde. Seule cité de cette importance dans les terres, elle s’avère particulièrement utile pour le pouvoir chinois, qui en fait son dernier point d’ancrage intérieur face aux côtes.
Un brouillard gras enveloppe en permanence Chongqing. Située en plein cœur de la Chine, le long du Yangzi (fleuve Bleu), cette mégalopole industrielle compte parmi les plus polluées du pays. Construite en région montagneuse, elle garde prisonnières la brume incessante, la poussière des chantiers et les fumées d’usine, coincées entre les collines abruptes et les forêts de tours grises. Innombrables, plantées par grappes, collées-serrées, ces tours sont hideuses – même si les architectes locaux assurent qu’ils veulent « trouver une harmonie entre le fleuve et la montagne ». Et cette municipalité géante (82.300 km², plus grande que le Benelux) a une particularité méconnue : elle est la plus peuplée du monde. On estime à plus de 34 millions le nombre d’habitants. Et ce chiffre ne cesse de croître à une vitesse fulgurante, puisque 500.000 migrants débarquent chaque année dans la cité !
A Chongqing plus qu’ailleurs, les statistiques fiables n’existent pas. Difficile de comptabiliser les millions de « mingongs », ces paysans très pauvres qui s’installent en ville. Sans parler des populations déplacées par la construction du barrage des Trois-Gorges, 300 km à l’ouest. Le plus grand lac artificiel de la planète a commencé à se remplir en 2003, engloutissant au fur et à mesure des bourgs de plusieurs centaines de milliers d’habitants. Quelque 116 villages ont ainsi disparu sous les eaux troubles du Yangzi. Le barrage est entré en service l’automne de 2008. Au total, près de 4 millions de personnes expulsées (deux fois Paris !) pourraient encore venir gonfler Chongqing.
Seule mégapole située dans les terres
Les guides touristiques ne s’intéressent pas à Chongqing, pourtant capitale de la Chine nationaliste, en 1938, lors de l’invasion japonaise. La République populaire a pourtant de grandes ambitions pour cette ville-province, choisie en 1997 pour être l’une des quatre « municipalités autonomes » avec Shanghai, Pékin et Tianjin. Elle a un atout aux yeux des autorités : elle est la seule située dans les terres et doit donc rééquilibrer la fracture est-ouest du pays. Car le fossé continue de se creuser entre les zones côtières et les provinces intérieures. Les investissements étrangers sont les bienvenus à Chongqing. Et Pékin – à 25 heures de train – met le paquet.
Signe de ce volontarisme : la mégapole se transforme extrêmement vite. En vingt ans, dix-sept ponts ont été construits au-dessus du Yangzi, pour remplacer les vieux téléphériques. La place de l’Horloge, aux faux airs de Piccadilly Circus, est désormais cernée par des gratte-ciel pastichant Manhattan. Mais l’imitation bas de gamme est ratée : l’ensemble semble dater des années 1980. Ici, les vélos sont quasiment inexistants – unique en Chine – à cause des rues en pente. Ils sont remplacés par près de 400.000 « bang bang », des mingongs qui portent les marchandises sur leurs épaules à l’aide d’un bambou. Derniers vestiges d’une Chine ancestrale.
Au musée des Trois-Gorges de Chongqing, les visiteurs – 100% chinois – s’extasient sur une maquette de la ville des années 1950, avec sa verdure et ses bicoques en bois, avalée par le béton. Dans une vaste pièce, une dizaine d’écrans proposent un jeu inspiré de SimCity : le joueur doit aménager la presqu’île qui constitue le cœur de Chongqing; il s’agit de la recouvrir de tours le plus vite possible. Le jeune public adore. « Les gens sont fiers, notre ville est belle, et surtout les logements sont plus confortables », explique Hu Zuo Kuang, guide francophone de 50 ans. Un peu inquiet par la « rapidité » de la mutation urbaine, mais pas nostalgique, il constate : « Chongqing a plus changé en 20 ans qu’en 3.000 ans ! »
yogaesoteric
26 septembre 2018
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