Comprendre le jeûne (épisode 2) : Le jeûne hygiéniste

Lisez la première partie de cet article

Désiré Mérien

Le jeûne se définit depuis quelques dizaines d’années à partir de travaux d’hygiénistes américains, parfois vieux de plus d’un siècle. Mais qu’est-ce que ce mouvement ? Et sa vison du jeûne ? 

Parmi les différentes approches existantes, le jeûne hygiéniste fait figure de référence historique. Aussi estimée que restreinte, cette forme a toujours fasciné les puristes, mais laissé relativement à distance le grand public. C’est néanmoins par cette école que l’on se doit de débuter ses investigations lorsque l’on souhaite approfondir ses connaissances sur le jeûne. Si les termes d’hygiénisme et de jeûne hygiéniste ont trouvé un second souffle ces dernières années, c’est toutefois aux mêmes ouvrages qu’on se rapportera lorsqu’il s’agira de définir leurs principes de base. Pour l’essentiel, ce sont des écrits provenant des États-Unis, publiés entre 1870 et 1980. Leurs auteurs – TC Fry, les docteurs John H. Tilden, Bernard Jensen, mais surtout Herbert M. Shelton – ont posé les fondations d’une approche de la santé humaine allant bien au-delà du seul jeûne.

Jeûne hygiéniste : les pionniers américains Dr Tilden et Hebert Shelton

Le jeûne gagne en popularité et se vulgarise dans les années 1950 à travers le courant hygiéniste. Ce mouvement de santé naturelle nord-américain est lui-même né au milieu du XIXe siècle sous l’égide de médecins généralistes, en réponse au développement de l’allopathie. Après observations et recherches, ils définissent la toxémie humaine comme unique cause de la maladie. Leur écrit phare, Toxemia: The Basic Cause of the Disease, du Dr John Tilden, propose une diététique basée sur une alimentation végétarienne et le jeûne en tant qu’outil principal de détoxification de l’organisme, et de restauration ou optimisation des fonctions métaboliques.

Si le jeûne hygiéniste a rapidement gagné en popularité en Amérique du Nord, il faut attendre la fin des années 1950 pour que des informations arrivent en France, notamment par la revue La nouvelle hygiène et les milliers de pages d’écrits hérités de l’école hygiéniste. Mais c’est surtout grâce aux traductions d’Hebert Shelton réalisées par Albert Mosséri que le jeûne trouve un plus large écho dans la France. Les passionnés de santé naturelle – issus de mouvements végétariens, hygiénistes et harmonistes, ou encore adeptes du yoga – s’approprient les textes circulant dans les boutiques de diététiques, dans les associations et maisons d’édition comme Le Courrier du Livre – devenu un immense relais d’information en publiant le best-seller de Shelton, Le jeûne, véritable « manuel du jeûneur » de milliers de personnes.

Albert Mosséri et Désiré Mérien, deux grandes figures du jeûne 

Outre ses traductions, Albert Mosséri commence à encadrer des jeûneurs dès les années 1960. Autodidacte, échangeant très régulièrement avec Herbert Shelton, il accompagne Désiré Mérien, professeur de biologie, dans son premier jeûne, long de plus de cinquante jours. Ce dernier guérit ainsi – non sans heurt – de pathologies a priori incurables. Après cette expérience, Désiré Mérien consacre sa vie à étudier et à diffuser des informations sur le jeûne hygiéniste, ainsi qu’à aider de nombreuses personnes à intégrer cette approche dans leur vie.

De cet « âge d’or » du jeûne hygiéniste ont émergé deux grands lieux de jeûne : le centre de Mosséri, en région parisienne, et Nature et vie, celui de Mérien, au sud de la Bretagne. Des dizaines d’années après leur publication, les ouvrages Santé radieuse par le jeûne ou Le jeûne, meilleur remède de Mosséri et surtout Jeûne et santé de Mérien représentent encore des références francophones. Auteurs d’une cinquantaine de livres à eux deux, ces deux conducteurs de jeûne ont accompagné des milliers de personnes et contribué à étendre la notoriété de la pratique. Ils ne furent pas seuls : Gérard Nizet, André Passebecq et, dans une moindre mesure, Roger Marteau et Roger Le Madec, ont également contribué à la diffusion du jeûne hygiéniste.

Jeûne hygiéniste, tenants et aboutissants

Malgré une certaine hétérogénéité de praticiens – les « modérés » acceptant la médecine allopathique en lui reconnaissant, par exemple, son caractère légitime d’urgence – les hygiénistes ont ceci de commun d’être, en général, déterminés à optimiser la connaissance et le savoir, à rechercher avec exigence et à se montrer rigoureux (rigoristes même, diraient certains) dans leurs pratiques. Quoi qu’il en soit, ils sont toujours guidés par les lois du vivant : l’homéostasie (principe d’autorégulation du corps), la détoxination et la régénération cellulaire, appuyées par un mode de vie respectant la physiologie de l’organisme. Le repos, l’alimentation saine, l’activité physique, une bonne gestion émotionnelle et des relations sociales épanouissantes définissent le socle de cette conception du vivant, qui conduit à un minimum d’intervention sur l’organisme.

Ainsi selon cette approche, en période de jeûne, tout lavement, purge ou hydrothérapie du côlon sont proscrits, tout comme les massages stimulants, le yoga, le sauna ou le hammam. Le postulat est que la détoxination est rendue possible par l’énergie vitale de l’individu, et tout ce qui exigera de l’énergie deviendra une obstruction à la pleine détoxination, finalité du jeûne hygiéniste. Voilà pourquoi le candidat au jeûne est encouragé à séjourner le plus longtemps possible dans sa chambre, au lit et dans le calme, afin de maximiser les effets de la cure. Ce type de jeûne peut paraître drastique et austère, décourageant nombre d’individus à franchir le pas. Pourtant, ce sont les conducteurs de jeûne hygiénistes qui ont le plus cherché, expérimenté, observé et documenté le jeûne, lui permettant d’avancer à grands pas…

À côté de son aspect pratique, le jeûne hygiéniste amène aussi à repenser le rapport à son corps et au puissant pouvoir d’autoguérison qu’il possède : à 83 ans et depuis plus de cinquante-cinq ans, Désiré Mérien est toujours actif dans son centre de Plœmeur (Morbihan), au service de l’hygiénisme. Il a produit des dizaines de livrets et d’enregistrements audio et continue d’augmenter chaque année une bibliographie de plus de trente livres spécifiques sur la santé naturelle.

Des passerelles avec un autre type de jeûne

Bien que teinté d’idéologie, le travail passionné et la recherche opiniâtre autour du jeûne hygiéniste ont rendu possible le partage du concept. À une époque où la diffusion de l’information manque souvent de recul et d’analyse, cette pratique et ses écrits historiques apportent pédagogie, pragmatisme et sérieux. C’est en effet le seul courant qui a su mettre en perspective jeûne et amélioration notable de l’état de santé de pratiquants…

Dans l’immense élan que le jeûne connaît aujourd’hui, jeûneurs et conducteurs peuvent s’appuyer sur cette base solide et les observations de dizaines de milliers de personnes. Dans les années 1980, Désiré Mérien intervenait à la faculté de médecine de Bobigny pour y présenter le jeûne. Il convient à présent aux jeunes générations de prendre le relais de ce long travail initié. Certains hygiénistes comme Monique Poupart, formée par Désiré Mérien, font ce travail de transmission intergénérationnelle. Ils construisent également des passerelles entre le jeûne hygiéniste et une autre approche : celle de jeûner en marchant… Que vous découvrirez dans le troisième épisode de cette série autour du jeûne.

Lisez la troisième partie de cet article

yogaesoteric

1 mars 2019 

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