Faut-il interdire les écrans aux enfants ?
Par Sophie Bartczak
Tablette, télé, mobile, console… Trop d’écran perturbe l’enfant ! Revue de détail des règles établies par l’Académie des sciences, pour chaque âge.
Les jeunes Français passent 900 heures par an à l’école et… 1.200 heures devant les écrans (télévision, Internet, jeux vidéo, téléphone mobile). Les experts s’accordent pour dire que trop, c’est trop ! Et les conséquences connues pour la santé leur donnent raison : à 6 ans, deux heures d’écran par jour augmentent les risques à venir de maladies cardiaques, d’hypertension artérielle et de diabète, sans compter qu’à l’adolescence le surpoids est directement lié au temps d’écran. Plus inquiétant, la lumière bleue émise par les tablettes affecterait la mélatonine, « l’hormone du sommeil », et donc notre horloge biologique. Deux heures d’exposition la font baisser de 22 % et entraînent des troubles du sommeil, des risques de diabète, d’obésité et même de cancer du sein. Face à cette succession d’alertes, les parents s’interrogent : faut-il interdire ou limiter les écrans, lesquels et comment ? Se basant sur les dernières données, notamment en neurobiologie et en psychologie, l’Académie des sciences vient d’émettre un avis complet, adapté à chaque âge. L’essentiel en sept points.
1. Dialoguer plutôt qu’interdire
Il est important que les parents et éducateurs s’adaptent aux nouvelles technologies pour rester en phase avec les jeunes et dialoguer : « Beaucoup de réactions vis-à-vis de jeunes risquent d’être inappropriées, marquées de laisser-faire indifférent ou résigné, ou d’enthousiasme irréfléchi, ou encore d’incompréhension profonde », indique l’avis. Les logiciels de contrôle parental sont nécessaires, mais ils fonctionnent moyennement et rien ne remplace le dialogue autour des écrans et la confiance – pour éviter notamment d’aller voir en cachette les sites que consulte l’enfant.
2. La règle 3-6-9-12
Ce repérage simple a été proposé par l’Académie américaine de pédiatrie : pas d’écran avant 3 ans, une heure par jour entre 3 et 6 ans, 2 heures entre 6 et 9 ans et 3 heures au-delà. Il s’agit du temps global d’écran : télévision, ordinateur, console, tablette, mobile…
3. Avant 2-3 ans : pas de télé !
Les écrans non interactifs comme la télévision et les DVD n’ont aucun effet positif pour les moins de 2-3 ans et peuvent surtout induire des conséquences sur plusieurs années, avec des retards scolaires, mais aussi « des prises de poids, des retards de langage, des déficits de concentration et d’attention ou des risques d’adopter une attitude passive face au monde ». La publicité doit être proscrite, car son exposition brouille les repères de l’enfant…, qui peut devenir tyrannique vis-à-vis des parents ! Quant aux tablettes visuelles et tactiles, elles peuvent être proposées avec prudence aux plus jeunes pour accompagner leur développement sensori-moteur. Mais, attention, l’enfant doit d’abord mettre en place ses repères avec l’espace et le temps dans le réel, ce qui passe surtout par des interactions sensorielles : toucher, voir, entendre, bouger !
4. Entre 3 et 6 ans, ni console, ni tablette personnelle, ni journal télévisé
À cet âge, il est important d’inviter l’enfant à parler de ce qu’il voit sur les écrans. À partir de 4 ans, « les ordinateurs et consoles peuvent être un support occasionnel de jeu en famille, voire d’apprentissages accompagnés ». Avant 6 ans, il est déconseillé de laisser l’enfant jouer seul, car son attitude peut devenir rapidement compulsive et il peut fuir le monde réel en se réfugiant dans les écrans. Enfin, du fait des images violentes, le journal télévisé est à proscrire.
5. Entre 6 et 12 ans, lui apprendre à s’autoréguler
Les avantages pédagogiques du numérique à cet âge sont réels. Ainsi, certains logiciels de lecture ou de calcul permettent des progrès lors de dyslexies ou de dyscalculies. C’est donc l’excès qui est nocif : il entraîne des carences en activités physiques, un isolement social ainsi que des risques accrus de troubles ultérieurs de la vision (myopie). C’est à cette époque que l’éducation à l’autorégulation s’acquiert et permet d’éviter les dérives à l’adolescence.
6. Adolescents : des règles claires sur le temps d’Internet et de jeu
L’adolescent a encore besoin des conseils, du dialogue et d’un certain contrôle, car sa maturation cérébrale n’est pas encore achevée. Parler avec lui de ce qu’il aime sur Internet, de ce qu’il voit et fait sur les écrans lui permet de développer un sens critique. À cet âge, bien utilisés, les écrans sont des alliés pour mieux former son esprit et son intelligence, et développer un cerveau plus exploratoire, rapide et déductif. Certains jeux vidéo développent l’attention visuelle, la concentration et la prise de décision rapide. Il faut être attentif aux jeux choisis et à la manière d’y jouer. Si l’adolescent joue avec ses amis, s’il crée par lui-même des images ou des films ou encore s’il désire exercer une profession liée au numérique, alors, sa relation aux écrans est tout à fait positive ! À l’inverse « l’usage trop exclusif d’Internet conduit à une pensée zapping trop rapide, superficielle et excessivement fluide, appauvrissant la mémoire et la capacité de synthèse personnelle ». Quant aux réseaux sociaux, les adolescents les utilisent généralement à bon escient et ils peuvent être un vrai espace d’expérimentation, d’innovation et d’exploration tant sociale qu’individuelle. Il faut surtout les sensibiliser sur les dangers des traces laissées sur le réseau (commentaires, états d’âme, vidéos sur YouTube…). Elles les exposent en effet à un grand nombre d’interlocuteurs plus ou moins bien intentionnés.
7. Connaître les points de vigilance
« L’apparition de somnolence, de difficultés de concentration, ainsi que la baisse des résultats scolaires doivent alerter les parents sur des usages nocturnes excessifs », souligne le rapport. Ils sont bien souvent réversibles si on intervient aux premiers signes d’alerte en établissant un contrôle sur le temps d’écran, notamment nocturne. Attention : des troubles du sommeil, une insécurité psychique, un esprit peu enclin à l’entraide ou à la coopération peuvent être causés par des images violentes. Celles-ci n’ont pas le même effet chez tous les enfants, car certains s’identifient à l’agresseur, d’autres à la victime ou au sauveur. Il est donc important de respecter les âges indiqués sur les programmes et les jeux vidéo, de maintenir un dialogue familial et de valoriser la compassion ou la solidarité, autant de valeurs qui peuvent s’affaiblir face à la violence de certaines images.
yogaesoteric
22 février 2020
Also available in: Română