D’Israël au cours de Grieg

d’Oltea Mutulescu

Le voyage de Tel Aviv à Bucarest est une longue voie. Mais pour Foca, Noa, Uriel, Sophia, Franciscus, Pistis et Arthur qui habitent depuis plusieurs années dans les ashrams de MISA, être chez soi a plusieurs sens. Etre chez soi signifie aussi être en Roumanie. Souvent la nuit ils se rencontrent dans les couloirs de l’ashram de Pipera, sans même se concerter. Ils sortent de leurs chambres pour ne pas déranger les collègues et ils font des exercices de pranayama et des techniques puissantes pour la sublimation de l’énergie. En moyenne, ils réalisent chaque jour entre quatre et huit heures de pratique spirituelle. A part cette pratique ils sont impliqués dans plusieurs programmes de volontariat, des associations de lutte pour la défense des droits de l’homme, des fondations de charité, ou suivent des études universitaires. Tous ont d’abord été en Inde, au cours MISA dirigé par Narcis Tarcău, disciple de Gregorian Bivolaru. Tous sont venus à Bucarest spécialement pour le yoga. Ils ont été surpris qu’on les interroge sur le fait qu’ils habitent les ashrams de MISA. “On ne voit pas le sens d’être ici sans habiter l’ashram. La pratique quotidienne, la relation avec les collègues … C’est une expérience complète, c’est la plus grande efficacité spirituelle”, dit Arthur dans un roumain limpide, qu’il a appris, de même que les autres du groupe, pour communiquer avec les roumains.

Solidarité

Le plus jeune d’entre eux a 22 ans et le plus âgé a déjà 30. Par leur nature et grâce à l’expérience acquise ils sont cosmopolites, ils ont beaucoup voyagé, sur plusieurs continents. Au cas où ils se seraient trouvés dans un autre contexte, les affaires par exemple, et non pas dans une école de yoga, il est bien possible que l’approche spontanée qui existe entre eux, ne se serait pas produite. Plein de choses les différencie. Pendant qu’Arthur, par exemple, était officier et luttait durant les embuscades à la frontière, et Noa et Sophia portaient l’uniforme du stage militaire obligatoire pour les femmes en Israël, Foca et Pistis ont soupiré de soulagement en voyant sur leurs papiers le tampon « inapte ». Ils ont vécu les abus juifs contre les palestiniens comme une grande révolte, bien que le courant patriotique de leur pays les accepte comme une fatalité.

A présent ils sont très actifs aussi. Non pas en Israël, mais dans l’école de yoga où ils ont choisi de s’élever spirituellement. Ils ont toujours été convaincus qu’il faut dire ce que l’on pense en tant que citoyen, défendre les valeurs de liberté, sans permettre, à travers une attitude passive, que le mal heurte les gens. Ils ne sont pas les seuls à penser ainsi. Tous les israéliens des ashrams, et aussi Athena, qui vient aussi souvent que possible en Roumanie, tous participent de manière très active durant les actions de protestation de MISA. Je les ai vu au meeting de juin 2004, qui a réunit 200 étrangers de 16 pays. Les israéliens de Roumanie ont travaillé pour mettre au point l’organisation d’un protestation avec participation internationale. Foca a envoyé des messages et a téléphoné aux filiales de MISA du monde entier. Le groupe a mis au point tous les détails. Les gens sont venus, en parcourant des milliers de kilomètres. Les israéliens de Roumanie ont manqué pas mal d’heures de sommeil durant cette période. Mais ils m’assurent que cet effort a valu le coup.

Celà a valu le coup de faire le tour de toutes les institutions, de toutes les ambassades, de déposer des mémoires, d’expliquer la dimension inimaginable des abus supportés par leur école spirituelle, solliciter et entrer en contact avec Johnathan Scheele, le chef de la Délégation de la Commission Européenne à Bucarest, participer à côté des yogis roumains à plus d’une centaine de meetings que MISA a organisé ces deux dernières années dans l’espoir que la vérité triomphera. Celà a valu le coup, parce qu’ils savent qu’ils ont fait ce qu’ils devaient faire. Ils ne sont pas restés les bras croisés, ils ont annoncé aux autorités de la situation réelle. C’est au tour de celles-ci de réagir avec honêteté.

Retrouvailles

“Incitation à la haine raciale, ethnique et religieuse, antisémitisme pur”… ils sont étonnés par les accusations du Parquet à l’adresse de certains livres signés par Gregorian Bivolaru, Camelia Roşu, Viorel Roşu, professeurs de yoga qui ont toujours été très chaleureux avec eux, qui les ont encouragés à approfondir les traditions du judaïsme.

“Avant de pratiquer le yoga j’avais un oeil très critique, et lorsque durant mes voyages quelqu’un me disait que je ne ressemble pas à un juif je prenais cela pour un grand compliment. En Roumanie je suis définitivement tombé amoureux de mon peuple, mais non pas parce que je me trouvais à une grande distance et qu’il me manquait. C’était un moment très spécial, avec quelques centaines de gens nous sommes réunis à la salle de cours de yoga et nous avons réalisé ensemble avec Viorel Rosu une méditation en spirale pour entrer en communion avec l’âme du peuple israélien. Gabriela Ambăruş conduisait une méditation similaire à Tel Aviv. Soudain j’ai été très ému par ce que j’ai senti que c’est l’essence noble, sacrée du peuple juif. Pour la première fois j’ai été très heureux d’être juif. Et j’ai compris la réponse que Grieg avait donné à la question pourquoi on réalise de telles méditations, de communion avec l’âme du peuple auquel on appartient. Pour éveiller complètement ton âme et ensuite t’unir avec l’âme universelle, il faut éveiller intérieurement cette dimension – l’âme du peuple où tu es né. Alors je me suis rendu compte que ce n’est pas une théorie, mais la pure vérité.”

En 2004, la spirale de type yang a été un point de grande attraction dans le cadre du Festival israélien de yoga. Des écoles spirituelles de partout en Israël sont venues à Tel Aviv et de même des invités du monde entier. Gabriela Ambăruş, présidente de MISA, a eu droit à un accueil émouvant. Plusieurs étudiants en yoga juifs de Roumanie ont été à côté d’elle au cours de ces jours-là, lorsque beaucoup de gens ont découvert avec un vif intérêt l’école de yoga de Gregorian Bivolaru. L’impact des conférences et de la spirale soutenue simultanément avec la méditation de Bucarest a dépassé toutes les attentes. Plus de deux cent personnes ont été présentes, deux chaînes de télévision ont retransmis des images durant les bulletins d’information de soir et plusieurs journaux ont parlé de cet événement en terme admiratifs. L’expérience s’est répétée avec succès à Tel Aviv, durant l’été de 2005, pendant qu’à Costineşti, le même Viorel Roşu soutenait la méditation de communion avec l’âme du peuple juif.

Sabat Shalom!

Je les ai vu les dernières années dans le “spectacle des étrangers”. C’est ainsi qu’on appelle la représentation artistique de respiration multiculturelle où toutes les nations présentes au camp de yoga de Costineşti communiquent leur message. Les israëliens conquièrent toujours par l’état intense, rituel. L’été passé ils ont choisi mettre en scène des moments du Chant des Chants. Parmi les participants seule Noa est actrice. Mais ce qui s’est passé est sorti du cadre du théâtre, c’était un moment de magie pure. Leurs gestes étaient très simples, le décor minimum, les costumEs sans prétentions. Ce qui remplissait la scène était leur appel. La soif spirituelle qui semblait venir du début des temps. J’ai senti alors la verticalité de l’âme israélienne, la force de l’amour de Dieu qui a aidé les juifs à traverser héroïquement l’histoire. L’air vibrait d’un mystère ancien comme le monde. A la fin du moment artistique nous avons médité ensemble en évoquant l’âme du peuple israélien. Dans les accords troublants d’un psaume chanté, nous avons tous contemplé, en silence, le même Dieu, celui qui se trouve dans le coeur de chacun de nous.

Je les ai vu un vendredi, le soir, à Bucarest. Ils avaient invité, comme d’habitude, des collègues du cours de yoga et des ashrams. Plusieurs yogis sont venus attirés par la tradition juive. Camelia Roşu, le professeur de yoga accusé d’antisémitisme, était aussi présente. Les israéliens réalisent ensemble un rituel sacré, qui a survécu depuis des siècles. Même s’ils sont séparés de leur famille, partout où ils se trouvent dans le monde, les juifs fêtent le jour du sabat. Un homme et une femme allument les deux bougies, remercient le Dieu Céleste pour tout le bien qu’il fait, prient pour ceux qui leurs sont chers, récitent des psaumes qui L’appellent des profondeurs les plus lumineuses de l’âme, s’embrassent comme les frères, partagent symboliquement du pain.

Ici l’atmosphère est joyeuse, effervescente. Foca et Noa conduisent le rituel. La prière en hébreu est suivie d’une méditation. Les roumains apprennent quelques mots afin de pouvoir se joindre aux juifs durant le refrain d’une chanson traditionnelle. A la fin tous éclatent de rire. Maintenant nous savourons le moment où l’on s’embrasse en disant “Sabat Shalom!”. Foca, Sophia, Arthur entourent avec affection et embrassent Camelia Roşu. Le pain qui est partagé entre nous est très bon. Noa a pétri la pâte, c’est elle qui a veillé à la cuisson du pain. 

Uriel

Il est journaliste, il signe hebdomadairement la rubrique de spiritualité d’un important journal d’Israël qui paraît aussi dans une variante on-line (sur internet). Il avait rencontré Grieg au Danemark, durant un camp de yoga. Il avait attendu 16 heures jusqu’à ce que son tour arrive. En entrant dans la pièce, l’air de la chambre était rempli d’énergie. «Il m’a demandé qu’est-ce que je voulais et je lui ai répondu: “Te regarder dans les yeux.” Après des discussion avec plus d’une centaine de personnes, il me semblait un peu fatigué, mais à ce moment il s’est levé comme un lion et il m’a regardé. C’était un regard que je n’ai jamais rencontré. Dans ses yeux j’ai senti que j’avais trouvé mon maître.» Les paroles qu’ils ont échangé ont été moins importantes à partir de ce moment. Des phrases courtes comme d’habitude entre hommes. Mais Uriel sait qu’il a fait un pas décisif vers son âme.

Tout au début il n’a pas trouvé très agréable le fait d’habiter en Roumanie. Il lui semblait qu’il fasait trop froid, il ne connaissait pas la langue, il avait du mal à communiquer avec les autres. C’est ce qu’il s’est imaginé pendant la première année. Maintenant il se rend compte qu’il avait des problèmes de communication en général. Et l’expérience de l’ashram a énormément compté pour lui. Il me donne comme exemple un jour où il était planton à l’entrée de l’ashram. Il a alors ressenti le besoin de saluer chaque collègue qui partait le matin, en lui disant quelque chose d’agréable, quelque chose de personnel. De même le soir. Il a senti qu’il se dilatait affectivement, que la chambre ne lui suffisait plus.

Uriel a choisi de commencer ses tapas de six heures avec des douches impitoyables à la première heure de la matinée. Maintenant l’aspiration envers Dieu est si ardente qu’il n’a plus besoin de l’eau froide. Juste avant les événements de mars, un jour avant que le harcelement des autorités ne commence, Uriel avait parlé avec Grieg. C’était leur troisième rencontre. Il avait dit à Grieg que tous les deux mois il voulait se retirer dans un ashram à la montagne pour pratiquer le yoga pour un mois. Grieg l’avait encouragé et lui a souhaité bonne chance et succès. Deux ans sont passés depuis ce moment. Ces retraites sont, pour Uriel, intenses comme un rencontre d’amour. Elles sont remplies de paix, de profondeur de communication avec la dimension éternelle du monde.

Foca

A 15 ans il a commencé lire la Tora, à étudier le Zohar. Il cherchait Dieu. Pendant deux à trois ans il a oscillé entre les bayrams d’adolescents et les frénésies religieuses. Tout avait culminé avec la fréquentation d’un groupe d’hébreux ultra-orthodoxes. A ce moment là sa mère a été très effrayée et avait téléphone à Uriel qui est son frère aîné, et qui était en Inde. “Reviens à la maison et fait quelque chose sinon on va le perdre”, avait-elle dit au frère aîné, en sachant que dans ce genre de communautés la vie est tellement stricte, les principes théologies sont si impitoyables, que ceux qui choisissent ce mode de vivre la croyance, sont forcés de rompre les liens avec la famille. Foca rit: “Les journalistes accusent MISA d’isoler les pratiquants yoga! Nos parents sont venus plusieurs fois ici. Ils ont habité à l’ashram, ils nous ont accompagné pendant les méditations en spirale, ils sont contents de nous voir heureux.”

Uriel ne s’est pas contenté d’une simple discussion avec Foca. Ils ont réalisé trois jours de retraite pendant lesquelles il a appris à son frère toutes les asanas qu’il connaissait et de même ils ont réalisé une sorte de méditation dynamique que Foca faisait avec beaucoup d’enthousiasme en ressentant que son âme s’éveillait. Il n’était que sympahtisant de MISA quand il est allé à Costineşti pour le camp de yoga. Il a voulu faire partie du service d’ordre, aider d’une certaine manière. Et il l’a fait tellement bien qu’à la fin du camp il a reçu le prix pour le yogi le plus enthousiaste. C’est là qu’il a participé à des méditations qui l’ont marqué pour toujours, d’après ce qu’il dit. C’est là qu’il a rencontré Grieg. En faisant des achats, dans le plus banal magasin qu’il est possible de trouver. En s’approchant de lui, il a été inondé par une chaleur inconnue. Grieg l’a pris d’un geste touchant par les épaules et lui a dit: “Si c’est ce que tu veux, c’est bien que tu sois ici.”

Pour Foca la pratique spirituelle est sacrée, il fait du yoga six heures par jour. Il vient d’achever 17 mois de tapas et il en a commencé un autre, toujours pour 17 mois. Il est très heureux lorsqu’il a la possibilité de se retirer pour une semaine, ou deux, ou un mois dans une cabane à la montagne où, de même que son frère, Uriel, il pratique du matin jusqu’au soir des asanas, des méditations, du pranayama. 

Foca a 22 ans et depuis un an et demi il a été désigné pour s’occuper de l’administration de la maison où il vit. Il est toujours bienveillant, extrêmement sympathique, toujours en train de blaguer. Mais il n’a pas l’air d’adolescent d’un gâté. Il aime bien organiser les choses et il s’y connaît pas mal. Il dit et il sent qu’il doit être comme un père pour ceux qui y habitent, éprouver de la patience, de l’âme. “Ils me sont très chers”, ajoute-t-il d’un sourire qui lui éclaire le visage.

Pistis

Il a une intelligence brillante, mais toute son enfance et son adolescence il a été un rebelle. Il ne croyait qu’il devait prouver ses capacités, poursuivre de études universitaires. “Je peux apprendre seul ce qui m’intéresse.”Pour cette raison Pistis a été une sorte d’autodidacte qui dévorait des livres de nombreux domaines. Le code de la Bible est depuis longtemps une de ses grandes passions. Au début il ne comprenait pas comment utiliser un programme d’ordinateur et chercher dans le Livre des Livres toute sorte de noms de personnes et d’événements importants. Plus tard il a appris que c’est une façon  moderne de décodage mathématique des messages cachés dans l’Ancien Testament, étudiée par des mathématiciens juifs et des exégètes du monde entier des textes de la Bible. Mais la discussion avec Grieg l’a vraiment incité. “Le code de la Bible nous met en résonance avec le supra-mental de Dieu.”, lui avait dit le maître. C’est ainsi qu’ont commencé la recherche, l’étude et l’expérience spirituelle qu’il vit maintenant avec une intensité qu’il ne soupçonnait même pas.

Il a longtemps étudié ensemble avec Arthur. De plus en plus de collègues de l’ashram ont commencé à rechercher sa présence, lui poser toute sorte de questions, en voulant apprendre des détails. Alors Pistis s’est décidé à soutenir une conférence qui s’est déroulée avec la salle archi-pleine. Des yogis des années différentes sont venus pour la conférence. Il a du la repéter plusieurs fois, il est même arrivé à faire des conférences dans deux autres villes, parce que les yogis de là-bas étaient intéressés par le code biblique.

Le premier tapas sérieux qu’il a réalisé depuis qu’il habite en Roumanie durait quatre heures et c’était pour une période de 15 mois. Maintenant il pratique six heures par jour ce qui lui semble plus facile qu’au début. Il est convaincu que sur la voie spirituelle il n’existe pas de vacances, il faut garder en permanence l’élan. 

Pistis a toute une philosophie sur la vie en ashram. Il dit que dans une communauté spirituelle de ce genre, on est tout le temps confronté à l’ego. Il est impossible de te cacher de toi-même, les autres te font voir le point de l’évolution où tu te trouves. Ici tu découvre si tu as vraiment l’état de disciple, si tu as de l’abnégation, si tu t’impliques affectivement en ce que tu fais.

Il aime beaucoup les roumains. Ils ont gardé la propreté intérieure, on ne voit pas chez eux le cynisme qui est devenu pour beaucoup d’occidentaux un masque de protection. Ils sont comme des frères. “Les roumains offrent quelque chose non pas parce qu’ils en ont beaucoup. S’ils ont un bocal de miel, ils t’en donnent parce qu’ils se réjouissent de le partager avec toi.”

Sophia

Elle est étudiante en Psychologie et elle veut utiliser ce qu’elle apprend maintenant dans une synthèse profonde avec la science spirituelle du yoga. Ses parents ont eu des moments où ils ne comprenaient ce qui se passe avec leur fille, qu’est-ce qu’elle chercher en Inde, en Thailande, au Népal, en Roumanie? Ils sont venus plusieurs fois à Bucarest, voir sa chambre d’ashram, connaître ses collègues de yoga. Maintenant ils sont édifiés. Ils ont une grande sympathie pour l’école d’ici et ils ont pensé qu’il serait génial que Sophia et ses amis israéliens ouvrent un cours MISA à Tel Aviv.

“J’ai une maison, une voiture, un compte à la banque, j’ai tout ce que je veux en Israël.  La vie là-bas est beaucoup plus légère qu’ici, je peux voyager partout, je peux m’établir dans tout le pays où j’ai de la famille. Et pourtant pourquoi suis-je ici ? C’est parce que que mon cœur me le dit … Pour moi il n’existe pas une autre possibilité pour que je me sente contente. J’ai voulu trouver un maître qui contient en lui la vérité spirituelle dont il nous parle. Pour lui je serais allée non seulement à Bucarest, mais jusqu’au bout du monde.”

Sophia parle dans un roumain plein de saveur. Ses yeux brillent, ses gestes qui soulignent les mots sont délicats. Sa beauté vient d’au-delà de son visage qui me fait penser aux magnolias qui s’épanouiront bientôt. D’ailleurs elle a vu Grieg pour la première fois lorsqu’elle se trouvait sur la scène pour le spectacle Miss Shakti. L’expérience a été comblante. “Ce n’était pas quelque chose d’humain. Ma respiration s’est coupée, seulement en le regardant j’ai eu le sentiment de l’éternité.”

Après son premier séjour en Roumanie, Sophia a du rentrer en Israël. En sortant de Costineşti ses larmes ont commencé à couler. Elle a pleuré aussi dans le maxi-taxi, dans le train, dans la voiture qui la conduisait à l’aéroport, à Otopeni. Son cœur était brisé. Elle a pleuré en cachant son visage vers la fenêtre de l’avion. En arrivant à Tel Aviv il a été claire qu’elle y est rentrée seulement pour préparer ses bagages pour un départ définitif vers Bucarest.

En étant enfant, Sophia a vécu en Russie. Les commentaires méchants, les blagues cruelles des collègues d’école lui ont directement appris ce qu’est l’antisémitisme. Elle a retrouvé le même genre de violence en Roumanie, mais cette fois orientée contre les yogis. Et ici il n’est pas question des blagues d’enfants, mais des attitudes officielles.

Sophia a vécu le cauchemar des perquisitions du 18 mars 2004, lorsque plus de trois cents gendarmes masqués et des procureurs ont envahi les ashrams de MISA. Elle s’est réveillée le matin avec un arme pointée sur sa tête. Son sang s’est dans ses veins. A l’époque elle ne parlait encore lr roumain, les gendarmes criaient envers elle de s’allonger au sol, aucun interprète n’existait pour parler aux étrangers et pour leur dire la raison d’être traités comme des terroristes.

“Je suis discriminée en Roumanie”, dit Sophia clairement. “Mais la seule discrimination que j’ai subi c’est parce que je pratique le yoga, non pas parce que je suis juive. A MISA j’ai les meilleurs amis que j’ai eu ces dernières années. Je suis très heureuse que nous sommes ensemble et nous nous dirigeons pas à pas vers le même but, la même vérité. Mon âme est très heureuse à chaque fois que je rentre à la maison, c’est un sentiment extraordinaire.”

Noa et Franciscus

Du drame à la comédie qui te fait rire avec des larmes, Noa peut tout jouer. Elle a une expressivité extraordinaire et est artiste jusqu’au bout de l’âme. Cela ne l’a pas empêchée de faire face avec brio aux charges d’officier dans l’armée israélienne. Elle a aimé la provocation des situations imprévues, la responsabilité de leader et de professeur. Sa voie vers l’école de yoga de Gregorian Bivolaru est passée toujours par l’Inde, par le “Roumain”, où elle a eu les premiers déchaînements de l’âme et les premières révélations. Elle a eu l’intuition qu’elle doit venir ici, à la source.

En habitant à l’ashram elle a découvert beaucoup de choses sur elle-même. Elle s’est regardée avec une profondeur de la sincérité parfois douloureuse. Elle at identifié ses limites, qu’elle n’avait pas connues auparavant, des peurs subconscientes, des défauts qu’elle avait masqués à l’aide de son charme naturel. La philosophie mystique du shivaïsme du Cachemire a révolutionné sa vision sur l’art, mais aussi sur l’art de vivre spirituellement.

A côté des méditations et des asanas de chaque jour, Noa a un tapas qu’elle a structuré à partir de l’idée des neuf émotions esthétiques fondamentales, archétypale, nommées rasa. Elle a délimité le tapis de sa chambre en neuf carrés correspondants, et lorsque la vie quotidienne éveille en elle l’une de ces émotions – plaisir, furie, dégoût, peur etc. – elle s’asseoit dans le carré correspondant et médite intensément sur l’archétype de l’état, ensuite elle « joue », en cherchant à l’exprimer de manière esthétique. Seulement à travers la respiration, ou les mains, ou le visage, ou le corps. A travers les mots, le silence… L’effet est fascinant. Au-delà de la sacralité que l’interprétation artistique reçoit, les rasa lui ont apporté la révélation que la furie à l’intensité divine, par exemple, c’est en fait l’ordre cosmique, la souffrance qui atteint la dimension tragique est le sacrifice total du Divin. Le sentiment vécu avec lucidité, jusqu’à ce que l’on atteigne la source d’où proviennent toutes les énergies l’aide à passer au-delà des émotions, à sentir le toucher du transcendant.

Franciscus a depuis toujours été intériorisé. Ses gestes sont calmes, ses phrases très concentrées. Il a abandonné en Israël une profession, une maison, un confort tel que peut-être de nombreux le désirent. Il est venu en Roumanie connaître Grieg, c’était un désir auquel il n’a pas pu résister. Malgré qu’il n’aait pas eu une image de ce qu’il aller trouver ici, de ce qui aller se passer. Il est resté à l’ashram, convaincu que c’est l’endroit où ses explorations spirituelles peuvent prendre une envergure infinie. Il a passé l’examen pour la faculté de Médecine.

Il a rencontré sa bien-aimée, Noa, en méditant ensemble dans le groupe de méditations pour la révélation du Soi, auquel font partie des yogis de toutes les années de cours. C’est ainsi que la fascination entre eux s’est éveillée et de là est née la sève de la relation à l’aide de laquelle ils ont composé une profonde sincérité et une évolution spirituelle en couple. “Elle m’a appris à ouvrir mon âme. Non à travers les mots, mais à travers les états. Noa apporte les sentiments, je sens que mon être devient complet avec elle.”

Franciscus n’est pas l’homme des effusions, mais il n’aime pas non plus les demi-mesures. Il me raconte le meting international MISA de 2004. Alors il a du décider s’il irait devant le groupe d’israéliens avec leur drapeau. Il savait qu’il y aurait beaucoup de presse, il a pensé que des images paraîtraient dans les journaux TV, des photos dans les articles. Il a pensé pour un instant que l’association évidente avec MISA peut devenir n’importe quand un point vulnérable, à la douane, au consulat, dans les relations avec les autorités roumaines, celles d’Israël. A ce moment beaucoup de barrières qui existaient en lui ont été franchies. Il a été heureux de porter le drapeau d’Israël et s’est réjouit du fait que les disciples juifs de Grieg sont ensemble avec les autres, solidaires dans leur protestation pour la liberté, pour la vérité.

Arthur

Il a un long exercice de la discipline depuis qu’il a été officier dans l’armée israélienne. Mais la discipline qu’il a adopté sur la voie spirituelle a un autre fondement et une autre hauteur. Les compréhensions profondes que le yoga lui ont apporté lui ont fait promettre qu’il accordera du respect absolu à la vie et qu’il ne touchera plus jamais d’arme.

Arthur n’aime pas parler de cet aspect, mais ses amis m’ont dit qu’il pratique le yoga huit heures par jour. J’en suis impressionnée. Je suis impressionnée par son air calme, le sourire qui reflète sa force intérieure. Il habite à l’ashram depuis trois ans et il est convaincu qu’il doit à son maître et à l’école le fait qu’il a retrouvé la croyance en Dieu qui s’est épanoui impétueusement dans son cœur et a enrichi sa vie.

“Grieg nous conseille tous, quelque soit notre pays de provenance, d’amplifier ce qui est divin dans notre tradition, pour établir ainsi des portes de communication avec ce qui est divin dans toute autre tradition. Dans ses cours nous retrouvons des références à la Kaballe, à la Tora, des exemples illustrés de la vie des rabbins … Son école croit dans une voie de l’amour et de la sagesse universelle.” Je lui demande pourquoi il est resté ici, après que Grieg a du soliciter l’asile politique en Suède. “Sa présence n’est pas premièrement physique. Si elle existe déjà dans le cœur, la relation avec lui croîtra toujours. Et la Roumanie est comme un nid. Nous continuons à croître. Mais nous savons qu’il existe un moment où nous devrons ouvrir nos ailes et porter plus loin cet enseignement. Nos amis d’Israël nous attendent avec impatience.”

mars 2006


yogaesoteric

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