État d’urgence sanitaire prolongé : le gouvernement français « drogué » aux « mesures liberticides » ?
La loi du 15 février 2021, qui fait référence à l’état d’urgence sanitaire prolonge jusqu’au 1er juin 2021 l’état d’urgence sanitaire en cours. C’est le 6e texte soumis au Parlement sur le sujet depuis mars 2020.
Le gouvernement chercherait-il un nouveau moyen légal de pérenniser l’état d’urgence sanitaire ? L’avocat Thibault Mercier fait part à Sputnik de ses inquiétudes.
Un gouvernement « drogué » à l’état d’urgence
Instauré le 23 mars 2020, l’état d’urgence sanitaire a été prolongé à plusieurs reprises par l’Assemblée nationale : dernière en date, la loi du 15 février le proroge jusqu’au mois de juin. Un cadre juridique qui a permis au pouvoir exécutif de prendre des mesures exceptionnelles afin d’endiguer la circulation du virus. Assignation à résidence, couvre-feux, interdiction d’ouverture de commerces, limitation et interdiction de la liberté de circulation… autant de restrictions des libertés individuelles que le gouvernement pourrait appliquer à sa guise une année encore.
Une annonce « très grave », selon Me Thibault Mercier, avocat et cofondateur du Cercle Droit et Liberté. Elle révèlerait au grand jour un pouvoir exécutif « quasiment drogué » à l’état d’urgence sanitaire et ses « mesures liberticides ».
« Cet état d’urgence permet au gouvernement de diriger par décrets et ordonnances, c’est-à-dire sans consultation démocratique », ajoute l’avocat au micro de Sputnik. « Avec ce prolongement, il pourra continuer à mener le pays sans passer par la consultation du Parlement et du peuple. »
Le Premier ministre justifie ces restrictions aux libertés par la gravité de la crise sanitaire qui frappe le pays.
Thibault Mercier estime quant à lui que le rôle de l’état d’urgence est de faire face à une situation qui « met en péril la survie de l’État ou du pays », ce qui n’est « plus du tout le cas » à ses yeux. Mieux vaudrait donc, selon notre interlocuteur, donner « plus de moyens aux hôpitaux » plutôt que « porter sans cesse atteinte aux libertés individuelles ».
Pérenniser l’exception, le vrai projet du gouvernement ?
Bien sûr, l’accusation de profiter de la crise sanitaire pour poursuivre une « dérive autoritaire » n’est pas neuve. Elle a néanmoins pris une nouvelle ampleur au mois de décembre dernier, lorsque le projet de loi visant à instituer « un régime pérenne de gestion des urgences sanitaires » a été présenté en procédure accélérée en Conseil des ministres.
Pour stabiliser l’état d’urgence actuel, le gouvernement entendait instaurer un cadre législatif nouveau « dotant les pouvoirs publics des moyens adaptés », afin de faire face aux « situations sanitaires exceptionnelles ». Un « régime de crise sanitaire », calqué sur l’état d’urgence sanitaire actuel, mais auquel auraient été ajoutées toutes les mesures restrictives prises depuis le mois de mars dernier. Le projet de loi prévoyait également de confier au Premier ministre la possibilité de « subordonner les déplacements de personnes » et « l’exercice de certaines activités » à la preuve de « l’administration d’un vaccin ». La crainte de voir l’instauration d’un « passeport sanitaire » fut telle que le ministre de la Santé avait dû se rendre sur TF1 pour répondre à la polémique :
« Ce texte n’a pas du tout vocation à envisager la vaccination obligatoire contre le coronavirus. Le gouvernement ne le proposera pas devant le Parlement avant plusieurs mois, avant d’être sorti de la crise ».
Un prolongement de l’état d’urgence sanitaire jusqu’à la fin de juin pourrait bien remettre le feu aux poudres. D’aucuns pourraient y voir un moyen pour l’exécutif de renouveler son projet de pérennisation d’une situation exceptionnelle par d’autres voies.
yogaesoteric
8 avril 2021