La maîtrise de la pensée et de l’action par le yoga (II)
Par le professeur de yoga Gregorian Bivolaru
Lisez la première partie de cet article
Le passage de l’idée à l’action
(suite)
Chaque groupe de réflexes intérieurs constitue un ensemble dont la durée d’établissement est plus ou moins longue mais jamais nulle. Ce décalage a pour effet d’introduire la notion de temps dans notre psychisme. Concrètement, les chaînes de réflexes intérieurs représentent soit la connaissance assimilée, soit l’expérience acquise. Ce mode de fonctionnement entièrement automatique, implique un certain pouvoir de représentation mentale qui n’existe qu’à un niveau élevé de l’être humain, lui permettant d’atteindre son but, imaginé auparavant, à partir des circonstances actuelles.
Après chaque utilisation d’un circuit complet de groupes de réflexes, par une sorte de réactivation, le circuit s’avère être lié beaucoup plus étroitement du réflexe d’origine, pris comme objectif. Le sujet dispose alors d’un système de réflexes d’action qui peuvent être excités dans l’état initial, afin qu’il puisse ensuite faire un choix ou exercer une option. Cela lui donne l’impression d’être libre, car il ignore alors la présence, dans son cas, d’actions réflexes, désormais possibles, il ressentant fatalement le sentiment de sa liberté.
Dans la circulation des réflexes intérieurs, formés par entraînement ou par habitude, sont incorporés les réflexes déjà acquis, parmi lesquels nous avons, par exemple, celui du langage ; celui-ci nous permet d’augmenter considérablement l’ensemble de nos connaissances qui, sans lui, pourraient être acquises seulement par expérience personnelle directe.
En particulier, la mémoire résulte de l’excitation, par un réflexe actuel, du fonctionnement d’un groupe de réflexes acquis antérieurement. Le raisonnement consiste à exciter un réflexe primitif qui peut être déclenché en se rappelant des expériences passées, en analysant les circonstances actuelles ou en évoquant un objectif imaginé, afin qu’il puisse mettre en œuvre des réflexes intérieurs déjà existants. Si la chaîne de réflexes se ferme, le circuit est complet et déclenche l’action. Si le circuit ne se ferme pas, il se forme une chaîne ouverte de réflexes arrêtés à un moment donné de leur développement. Cela se produit, par exemple, dans le cas d’un choc émotionnel qui empêche alors l’action des réflexes sensoriels et s’oppose au déclenchement de l’action.
Dans le cas de l’exercice de la pensée, le sujet, au lieu de provoquer le simple déclenchement de réflexes d’action, utilise une auto-excitation presque continue qui se propage d’un réflexe intérieur à un autre. Notre psychique représente le développement amplifié des liens internes, suite à l’augmentation de leur facilité de fonctionnement et d’une formation plus complète des chaînes d’automatismes capables de lier, de cette manière, des réflexes très lointains. Ce mécanisme rend la pensée considérablement localisée et lui garantit en même temps une action rapide et sécurité.
L’importance capitale de la décision
Beaucoup de gens répugnent à agir ou ressentent une peur indéfinie et injustifiée d’agir. Tous ceux-ci éprouvent une certaine difficulté à passer de la décision à l’action ; mais encore plus, n’arrivent même pas à faire le point sur les raisonnements et les motivations suggérés par leur pensée. Ils se résignent à la paresse ou à l’inertie car ils restent indécis et ne peuvent pas en sortir, en raison de l’absence de délibération interne.
Afin de surmonter l’indécision habituelle, le yoga affirme qu’un entraînement mental est nécessaire pour nous permettre de choisir nos idées directrices, puis de les traduire en images affectives, capables, grâce à la résonance avec les énergies subtiles de l’univers, de nous insuffler facilement la conviction, l’enthousiasme et l’ardeur qui nous conduisent à l’action.
Si le manque d’esprit décisionnel paralyse la valeur exécutive, c’est parce que l’absence de vision d’ensemble ou une orientation trop abstraite de l’esprit ou trop soucieuse du détail, nuit à la rapidité et à la sécurité de cette décision.
La volonté d’action de l’individu est déterminée par une force intérieure qu’échappe en partie à la conscience lucide et qui ne se laisse pas directement persuadée par la froide raison. À l’heure actuelle, les points de vue dans lesquels l’être humain se situe pour apprécier les faits, deviennent de plus en plus nombreux en raison de l’accumulation de connaissances et d’expériences sans cesse nouvelles. Ainsi, la pensée humaine, influencée par la méthode scientifique, tendrait à s’enfermer dans la contrainte rigide des formules abstraites si elle n’incluait pas le facteur physio-psychologique qui, associé aux méthodes scientifiques, donne naissance à une activité universellement riche et changeante.
La pensée guidée scientifiquement, implique une proportion des trois quarts d’analyse des choses et d’un quart de compréhension de la nature humaine, ce qui sert de support à la réflexion et à l’action.
Il ne faut donc pas perdre de vue le fait que, dans la plupart des cas, seuls les sentiments profonds mènent l’homme vers un chemin spirituel, de sorte que toute décision d’orientation générale doit d’abord contenir la proportion nécessaire de bon sens et d’intuition, et seulement ensuite, la partie d’analyse et de calcul.
La décision et la pensée-réflexe
Les dangers des décisions inspirées par une pensée trop mécaniste sont ceux d’exiler le sens humain au loin et d’oublier de tenir compte, dans l’excitation nerveuse, des constructions traditionnelles. Si nous ne voulons pas construire des colosses aux des pieds d’argile, à partir d’une fausse base, il est utile de méditer sur les conseils pleins de bon sens de Pascal : « Nous sommes autant automate autant qu’esprit. Et de là vient le fait que l’instrument par lequel la persuasion se fait n’est pas la seule démonstration. La coutume fait nos preuves les plus fortes et les plus crues : elle incline l’automate qui entraîne l’esprit sans qu’il y pense. (…) Il faut donc faire croire nos deux pièces : l’esprit, par les raisons qu’il suffit d’avoir vues une fois en sa vie, et l’automate, par la coutume et en ne lui permettant pas s’inclinant au contraire. »
Il faut que la pensée capable de déclencher la décision, puisse à la fois survoler et s’approfondir, pour qu’elle se détende et soit facile à comprendre, tant en général, qu’en particulier. Elle doit aussi être humaine pour nous aider à arranger les choses de manière naturelle. Mais au final, il faut que la pensée soit réaliste pour constituer un instrument efficace d’activité, capable d’évoluer avec le progrès intellectuel et moral.
Tout individu peut décider fermement si, après avoir examiné, connu et fourni dans un contexte général un ensemble de cas similaires, il sait comment procéder à une adaptation valable au cas présent ou à la situation actuelle. Pour réussir cette adaptation, l’individu devra s’appuyer sur toute son expérience pratique qu’il a pu acquérir et qu’il a automatisée d’une certaine manière et à un certain degré, en organisant un système personnel de pensées-réflexes.
Il aura donc clairement tendance à contribuer sans effort aux manifestations de sa vie mentale qui mettront en action le pouvoir psychomoteur subconscient de ses capacités innées et acquises.
Les résultats de l’entraînement
L’automatisme bénéfique, qui résulte d’un entraînement constant au moyen d’exercices appropriés, assure l’efficacité des actions de l’esprit ainsi que des actions du corps : la pensée réflexive devient une intuition proche de l’instinct, ce qui permet une plus grande facilité de décision, ainsi qu’une meilleure capacité d’agir rapidement et avec précision.
En minimisant l’attention volontaire, la délibération et le choix hâtifs, la pensée réfléchie développée par l’entraînement mental du yogi, supprime les erreurs et les hésitations de jugement, provoque la disparition de la maladresse, de l’indécision et de l’incohérence des actions.
Dès que la pensée réflexive, mise à l’unisson ou harmonisée par le pouvoir de l’instinct, occupe sans aucun doute le centre de la conscience, elle devient par cela même, un début d’action. Il est inutile alors, de trop réfléchir à la décision d’agir, de peser le pour et le contre avant d’avoir la dimension exacte du réel : nous savons alors immédiatement ce que nous voulons faire et pourquoi il est nécessaire de le faire. Nous mettons ensuite avec audace, fin au dialogue intérieur, sans crainte de faux calculs.
L’instinct est sûr : il ne doute pas, ne se trompe pas. L’habitude, qui rapproche nos actions de l’instinct, en les éloignant de notre conscience, les rend de plus en plus sûres et précises. Il introduit une tension utile maximale dans la pensée et les actions, par le simple jeu des réflexes conditionnés, ce qui se traduira par une meilleure efficacité et une fatigue minimale.
yogaesoteric
20 février 2020
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