La destinée ultime de l’homme est la sagesse (2)
Par le professeur de yoga Gregorian Bivolaru
Lisez ici la première partie de cet article
Elle combine parfaitement la théorie et la pratique
La sagesse a été l’idéal suprême non seulement du système de yoga, mais aussi de toute philosophie par excellence supérieure et contemplative, fondée sur l’idée de l’antinomie critique esprit – âme – corps et sur le principe de l’auto perfectionnement total de l’être humain, grâce aux révélations divines comme unique modalité de se dépasser soi-même.
L’idéal de la sagesse a eu une charge laïque évidente, parce qu’elle préconisait la réalisation du bonheur et de l’immortalité spirituelle de l’homme ici et maintenant, et non pas dans l’esprit du transcendantalisme religieux.
Le sens original du concept s’est périmé, à l’exception du système de yoga, et la sagesse a aujourd’hui autant d’hypostases qu il y a de philosophies. L’idéal de la sagesse, selon l’acception yogie du terme, suppose d’entremêler continûment, de façon vive et créatrice la théorie supérieure et divine à la pratique.
La compréhension de la nécessité concrète suprême et, sur cette base, la réalisation de la création idéale consciente ; la participation à l’accomplissement de l’idéal de la libération spirituelle de chaque être humain par la libération de tous et de la libération de tous par la libération spirituelle de chacun ; le dépassement des limites de toute sorte et des conditionnements objectifs et subjectifs qui freinent le progrès par l’effort unifié des sages et par l’effort individuel d’auto perfectionnement et d’achèvement, pour assurer le saut de l’homme égoïste, mesquin et limité à l’homme achevé et totalement intégré dans le Divin.
En conclusion, la sagesse est une qualité et à la fois une capacité essentielle de l’être humain qui résulte de l’intégration harmonieuse de certaines expériences spirituelles riches, d’une réflexion claire, profonde et supérieure du monde et de Dieu, dans la plupart de ses aspects matérialistes et spirituels.
La sagesse suppose aussi un équilibrage total entre des désirs et les possibilités personnelles. Elle se développe suite à un processus profond de connaissance de soi, déterminant ensuite l’appréciation objective du monde non seulement à travers des jugements de valeur affirmatifs ou négatifs, mais aussi des jugements hypothétiques. Dans le cas du sage il ne s’agit jamais de résignation ou de complaisance dans l’inertie, mais d’une façon nettement supérieure, acquise, de connaissance et de transformation de la réalité en tant que telle.
Ce fait se base spécialement sur la connaissance des causes qui provoquent un événement, une situation ou sur l’intuition objective des raisons qui déterminent une certaine conduite ou un certain choix. La sagesse suppose un style existentiel harmonieux et intégré qui ne se rapporte pas aux exigences immédiates et ne met pas en valeur, premièrement, ces exigences ; elle implique aussi l’humour, le détachement, le sens de la relativité des événements vécus (Jung, par exemple, parle de l’archétype du Grand Sage). Les grands sages sont en général doués de certes qualités extraordinaires et transhumaines. La sagesse, en tant qu’attribut de l’achèvement spirituel de l’être humain, peut être atteinte par la pratique persévérante du yoga.
Non-conformisme et croyance illimitée
L’opposé de l’état de sagesse est l’état de sottise ou d’ignorance. Pendant que l’état de sagesse génère du bonheur et de l’harmonie, la sottise donne naissance à la souffrance et au déséquilibre. Le grand sage Bouddha faisait une comparaison très suggestive : les deux premières roues d’un chariot à quatre roues ressemblant à l’ignorance, et les deux autres roues arrières à la souffrance qui suit l’ignorance. Par conséquent, l’état de sottise est toujours, tôt ou tard, suivi par des états proportionnels de souffrance ou de douleur.
Le sage ne suit pas et n’initie pas toujours une doctrine, au contraire, le plus souvent la sagesse ne semble pas suivre un chemin déjà tracé. Cependant, elle a certains traits clairs qui la délimitent : Le non-conformisme, l’intelligence bénéfique, le bon sens, la liberté, l’audace, une sérénité que rien ne peut plus troubler, la confiance illimitée en Dieu, une certaine qualité étonnante d’attention, l’humilité, une cohérence logique le plus souvent menés à l’extrême, une lucidité presque sans fissure, un état de pureté qui peut souvent ressembler à de la naïveté, une simplicité désarmante et parfois même une certaine dose de folie.
Le cœur du saint souffre, celui du sage rit
Des contes, des histoires, des légendes, des rencontres et de souvenirs ont attentivement été choisis de plusieurs traditions et des biographies des sages ou ont été synthétisés de plusieurs histories à message pour nous approcher ainsi de la sagesse, cette qualité humaine suprême, en fait assez rare.
On dit qu’une femme s’était hâté de porter son enfant mort dans ses bras à Bouddha, mais l’illuminé ne l’avait pas ressuscité. „Va au village”, a-t-il dit, „et apporte-moi une poignée de riz d’une maison où personne n’est jamais mort”. Bien sûr, la femme n’a pas trouvé un tel riz, mais l’échec a été pour elle et pour les autres gens un moyen d’acquérir un peu de sagesse et de lucidité. Car de cette situation, ils ont compris l’enseignement que la vie est passagère et qu’elle sera inévitablement interrompue par la mort.
Une histoire pleine de sagesse est différente d’une fable ou d’un mythe, bien qu’elle puisse présenter à la base une situation qui paraît invraisemblable, imaginaire ou exagérée. Elle ne se termine pas nécessairement par un miracle et ne trouve pas forcément la résolution dans un acte magique ou féerique, parce que ces artifices stimulent la croyance et non pas la sagesse. Elle réclame de la part du lecteur une capacité à l’apriorisme avec celui qui raconte – il doit accepter d’entrer dans une réalité en quelque sorte étrangère de la sienne. La sage ne cherche pas toujours à combler son interlocuteur avec les renvois à la croyance. Il ne cherche pas à remplacer le désir de miraculeux à l’esprit critique ou à canaliser son discernement dans des figures de style.
Le sage manifeste parfois sa sagesse par une réponse étonnante ou une attitude inattendue, mais toujours parfaitement lucide, qui nourrit à la fois l’âme, le cœur, le mental et l’intelligence.
Et ce qu’il révèle pourrait parfois nous faire dire : „même si je ne suis venu dans ce monde que pour entendre ces mots, cela me suffit.”
Une histoire pleine de sagesse ne cherche pas nécessairement à présenter ou illustrer une valeur morale ou éthique. Au contraire, elle peut être immorale, iconoclaste ou même apparemment blasphématrice. Dans une telle histoire on cherche à obtenir un effet d’illumination spirituelle, qui est produit par la clairvoyance du sage, par l’audace de sa réponse, par la force de la vérité de cette réponse ou tout simplement par la sérénité étonnante qui se dégage de la solution qu’il propose.
Voyons maintenant quelle est la différence entre le sage et le saint. En général, le saint est un homme de cœur, souvent portant le poids de la douleur, qui le plus souvent souffre pour plaire à Dieu et pour racheter les péchés du monde ou qui pleure plein de compassion la misère terrible de ses semblables. Le plus souvent le sage ne souffre pas. Sa compassion particulière ne se manifeste pas par la multiplication de la souffrance et de l’impuissance, mais s’exprime en général par un enseignement très efficace et rapide sur les modalités pour soulager la souffrance ou la dépasser pour toujours.
Les paraboles christiques exhortent le détachement
Dans l’Evangile selon Mathieu, Jésus dit : „N’amassez pas des trésors sur terre où les mites et la rouille les mangent, et où les voleurs percent et dérobent, mais amassez des trésors plutôt aux cieux, où ni les mite ni la rouille ne les mangent, ni les voleurs ne peuvent percer et voler, parce que vous devez savoir que là où est votre trésor, se trouve votre cœur. C’est pourquoi je vous le dis : ne vous souciez pas trop de votre vie en pensant à ce que vous allez manger et boire, à votre corps, ou à comment vous allez vous habiller.
Ne savez-vous pas que la vie est plus que la nourriture et le corps est plus que les vêtements ? Regardez avec attention les oiseaux du ciel : ils ne sèment et ne déposent rien et cependant le Père Céleste les nourrit. Et en fait, qui parmi vous, peut ajouter par ses inquiétudes au moins quelques centimètres à sa hauteur ? Pourquoi vous souciez-vous pour les vêtements ? Regardez avec attention les lys sur le champs, ils ne tissent pas, cependant je vous dis que même Salomon dans tout sa gloire ne s’est pas vêtu de vêtements plus beau qu’eux. Donc ne vous souciez pas en disant : qu’est-ce que nous allons manger, qu’est-ce que nous allons boire, de quoi allons-nous nous vêtir ? Notre Père Céleste vous offrira tout ce dont vous avez besoin, s’il sait que vous en avait besoin, cherchez d’abord et ensuite trouvez le royaume de Dieu et Sa pureté et ensuite tout ceci vous sera donné multiplié cent fois.”
Dissimulés derrière certains symboles, les enseignements les plus mystérieux de Jésus sont cependant clairement expliqués ici.
Cette parabole se réfère de façon évidente à la signification des choses dans notre vie et leur double provenance, les deux maîtres : Dieu et Mammon ou Satan. Ce sont l’esprit et le monde, l’âme et le corps.
Jésus nous dit qu’ici, toutes les choses de ce monde sans exception – soit les vêtements, soit la nourriture, soit l’argent, soit tout autre objet terrestre – peuvent être obtenus par deux moyens. D’un côté nous avons la voie des soucis inutiles qui consomment notre vie de façon absurde et qui nous transforme en dernière instance en esclaves des choses nécessaires. D’autre part, nous avons la voie sur laquelle on se dirige seulement à l’aide de la croyance puissante en Dieu. Cependant, la croyance ne signifie pas du tout passivité, mais agir comme il faut avec notre âme et notre mental pour découvrir leurs mystères – c’est-à-dire les secrets terribles de la pureté parfaite, divine.
L’homme qui se connaît ainsi soi-même reçoit selon la parabole de Jésus la promesse de connaître ainsi Dieu et d’être sans tâche, comme le sont les enfants. Le monde extérieur doit être veillé en permanence, car il est le résultat de notre travail avec le monde intérieur, où est appelé à se manifester le Saint-Esprit. Les oiseaux du ciel et les lys des champs existent entre autre pour nous faire voir de manière symbolique ce que Dieu aime. La vertu, la pureté, la croyance véritable, l’amour de Dieu, l’âme qui n’est pas tourmentée par les choses de ce monde est emplie de paix.
Lisez ici la troisième partie de cet article
yogaesoteric
2016