La Déclaration de Paris : une Europe en laquelle nous pouvons croire (1)
Un groupe d’érudits et d’intellectuels européens ont publié un manifeste dans lequel ils analysent la situation de l’Europe, qu’ils qualifient de « fausse Europe » et appellent, oh surprise, à prendre la défense de la « vraie Europe » et de ses racines chrétiennes. Le manifeste est intitulé : « La déclaration de Paris : une Europe en laquelle nous pouvons croire. »
Cette fausse Europe s’acharne à détruire le patrimoine authentique de la vraie Europe, ses cultures et ses nations. Elle est basée sur une culture de rejet de soi-même. Elle ignore et même répudie les racines chrétiennes de la vraie Europe. Simultanément, elle prend bien soin de ne pas froisser les musulmans, censés adopter joyeusement ses perspectives laïques et multiculturelles.
Le manifeste en 36 points, rédigé en mai 2017, mais publié en octobre 2017, n’a pas fait la une des médias et pour cause. Le texte est assez long, mais il vaut la peine d’être lu. Pour une fois, des intellectuels se rangent du côté des populistes. Serait-ce le début d’une prise de conscience générale ???
La Déclaration de Paris : une Europe en laquelle nous pouvons croire
Notre maison commune.
1. L’Europe nous appartient et nous appartenons à l’Europe. Ces terres constituent notre maison, nous n’en avons aucune autre. Les raisons pour lesquelles nous chérissons l’Europe dépassent notre capacité à expliquer ou justifier cette fidélité. C’est une affaire d’histoires communes, d’espérances et d’amours. C’est une affaire de coutumes, de périodes de joie et de douleur. C’est une affaire d’expériences enthousiasmantes de réconciliation, et de promesses d’un avenir partagé. Les paysages et les évènements de l’Europe nous renvoient des significations propres, qui n’appartiennent pas aux autres. Notre maison est un lieu où les objets nous sont familiers et dans laquelle nous nous reconnaissons, quelle que soit la distance qui nous en éloigne. L’Europe est notre civilisation, pour nous précieuse et irremplaçable.
Une fausse Europe nous menace.
2. L’Europe, dans sa richesse et grandeur, est menacée par une vision fausse qu’elle entretient d’elle-même. Cette fausse Europe se voit comme l’aboutissement de notre civilisation, mais, en réalité, elle s’apprête à confisquer les patries. Elle cautionne une lecture caricaturale de notre histoire, et porte préjudice au passé. Les porte-étendards de cette fausse Europe sont des orphelins volontaires, qui conçoivent leur situation d’apatrides comme une noble prouesse.La fausse Europe se targue d’être le précurseur d’une communauté universelle, qui n’est ni une communauté, ni universelle.
La fausse Europe est utopique et tyrannique.
3. Les partisans de cette fausse Europe sont envoûtés par les superstitions d’un progrès inévitable. Ils croient que l’Histoire est de leur côté, et cette foi les rend hautains et dédaigneux, incapables de reconnaître les défauts du monde post-national et post-culturel qu’ils sont en train de construire. Dès lors, ils sont ignorants des vraies sources de la décence humaine. Ils ignorent et même répudient les racines chrétiennes de l’Europe. Simultanément, ils prennent bien soin de ne pas froisser les musulmans, censés adopter joyeusement leur perspective laïque et multiculturelle. Noyée dans ses superstitions et son ignorance, aveuglée par des visions utopiques et prétentieuses, cette fausse Europe étouffe toute dissidence – au nom, bien sûr, de la liberté et de la tolérance.
Nous devons protéger l’Europe véritable.
4. Nous entrons dans une voie sans issue. La plus grande menace pour l’avenir de l’Europe n’est ni l’aventurisme de la Russie ni l’immigration musulmane. L’Europe véritable est menacée par l’étau suffocant dont cette fausse Europe nous écrase. Nos nations, et notre culture partagée, se laissent exténuer par des illusions et des aveuglements à propos de ce qu’est l’Europe et ce qu’elle devrait être. Nous prenons l’engagement de résister à cette menace pour notre avenir. Nous défendrons, soutiendrons et nous nous ferons les champions de cette Europe véritable, cette Europe à laquelle en vérité nous appartenons tous.
La solidarité et la loyauté civique encouragent la participation active.
5. L’Europe véritable attend et encourage la participation activedans le projet commun de vie politique et culturelle. L’idéal européen est un idéal de solidarité fondé sur le consentement à un corps juridique appliqué à tous, mais limité dans ses exigences. Ce consentement n’a pas toujours pris la forme d’une démocratie représentative. Cependant, nos traditions de fidélité civique, quelles qu’en soient les formes, reflètent un assentiment fondamental à nos fondements culturels. Par le passé, les Européens se sont battus pour rendre nos systèmes politiques plus ouverts à la participation collective, et nous sommes humblement fiers de cette histoire. En dépit des modalités qu’ils ont utilisées, parfois à travers la rébellion générale, ils ont affirmé haut et fort qu’en dépit de leurs injustices et de leurs échecs, les traditions des peuples de ce continent sont les nôtres. Notre vocation réformatrice fait de l’Europe un séjour où l’on recherche toujours plus de justice. Notre esprit de progrès prend racine dans notre amour pour notre terre natale et notre fidélité à son égard.
Nous ne sommes pas des sujets passifs.
6. Un esprit européen d’unité nous incite à nous faire confiance dans l’espace public, même quand nous ne nous connaissons pas. Les parcs publics, les places et les larges avenues des villes et métropoles européennes racontent l’esprit politique européen : nous partageons notre vie commune et la res publica. Nous partons du principe qu’il est de notre devoir d’être responsables pour l’avenir de nos sociétés. Nous ne sommes pas des sujets passifs, sous la domination de pouvoirs despotiques, qu’ils soient religieux ou laïques. Nous ne sommes pas non plus couchés devant d’implacables forces de l’Histoire. Etre européen signifie posséder un pouvoir politique et historique. Nous sommes les auteurs de notre destin partagé.
L’Etat-nation est la marque de fabrique de l’Europe.
7. L’Europe véritable est une communauté de nations. Nous avons nos propres langues, traditions et frontières. Néanmoins, nous avons toujours reconnu une affinité des uns pour les autres, même quand nous étions en désaccord, voire même en guerre. Cette unité-dans-la-diversité nous parait naturelle. Cette affinité est remarquable et précieuse, car elle ne va pas de soi. La forme la plus commune d’unité-dans-la-diversité est l’empire, que les rois guerriers européens ont tenté de recréer après la chute de l’Empire romain. L’attrait d’une forme impériale a perduré, bien que le modèle de l’Etat-nation ait pris le dessus : cette forme politique lie le peuple à la souveraineté. L’Etat-nation dès lors est devenu la caractéristique principale de la civilisation européenne.
Nous ne soutenons pas une unité imposée et forcée.
8. Une communauté nationale s’enorgueillit toujours d’elle-même, a tendance à se vanter de ses prouesses nationales dans tous les domaines, et entre en compétition avec les autres nations, parfois sur le champ de bataille. Les concurrences nationales ont blessé l’Europe, parfois gravement, mais n’ont jamais compromis notre unité culturelle. On peut même constater le contraire. A mesure que les Etats européens s’établissaient distinctement, une identité commune européenne se renforçait. De la terrible boucherie des deux guerres mondiales du XX° siècle, nous sommes sortis encore plus résolus à honorer notre héritage commun. C’est là le témoignage d’une civilisation profondément cosmopolite : nous ne cherchons une unité d’empire forcée ou imposée. Au contraire, le cosmopolitisme européen reconnaît que l’amour patriotique et la loyauté civique débouchent sur un horizon plus large.
Le Christianisme a encouragé l’unité culturelle.
9. L’Europe véritable a été façonnée par le Christianisme. L’empire universel spirituel de l’Eglise a conféré une unité culturelle à l’Europe, sans passer par un empire politique. Cela a permis le déploiement de fidélités civiques au sein d’une culture européenne partagée. L’autonomie de ce que nous appelons la société civile est devenue une caractéristique fondamentale de la vie européenne. De plus, l’Evangile chrétien ne nous apporte pas un système de lois d’origine divine. Aussi la diversité des lois séculaires des nations peut-elle être proclamée et honorée sans remettre en cause l’unité européenne. Ce n’est pas un hasard si le déclin de la foi chrétienne en Europe a correspondu aux efforts renouvelés pour établir une unité politique, un empire de la finance et un empire de normes, argüant de sentiments pseudo-religieux universels, en passe d’être construit par l’Union Européenne.
Des racines chrétiennes nourrissent l’Europe.
10. L’Europe véritable affirme l’égale dignité de chaque individu, quel que soit son sexe, son rang ou sa race. Ce principe se dégage également de nos racines chrétiennes. Nos vertus sont indéniablement liées à notre héritage chrétien : impartialité, compassion, miséricorde, réconciliation, lutte pour le maintien de la paix, charité. Le christianisme a révolutionné la relation entre l’homme et la femme, valorisant l’amour et la fidélité réciproques d’une manière jamais vue ni avant ni ailleurs. Le lien du mariage permet conjointement à l’homme et à la femme de s’épanouir en communion. Tous sont également des personnes : idée chrétienne, reprise par les Lumières.
Les racines classiques encouragent l’excellence.
11. L’Europe véritable s’inspire également de la tradition classique. Nous nous reconnaissons dans la littérature de l’ancienne Grèce et de l’ancienne Rome. En tant qu’Européens, nous luttons pour la grandeur des vertus classiques. Par moment, cela a débouché sur une compétition violente pour la suprématie. Cependant, dans le meilleur des cas, cette aspiration à l’excellence inspire les hommes et les femmes d’Europe à réaliser des chefs d’œuvre musicaux et artistiques d’une beauté incomparable et à faire des percées dans les domaines de la science et de la technique. Les graves vertus des Romains, maîtres d’eux-mêmes, la fierté dans la participation civique et l’esprit de questionnement philosophique des Grecs n’ont jamais été oubliés dans l’Europe véritable. Ces héritages, aussi, sont les nôtres.
L’Europe est un projet partagé.
12. L’Europe véritable n’a jamais été parfaite. Les partisans de la fausse Europe n’ont pas tort de chercher des progrès et des réformes ; beaucoup a été accompli depuis 1945 et 1989 que nous devons chérir et honorer. Notre vie partagée est un projet continu, tout sauf un héritage fossilisé. Cependant l’avenir de l’Europe repose sur une fidélité renouvelée au meilleur de nos traditions, non sur un universalisme fallacieux qui exige l’oubli et la haine de soi. L’Europe n’a pas commencé avec les Lumières. Notre patrie bien-aimée ne sera pas accomplie avec l’Union Européenne. L’Europe véritable est, et sera toujours, une communauté de nations, chacune jalouse de sa singularité. Pourtant, nous demeurons tous unis autour d’un héritage spirituel, qu’ensemble nous débattons, développons, partageons et aimons.
Nous perdons notre maison.
13. L’Europe véritable est en péril. La noblesse de la souveraineté populaire, la résistance à l’empire, un cosmopolitisme capable d’amour civique, la conception chrétienne d’une vie humaine et digne, un lien vivant avec notre leg classique, tout cela nous échappe de plus en plus. Pendant que les partisans de la fausse Europe construisent leur fausse Chrétienté des droits humains universels, nous perdons notre maison.
Une fausse liberté prédomine.
14. La fausse Europe se vante d’être résolument engagée pour la liberté humaine. Cette liberté, cependant, est très partiale. Elle se prétend libération de toute contrainte : liberté sexuelle, liberté d’expression personnelle, liberté « d’être soi-même ». La génération de 1968 considère ces libertés comme des victoires précieuses sur un régime culturel tout puissant et oppressif. Ils se voient comme des libérateurs ; leurs transgressions sont acclamées comme de nobles prouesses morales, pour lesquelles le monde est tenu d’être reconnaissant.
L’individualisme, l’isolement et le désœuvrement se développent.
15. Pour les plus jeunes générations européennes, néanmoins, la réalité est beaucoup moins belle. L’hédonisme libertin mène souvent à l’ennui et au sentiment d’inutilité. Le lien du mariage a été fragilisé. Dans le tourbillon de la liberté sexuelle, les désirs profonds de nos jeunes de se marier et de fonder des familles sont souvent frustrés. Une liberté qui aliène les plus profonds désirs du cœur, devient une malédiction. Nos sociétés sombrent dans l’individualisme, l’isolement et le désœuvrement. Au lieu d’être libres, nous sommes condamnés à la conformité vide du consommateur et de la culture des médias. Il est de notre devoir de dire la vérité : La génération de 1968 a détruit mais n’a rien construit. Elle a créé un vide aujourd’hui rempli par les réseaux-sociaux, un tourisme bon marché et la pornographie.
Nous sommes régulés et gérés.
16. Alors même qu’on vante une liberté sans précédent, la vie européenne devient de plus en plus régulée. Ces règles, souvent conçues par des technocrates sans visage à la solde des puissants, gouvernent nos relations professionnelles, nos décisions d’affaires, nos qualifications éducatives et nos médias d’information et de divertissement. L’Europe cherche à limiter la liberté d’expression, cette spécificité européenne qui incarne la liberté de conscience. Les cibles de ces restrictions ne sont pas l’obscénité ni les assauts contre la décence publique. Au contraire, l’Europe cherche manifestement à restreindre la liberté d’expression politique. Les chefs politiques qui rappellent des vérités gênantes sur l’Islam ou l’immigration sont trainés devant les juges. Le politiquement correct impose des tabous qui empêchent toute remise en question du statu quo. Cette fausse Europe n’encourage pas vraiment une culture de liberté. Elle promeut une culture d’homogénéisation dictée par le marché et un conformisme imposé par la politique.
Le multiculturalisme ne fonctionne pas.
17. Cette fausse Europe se vante d’être attachée à l’égalité comme jamais auparavant. Elle prétend lutter contre toutes les formes de discriminations liées aux appartenances raciales, religieuses ou identitaires en promouvant leur inclusion. Dans ce domaine, un progrès véritable a eu lieu, même si un esprit utopique a pris le dessus. Au cours de la génération précédente, l’Europe a poursuivi un grand projet multiculturaliste. Exiger ou même encourager l’assimilation des nouveaux venus musulmans à nos mœurs et coutumes, pour ne pas dire à notre religion, aurait été, nous dit-on, une grande injustice. Être attaché à l’égalité, nous dit-on, requiert une abjuration de notre préférence pour notre propre culture. Paradoxalement, l’entreprise multiculturaliste européenne, qui dénie les racines chrétiennes de l’Europe, exploite un idéal de charité universelle d’une manière exagérée et chimérique. Elle exige des Européens un déni de soi qui confine à la sainteté. Nous devrions alors reconnaître la colonisation de nos patries et la disparition de notre culture comme le plus grand accomplissement du XXIème siècle ; un acte collectif de sacrifice pour l’avènement d’une sorte de communauté globale, paisible et prospère.
La mauvaise foi se développe.
18. Il y a beaucoup de mauvaise foi dans ce type de raisonnement. La plupart de ceux qui nous gouvernent, sans doute, reconnaissent la supériorité de la culture européenne mais refusent que cela soit affirmé publiquement d’une manière qui pourrait offenser les immigrés. De par la supériorité de la culture européenne, ils pensent que l’assimilation se fera de manière naturelle et rapide. Parodiant ironiquement la pensée impérialiste d’antan, les classes gouvernantes européennes présument que par une loi de la nature ou de l’histoire, « ils » deviendront nécessairement comme « nous » ; il serait inconcevable de penser que l’inverse soit vrai. En attendant, le multiculturalisme officiel a été déployé comme un outil thérapeutique pour gérer les malheureuses mais « temporaires » tensions culturelles.
La tyrannie technocratique devient de plus en plus grande.
19. Il y a une mauvaise foi encore plus présente, et encore plus sombre, à l’œuvre. Au cours de la dernière génération, un nombre croissant des membres de notre classe dirigeante ont décidé que leurs intérêts se trouvaient favorisés par une accélération de la mondialisation. Ils espèrent construire des institutions supranationales qu’ils seraient capables de contrôler sans subir les inconvénients de la souveraineté populaire. Il devient de plus en plus clair que le « déficit démocratique » au sein des institutions européennes n’est pas simplement un problème technique qui doit être résolu par des moyens techniques. Ce déficit démocratique correspond plutôt à un engagement fondamental qui est défendu avec zèle. Qu’il soit défendu par les arguments d’une supposée « nécessité économique » ou par les exigences d’un droit international issu des droits de l’homme, qui échappe à tout contrôle, les mandarins supranationaux de l’Union Européenne confisquent la vie politique de l’Europe, répondant à toutes les remises en causes par une réponse technocratique : Il n’y a pas d’alternative. C’est la tyrannie, douce mais réelle, à laquelle nous sommes confrontés.
Lisez la deuxième partie de cet article
yogaesoteric
23 novembre 2018
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