Ex-agent du SBU – Révélations sur le MH17, l’usage de la torture, etc. (2)


Le 25 mars 2019, lors d’une conférence de presse à Moscou, un ancien lieutenant-colonel du SBU (Service de Sécurité Ukrainien), Vassili Prozorov, a dévoilé devant les médias un grand nombre d’informations concernant l’Ukraine et le Donbass, allant du MH17, à l’usage de la torture par Kiev, en passant par les assassinats des commandants des Républiques Populaires de Donetsk et de Lougansk (RPD et RPL).

Voici la traduction de l’interview qu’il a accordée à Alexandre Kots, journaliste russe, pour Komsomolskaya Pravda, et de morceaux issus de la conférence de presse qui viennent compléter l’image globale que donne cette interview.

Lisez la première partie de cet article

Les prisons secrètes

Comment traitent-ils les habitants ?

D’une manière terrible. Ils se comportent comme des occupants. Une personne vous regarde et vous attrape, et soit il vous emmène dans un champ, soit il vous emmène à la « bibliothèque ». Aux points de passage ils vérifient les téléphones, et s’il y a une photo du drapeau de la RPD, ou un ruban de St-Georges, la personne est menottée dans le dos et envoyée à la « bibliothèque »…

Est-ce le nom d’une des prisons secrètes du SBU ?

Oui, à Marioupol. Il y a deux cellules, d’anciens frigidaires. Des personnes ont été assassinées là-bas, parfois elles y restaient une semaine. Elles étaient interrogées de préférence dans les salles du fond, où le béton était imbibé de sang et où il y a des griffures d’ongles sur les murs.

Est-ce un phénomène répandu ?

Très répandu. Laissez-moi expliquer pourquoi la « bibliothèque » de Marioupol existait dans le contexte du travail des services de contre-espionnage du SBU. Par exemple, ils avaient un groupe pro-russe. Mais ils n’avaient pas de preuves précises, à part quelques interceptions téléphoniques. Ils amenaient une personne à la « bibliothèque », le battaient pour obtenir une confession, puis l’emmenaient dans un champ et le relâchaient, et après cinq minutes, l’arrêtaient de nouveau, mais officiellement cette fois. Et ses procès-verbaux d’interrogatoire n’étaient pas datés. C’était un beau stratagème gagnant-gagnant. Si quelqu’un demandait pourquoi la personne avait les côtes cassées, il suffisait de répondre « qu’est-ce qu’on en sait ? Il était dans cet état quand nous l’avons arrêté ». En outre, chaque bataillon de volontaires avait ses propres prisons. Le bataillon Tornado avait aménagé un vrai atelier de torture dans leur base située dans une école, avec des gens accrochés à un chevalet à la limite de la mort.

Photo : Alexandre Kots

À Marioupol, le SBU aussi torturait des gens.

Oui tout le spectre – asphyxie avec des sacs, masque à gaz avec des cigarettes, différents écartèlements. On frappait directement les gens dans la chair. Une fois, en ma présence, la méthode israélienne du simulacre de noyade a été utilisée. Un chiffon sur le visage et on verse de l’eau dessus. Les services de contre-espionnage soupçonnaient un homme de travailler pour les services secrets russes et ils l’ont « travaillé » pendant des heures, mais il ne disait rien. C’était horrible. Ils l’ont ensuite remis au bataillon Dniepr et l’eau a fait craquer l’homme, en 20 minutes environ.

Il travaillait réellement pour les services secrets ou il a dit ça simplement pour qu’ils le laissent tranquille ?

Il était dans le groupe qui supervisait nos services de renseignement. C’était réellement horrible. Vous comprenez que ces personnes sont de votre côté à ce moment-là, que ce sont vos collègues, et vous ne pouvez rien faire. Si je réussissais à prévenir le Centre, disons qu’ils en ont attrapé deux, et on a pu en sauver huit. J’étais sur le territoire de l’aérodrome et je vois le bataillon Dniepr qui embarque en urgence pour partir. J’attrape le chef et lui demande : « Où allez-vous ? ». Il me répond « Nous allons attraper Arsen Borissov à Volnovakha ». Il était à cette époque le commandant de Marioupol pour la RPD. J’ai prévenu le Centre, et le soir, Dniepr était de retour : « Tu imagines, nous sommes arrivés trop tard. Nous sommes arrivés, le chaudron était encore actif, mais il n’était pas là… ». Et une fois j’ai sauvé tous les dirigeants de la RPD.

Je suppose que c’est la première fois, n’est-ce pas ?

Oui il y a un hôtel appelé Liverpool à Donetsk. Le propriétaire de l’hôtel est venu à Marioupol, il n’aimait pas beaucoup la Russie. Il m’a dit : « Strelkov, Borodaï et tout leur entourage se sont installés à l’avant-dernier étage. Je suis prêt à installer une balise sur le toit pour que vous puissiez frapper et décapiter toute la RPD ». J’ai d’abord fait un rapport au Centre, puis à Kiev. Il y avait déjà des négociations avec les militaires qui pensaient utiliser un Totchka-U. Nous avons préparé l’opération dans les grandes lignes, et soudain le directeur m’appelle et me dit : « Tu sais, ils sont partis brusquement ».

Mais, néanmoins, certains chefs de la RPD et de la RPL, comme Zakhartchenko, Motorola, Guivi, Mozgovoï ont été assassinés. Savez-vous qui les a tués ? Certains pensent qu’il s’agit de conflits internes…

Les chefs des républiques ont été les victimes d’opérations spéciales, pas de conflits internes. Je ne sais pas tout, mais pour Motorola et Guivi, je suis sûr à 100 % que c’est une opération de la cinquième direction du département de contre-espionnage du SBU et des forces d’opérations spéciales des Forces Armées Ukrainiennes (FAU). La cinquième direction est employée dans des actes de terrorisme, de sabotage, et le déploiement d’un réseau de partisans. Ils sont entraînés par des instructeurs venant des États-Unis et de Grande-Bretagne.

À quel point le SBU est-il implanté en RPD ? Nous comprenons tous que sans personnes à l’intérieur, des assassinats de cette ampleur sont impossibles.

Nous aborderons ce sujet de manière très restreinte. Disons juste que les agents utilisés pour des actes de sabotage et des attaques terroristes travaillent bien. Il y a aussi des tentatives d’infiltrer des gens au sein des services secrets de la RPD et de la RPL.

Il y a des rumeurs sur la participation de soldats étrangers dans les combats qui ont lieu dans le Donbass.

Je n’ai entendu parler que de Baltes et de Polonais – des groupes de snipers. Mais tout ceci reste des rumeurs. En ce qui concerne la participation de personnel militaire dans les hostilités, c’est une information réellement confidentielle. Des volontaires et des mercenaires, ça oui il y en a autant que vous voulez. Des visites d’officiels militaires dans la zone de l’Opération Anti-Terroriste, il y en a plus qu’assez. À l’été 2017, tous les attachés militaires de l’OTAN sont venus. En outre, ils étaient menés par le chef du département du renseignement du Comité militaire de l’OTAN, le général américain Paul Nelson.

Et qu’est-ce qui les intéressait le plus ?

Les mesures prises pour contrer les services secrets russes. Mais les Polonais s’intéressaient aux activités des groupes de renseignement militaire. Car, comme ils le disaient, dans le Donbass il y a une guerre au sens classique du terme. Une ligne de front, de l’artillerie des deux côtés, des positions fortifiées. Il n’y a plus eu de telle guerre depuis longtemps, et beaucoup de pays ont tout simplement oublié comment se battre.

La CIA et le MI6 entraînent les agents du SBU

Lors de la conférence de presse, l’ex-agent du SBU donne plus d’information sur l’implication des services secrets occidentaux dans l’entraînement de leurs collègues ukrainiens et l’élaboration de plans secrets.

« Je ne sais pas pour quelles raisons [ils font ça NDLR]. Je pense que c’est non seulement pour des raisons de sécurité, mais aussi pour des raisons de collusion, car les employés de la CIA sont présents à Kiev depuis 2014. Ils vivent dans des appartements clandestins et des maisons de banlieue », a-t-il déclaré.

« Cependant, ils viennent souvent au bureau central du SBU pour assister, par exemple, à des réunions spécifiques ou planifier des opérations secrètes », a-t-il dit.

« Pour citer des noms précis, en particulier les agents du MI6 – Charles Backford et Justin Hartman – qui il me semble, bien sûr, je peux me tromper, sont venus au SBU en 2016. Je me suis souvenu d’eux parce qu’ils n’étaient pas seulement venus à une réunion avec les dirigeants du Service de sécurité ukrainien, mais qu’ils avaient également visité la zone de l’opération antiterroriste, la ville de Kramatorsk, et l’autorisation de visiter cette zone est accordée par le biais du siège du centre anti-terroriste et ces noms ont donc été mentionnés », a déclaré l’ancien employé du SBU.

En outre, un membre de l’Agence de renseignement du ministère de la Défense, Harry Reid s’est également rendu en Ukraine, a dit l’ex-agent du SBU.

« A ce moment-là, c’était l’automne 2017, il semblait être le directeur du bureau. Il est venu à Kiev en tant que représentant des forces d’opérations spéciales, puis il s’est rendu à Berditchev où se trouve le centre de formation des forces spéciales parce qu’il a directement supervisé le développement des forces d’opérations spéciales ukrainiennes et à Berditchev, il a vérifié l’activité des bérets verts américains qui y étaient stationnés en tant qu’instructeurs, » a dit Prozorov.

L’ancien agent du SBU a aussi ajouté que de nombreux représentants d’organisations non gouvernementales étrangères, par exemple la Rand Corporation, sont présents dans les agences de sécurité ukrainiennes.

« Je ne donnerai pas les noms pour l’instant, mais ces documents sont disponibles parce que je les ai obtenus. Il y en a beaucoup et ils viennent souvent », a dit l’ex-employé.

Il a aussi souligné la présence d’instructeurs étrangers qui travaillent avec les bataillons spéciaux.

« J’ai vu de mes propres yeux des Suédois et des Italiens, par exemple, au sein d’Azov », a-t-il déclaré.

« Bien sûr, on peut rappeler le cas de M.[Giorgi] Kalandadze, l’ancien chef d’état-major des forces armées géorgiennes qui n’a pas seulement formé les unités Dniepr et Azov mais les a formés, entre autres, aux méthodes d’interrogatoire et à la torture, » a déclaré Prozorov. « C’est la première chose qui me vient à l’esprit. »

La piste ukrainienne concernant le MH17

Que savez-vous de la tragédie du Boeing malaisien [le MH17 NDLR] ?

Les informations à ce sujet sont très confidentielles. Il y a des éléments qui me paraissent suspects. Premièrement, la réaction rapide, presque instantanée des autorités ukrainiennes. Cela n’arrive pas normalement. Plus précisément, cela arrive si vous savez à l’avance que la catastrophe va avoir lieu, et que vous préparez les déclarations et réactions appropriées. Pourquoi ne pas avoir fermé l’espace aérien, où sont les contrôleurs aériens ?

Si la Russie avait abattu l’avion, l’information aurait-elle été aussi confidentielle ?

Non, je l’aurais su avec certitude. Le quartier général du centre anti-terroriste analyse toutes les informations qui arrivent. En gros, toutes les catastrophes qui ont lieu dans le monde, qu’il s’agisse d’attentats aériens ou d’attentats terroristes à grande échelle, se trouvent dans le rapport quotidien du CAT. Bien sûr, l’information circule instantanément. Et soudain, tout est fermé hermétiquement.

Note : lors de la conférence de presse, Vassili Prozorov a souligné qu’à toutes ses tentatives de découvrir les circonstances de la catastrophe, il recevait la même réponse qui était en gros « Ne mets pas ton nez dans cette affaire, si tu ne veux pas avoir de problèmes ».

Pour quelle version penchez-vous ?

Je ne penche pas, je suis sûr que l’Ukraine est impliquée. Il y a trop de coïncidences. Et je connais deux personnes qui ont couvert les traces de cette tragédie. Il s’agit de Valery Kondratiouk et Vassili Bourba. Le premier était le chef du département de contre-espionnage du SBU, puis le chef de la Direction principale du renseignement du ministère de la Défense, et maintenant il est le chef adjoint de l’administration présidentielle. Et le second est maintenant le chef du principal service de renseignement.

Prédictions électorales

Qui pensez-vous a le plus de chances de gagner cette élection ?

Porochenko, bien sûr.

Les sondages disent autre chose.

Et alors ? Il a les leviers d’influence les plus efficaces dans ses mains. Les finances du pays sont à sa disposition, les services secrets travaillent pour lui et les ressources administratives sont énormes. Peu importe comment vous votez, ce qui est important c’est comment ils vont compter. Le système électronique des élections est contrôlé par le SBU, et le SBU est contrôlé par Porochenko. L’autre jour les salaires du département ont été augmentés.

Note
: lors de la conférence de presse, il a rappelé ce qu’on a dénoncé, à savoir la future présence d’agents du SBU dans les commissions électorales pour frauder les élections.

yogaesoteric
21 février 2020

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