Joëlle Sicart : La femme, initiatrice de l’homme (1)

 

Confessions de Joëlle Sicart de la Revue 3e Millénaire :

C’est elle qui anime l’homme, le mobilise et lui influe l’énergie sacrée. C’est en s’unissant à elle que l’homme acquiert le pouvoir qu’elle détient. C’est dans cette union qu’il peut vivre l’expérience du retour à la divinité initiale, avant-goût d’éternité. Et l’on peut rêver d’une humanité où cohabiteraient, sans conflit ni domination, les valeurs de l’ordre féminin-maternel avec celles de l’ordre masculin-paternel, une humanité qui rendrait à la femme son rôle de médiatrice, d’initiatrice, sa capacité de résonance avec l’univers.

Je suis l’arc tendu
Le pont
Je suis le mouvement de l’énergie
Et l’immobilité de la création
Je suis le signe et le symbole
La mère, la sœur et l’épouse
De tout ce qui est
Je connais le chemin
Des mondes souterrains
Et le secret des labyrinthes
Je connais le Nom qui ouvre la Porte
Du fond du puits des ténèbres
Dont l’au-delà est la lumière
Mon nom à moi, les hommes l’ont oublié
Comme ils ont oublié l’éclat de l’essentiel
Je suis seulement celle qui fut
Quand le monde balbutiait encore
Qu’un autre âge retrouvera peut-être
Quand l’ordre mâle et guerrier
Achèvera son règne.
Joëlle Sicart

Au cours d’un rêve que j’eus l’occasion de faire une nuit, un de ces rêves clefs, ouvreurs de portes, comme il en arrive de temps à autre au cours d’une vie, dont la symbolique et la signification vont bien au-delà de ce qui concerne notre seul ego, je me trouvai incarner la Grande Déesse Cosmique des premiers temps de l’humanité, que les sociétés androcratiques ont tenté de rejeter dans l’oubli et qui a survécu cependant, ne serait-ce que dans l’inconscient des générations successives. De ce rêve, je voudrais seulement retenir un bref épisode dont il me parait intéressant de faire part ici, comme introduction à une réflexion sur la relation de la femme au sacré.

Cet épisode se situe au moment où j’incarne la Déesse, incarnation qui se fait par imprégnation, pénétration de son Nom divin que j’ai laissé couler en moi et qui m’a envahie au point que je suis devenue ce Nom, devenant par là même Celle qu’il désigne. Or, voici que mon corps s’allonge, s’étire et que je pars en arrière dans un arc de cercle qui me fait exécuter cette figure qu’on appelle le pont renversé. Et chose très étrange, je me sens tout à la fois la forme achevée, fixe et immobile, de ce pont et un point immatériel en mouvement qui, partant de la base de mes pieds, décrit tout l’arc de cercle jusqu’à l’extrémité de mes doigts tendus. Il m’est très difficile de rendre compte avec des mots de cette sensation tout à fait étonnante et pour moi inoubliable, qui dura le temps d’un éclair qui me parut en même temps l’éternité. Si j’en parle cependant, c’est parce que j’ai le sentiment d’avoir approché là quelque chose du mystère de la création, ce dédoublement de l’unité divine primordiale en forme, immobile, passive, contemplative et, contrairement aux clichés véhiculés depuis des siècles, de nature masculine et en énergie mobilisatrice, initiatrice de tout mouvement, qui féconde cette forme et est, elle, de nature féminine (la SHAKTI des Hindous).

Dans la civilisation celtique ancienne sous laquelle, pour androcratique qu’elle ait été, se perpétuaient, comme en transparence, nombre de croyances, de valeurs et de traditions appartenant à l’ordre maternel des sociétés gynécocratiques de l’époque mégalithique, la nature et le rôle féminins s’inscrivaient encore dans cette symbolique première de la polarité. La tradition mythique regorge de récits où l’initiation du héros est faite par des femmes et il semble bien prouvé qu’elles aient effectivement détenu cette fonction dans la société, ne serait-ce par exemple que les prêtresses de l’île de Mona, ce haut lieu de la formation druidique. Et cette initiation s’étendait à tous les domaines. L’initiatrice, bien souvent prêtresse ou magicienne, s’occupait en effet tout autant de l’éducation guerrière de son élève que de son éducation philosophique et religieuse. Elle lui enseignait aussi bien les arts que toutes les connaissances, y compris les connaissances magiques. Et, bien entendu, elle l’initiait à l’amour et à la sexualité (et cette initiation avait certainement une tout autre valeur que la prétendue éducation sexuelle d’aujourd’hui, faite dans la froideur scientifique de l’ordre masculin, qui désacralise plus que jamais l’acte le plus sacré de la rencontre humaine). Une fois initié, le héros part généralement pour la quête aventureuse, voie de son accomplissement. Parfois aussi, il arrive que l’initiation se fasse au cours même de la quête. D’ailleurs, toute rencontre avec une femme, quelle qu’elle soit, durant ce cheminement, a valeur initiatique. L’homme en ressort transformé, régénéré, car la femme qui donne la vie est source et lieu de toutes les mutations.

Et si les héros des quêtes mythologiques et légendaires appartiennent toujours au sexe mâle, c’est aux femmes, en revanche, qu’est dévolue la mission d’impulser et de guider ces quêtes. De la merveilleuse pucelle jusqu’à la sorcière, car la femme est multiple et peut prendre tous les visages, ce sont elles qui animent l’homme, le mobilisent, lui insufflent l’énergie sacrée qui le pousse à agir. Et c’est encore elle, la femme, qui est la plupart du temps au terme de la quête. C’est en s’unissant à elle que l’homme acquiert le pouvoir qu’elle détient (car dans la tradition celtique, c’est la femme qui incarne le pouvoir et qui le délègue, pour qu’il l’exerce, à l’homme qui assure auprès d’elle sa fonction virile). Et c’est dans cette union aussi qu’il peut vivre, durant quelques instants, l’expérience du retour à la divinité initiale, avant-goût d’éternité puisque retour à l’état d’incréé qui ne s’inscrit pas encore dans le temps, but ultime de toute recherche spirituelle.

Sans la femme, qu’elle soit mère, sœur, épouse ou amante (mais n’est-elle pas toujours cela à la fois ?), l’homme donc ne peut ni réaliser pleinement son destin d’homme, ni atteindre sa dimension divine et cosmique, ni exercer aucun pouvoir véritable. Et réciproquement, l’homme est nécessaire à la femme pour exercer justement le pouvoir qu’elle lui transmet, pour devenir par elle l’équilibrateur entre les forces du ciel et de la terre dont elle est le réceptacle et la médiatrice et lui permettre de vivre la dimension authentique et totale de sa féminité.

Mais la femme nécessaire à l’homme, celle qui peut le féconder de son énergie et le rendre capable d’affronter tous les dangers, de surmonter toutes les épreuves, d’accomplir toutes les actions héroïques, ne peut être que la femme libre et sacrée, incarnation de la divinité, et non cette image castrée d’eux-mêmes que les hommes des sociétés phallocratiques se sont fabriquée et qu’ils tiennent à leur merci, à leur plus grand détriment d’ailleurs. Et cette femme sacrée est d’essence solaire, comme la Déesse-mère Cosmique, comme Iseult la blonde et les grandes reines de la tradition mythologique, comme toutes les princesses aux cheveux d’or des contes et légendes populaires. Mario Mercier (La Nature et le sacré. Ed. Dangles.) qui l’évoque selon la tradition chamanique (laquelle rejoint en un certain nombre de points la tradition druidique) parle ainsi d’elle : «… la femme, dont le ventre est ouvert aux puissances cosmiques de la fécondation, peut transformer les fluides viciés de l’homme en fluides bénéfiques. C’est pour cette raison qu’elle restera toujours son inspiratrice, car étant masculine sur le plan astral, elle féconde son partenaire à l’aide de son pénis de lumière… »


Lisez la deuxième partie de cet article

 

yogaesoteric
19 juin 2018

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