Le lobbying en marche, ou les liens d’intérêt entre la ministre de la Santé et l’industrie pharmaceutique

Alors que la ministre de la Santé, Agnès Buzyn, dévoilait le 15 juin dans une interview au Parisien ses intentions de rendre obligatoires 11 vaccins (contre 3 à ce moment-là, car la loi imposant les 11 vaccins a été déjà votée), des découvertes sur son passé professionnel laissent entrevoir ses liens douteux avec l’industrie pharmaceutique, alias « Big Pharma »..
 

 

Une réelle question sur de très probables conflits d’intérêts se pose en effet, à commencer par son mari, Yves Lévy, qui n’est autre que le directeur de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), mais également auprès de laboratoires pharmaceutiques, puisque les déclarations publiques d’intérêts d’Agnès Buzyn que s’est procuré le site libreactu.fr, attestent qu’elle a été directement rémunérée pour diverses activités par le laboratoire Genzyme, désormais filiale de Sanofi, de 1998 à 2011, mais aussi entre 2005 et 2011 par les laboratoires Bristol Meyers-Squibb et Novartis (tout en occupant diverses positions dans des organismes publics).

A ce stade, on ne s’étonnera pas de constater que Sanofi et Novartis sont parmi les principaux fournisseurs de vaccins. Cela ne semble pas pour autant être incriminant pour la nouvelle ministre de la santé, qui avait déclaré dans le passé que : pour des médecins, avoir des liens d’intérêts avec des labos n’est pas obligatoirement répréhensible, allant même jusqu’à affirmer que l’absence liens d’intérêts serait potentiellement une source d’incompétence.

« L’industrie pharmaceutique joue son rôle, et je n’ai jamais crié avec les loups sur cette industrie. Il faut expliquer que vouloir des experts sans aucun lien avec l’industrie pharmaceutique pose la question de la compétence des experts.

On commence à avoir des experts institutionnels qui n’ont plus aucun lien avec l’industrie pharmaceutique et dont on peut se demander, à terme, quelle va être leur expertise, puisqu’ils ne sont plus à aucun “board”. »

Cerise sur le gâteau, c’est sans la moindre vergogne, en janvier 2016, qu’Agnès Buzyn estime devant la Commission des affaires sociales du Sénat français que l’obligation de déclarer publiquement tout conflit d’intérêts avec l’industrie pharmaceutique instaurée en 2011 par la Loi Bertrand serait devenue trop « handicapante » pour certains chercheurs qui « ne le supportent plus et refusent de venir aux expertises de l’INCA ». Un comble !

Cela ne l’empêche pas pour autant, un peu plus tôt en 2015, de dénoncer l’action des lobbies lors du vote des amendements remettant en cause la Loi Évin (loi relative à la lutte contre le tabagisme et l’alcoolisme), poussant l’hypocrisie jusqu’à se dire profondément atterrée par cette initiative de certains parlementaires qui obéissent à des lobbies très puissants et très bien installés en France, ceux des producteurs de vin.

Autre point d’inquiétude, Gilles de Margerie, le directeur de cabinet d’Agnès Buzyn, qui fût inspecteur des finances, banquier au groupe Crédit Agricole, et directeur général adjoint du groupe mutualiste de protection sociale Humanis.

Point de détail supplémentaire, le site libreactu.fr indique également que la ministre de la Santé était membre du Conseil supérieur des programmes de l’éducation nationale entre 2013 et 2016, dans un contexte où les étudiants en médecine semblent fortement sous l’influence des labos au cours de leur cursus.

Comme le confirme chaque nouvelle découverte, toutes les pièces de l’échiquier libéral voulu par les banksters se mettent en place par l’entremise d’Emmanuel Macron, leur fils prodige, et ce sans la moindre résistance de la part des citoyens, abstraction faite des éternelles grandes gueules écumants les réseaux sociaux en quête d’insultes futiles à proférer.

Dans cette partie d’échec truquée, le « Mat » de la classe ouvrière se profile à l’horizon, à moins que quelqu’un ne s’éveille enfin et renverse la table.


Agnès Buzyn, ministre de la Santé et ancienne conseillère de l’industrie pharmaceutique

Avant d’être ministre, le Pr Buzyn était à la tête de la Haute Autorité de Santé (HAS) depuis mars 2016. Elle fut aussi la présidente du conseil d’administration de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) en 2008, et de l’Institut national du cancer (INCa) trois ans plus tard.

Si la professeure Buzyn est connue pour ses postes à haute responsabilité dans les plus prestigieuses institutions de santé publique, elle demeure surtout connue pour ses déclarations litigieuses sur les conflits d’intérêts entre l’expertise publique et les laboratoires pharmaceutiques. La nouvelle ministre de la Santé laissait ainsi sous-entendre que l’absence de lien d’intérêt avec l’industrie pourrait dégrader la qualité de l’expertise médicale. Des propos qui peuvent choquer à la lumière de sa proximité avec l’industrie pharmaceutique, en tant que conseillère scientifique pour deux laboratoires par le passé.

L’enquête de Pascale Pascariello pour Médiapart révélait il y a plus d’un an les déclarations de l’actuelle ministre de la Santé sur la qualité de l’expertise médicale et les conflits d’intérêts avec le milieu industriel, lors d’une rencontre organisée par un cabinet de lobbying. Alors présidente de l’INCa, la professeure en hématologie déclarait que « l’industrie pharmaceutique joue son rôle, et je n’ai jamais crié avec les loups sur cette industrie. Il faut expliquer que vouloir des experts sans aucun lien avec l’industrie pharmaceutique pose la question de la compétence des experts. »

Ces déclarations laissent sous-entendre que la qualité des expertises des institutions publiques, telles que le Haut conseil de la santé publique (HCSP), la HAS elle-même, ou l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES), est dépendante des liens des experts avec les industriels. Autrement dit, on pourrait remettre en cause, selon la ministre, la qualité des avis et des recommandations par des experts qui n’entretiennent pas de lien avec l’industrie.

Cette position discutable a été confirmée par la ministre lors de son audition devant le Sénat, rappelant que les déclarations publiques d’intérêts, pierre angulaire d’un système d’expertise qui contrôle peu, devenaient trop handicapantes. Selon l’enquête de Médiapart, Mme Buzyn déclarait que les experts ne supportaient plus la lourdeur administrative de déclarer leurs liens d’intérêts, obligeant les institutions à s’excuser de recaler un expert à la lumière de ses liens d’intérêts.

Les propos de la ministre de la Santé ont bien entendu choqué des personnalités du milieu médical et associatif, comme la lanceuse d’alerte Irène Frachon pour le scandale du Médiator, Anne Chailleu, présidente du Formindep, qui milite pour l’indépendance des formations médicales, ou bien Claudina Michal-Teitelbaum, médecin généraliste qui publie des enquêtes sur la santé. Toutefois, les propos de Mme Buzyn n’ont, semble-t-il, pas interpellé la rédaction du Journal International de Médecine(JIM) qui décrit le beau parcours de l’actuelle ministre. Ce n’est qu’à travers les commentaires en bas de l’article qu’un internaute interpelle le JIM sur sa participation à plusieurs comités de conseil pour des laboratoires pharmaceutiques :

« Entre 2009 à 2011, après avoir été nommée membre du conseil d’administration puis vice-présidente de l’INCA, Agnès Buzyn a pourtant continué à participer aux conseils d’administration des laboratoires Novartis et Bristol-Myers Squibb. »

Rien de surprenant en soi puisque le JIM est une « société commerciale qui tire ses revenus de l’abonnement des professionnels de santé et de la publicité », bien souvent pour l’industrie pharmaceutique et agroalimentaire, comme Lilly ou Nestlé.



Le laboratoire pharmaceutique Lilly ou le groupe alimentaire Nestlé sont des sponsors du journal médical JIM.

La ministre déplore l’absence de lien d’intérêt des experts

Toujours lors de son audition au Sénat, la ministre la santé est allée encore plus loin pour développer sa position sur l’expertise médicale et les conflits d’intérêts. Selon elle, et d’après les propos recueillis par Médiapart, on commence à avoir des experts institutionnels qui n’ont plus aucun lien avec l’industrie pharmaceutique et dont on peut se demander, à terme, quelle va être leur expertise, puisqu’ils ne sont plus à aucun board Mme Buzyn confine donc ainsi l’expertise médicale à la présence ou non des experts au sein de « board », les comités de conseil ou de direction des laboratoires pharmaceutiques. Ces comités, qui seraient garants de la compétence des experts selon la ministre de la Santé, n’ont pourtant rien de scientifique et ne semblent pas apporter un quelconque gage de compétence. Bien au contraire. Le Dr Michal-Teiltelbaum nous rappelle que l’objectif principal de ces comités ou « board » est d’orienter la stratégie marketing et le développement d’un médicament.

Selon Bernard Dalbergue, cité par le docteur, et ancien cadre de l’industrie pharmaceutique, les « boards » peuvent servir à enfumer les participants dans « des méandres de chiffres », en promettant la réalisation de travaux pour démontrer l’innocuité d’une molécule. Des travaux qui ne seront pas toujours réalisés, mais dès lors que des leaders d’opinion se range du côté de la molécule et du laboratoire qui la produit, « la partie est gagné » avance M. Dalbergue.

Loin d’être un gage de compétence, la participation à ces comités de conseil est bien souvent très rémunératrice pour les experts, les chercheurs ou les praticiens. Ces liens doivent être obligatoirement déclarés par les experts et les professionnels de santé, avec notamment la grande base Transparence Santé du gouvernement, où les avantages et les conventions (souvent synonyme de plusieurs milliers d’euros) sont mis à jour par les laboratoires pharmaceutiques.

Les liens d’intérêts sont des facteurs majeurs de biais dans l’expertise médicale

La question des conflits d’intérêts est éminemment profonde et stratégique tant les dérives du système d’évaluation ont montré ses limites et ses vices au cours des dernières années. Médiapart révélait en 2015 comment « les gendarmes du médicament faisaient affaire avec des laboratoires » en les conseillant secrètement.

Dans tous les domaines relatifs à la santé, la vaccination, l’alimentation ou les médicaments, l’expertise médicale doit être tempérée par l’existence, plus ou moins criante, de conflits d’intérêts avec les producteurs ou revendeurs des produits visés. Il y a des pléthores d’exemples d’expertises collégiales fortement tendancieuses à la lumière des avis rendus, des analyses indépendantes de la littérature scientifique et de la lourdeur des déclarations publiques d’intérêts.

En ce qui concerne l’impact de l’alimentation sur la santé, et les recommandations que peuvent réaliser certains experts et leaders d’opinion, ils ont été constatées trop régulièrement des omissions avérées des preuves scientifiques les plus probantes et indépendantes, avec une sélection minutieuse des preuves les plus favorables aux fabricants. Ainsi, de très nombreux leaders d’opinion et experts reconnus, fortement soutenus par l’industrie agroalimentaire, redorent le blason de nombreux groupes d’aliments (les produits laitiers sur le risque de fracture; les dangers du sans gluten; les dangers des diètes végétaliennes, etc.)

Le professeur Tounian défend l’intérêt des produits laitiers dans la gestion du risque de fracture osseuse alors qu’aucune preuve scientifique solide ne le supporte. En revanche, il intervient très régulièrement pour l’industrie laitière.

Des médicaments sont également propulsés dans les meilleures ventes grâce à de nombreuses expertises, publications et recommandations émises par des personnalités proches des laboratoires pharmaceutiques. C’est ainsi que récemment, le Protelos de Servier était officiellement retiré de la commercialisation, alors qu’il été dénoncé le manque de rigueur des expertises scientifiques. Même constat pour les médicaments hypocholestérolémiants, les statines, largement vantées positivement par les leaders d’opinion payés par l’industrie pharmaceutique, quand bien même les bénéfices sont infimes, voire nuls.

Le sujet de la vaccination est également préoccupant. La ministre de la Santé va devoir reprendre le brûlant dossier de la fameuse concertation citoyenne, une escroquerie scientifique et citoyenne, visant à regagner la confiance des Français envers la vaccination. La ministre devra ainsi se saisir d’une expertise collégiale minée par les conflits d’intérêts, qui fait fi de la réalité de la vaccination en France, à savoir une confiance et une couverture vaccinale qui n’aura jamais été aussi élevée, et qui impose le dictat de l’obligation pour tous les nourrissons.

Pour conclure, la ministre de la Santé qui a conseillé deux laboratoires pharmaceutiques, Novartis et Bristol-Meyers Squibb, de 2007 à 2011, et qui ne voit pas d’un mauvais œil la proximité des experts avec des labos – bien au contraire, devra traiter d’important le dossier de santé publique où l’indépendance des expertises collégiales qui sera sous le feu des projecteurs. En parallèle à cela, la professeure d’hématologie devra « préciser les rapports qu’elle entretiendra avec l’Institut des sciences et de la recherche médicale (Inserm) », nous indique Le Monde, pour lequel son mari n’est autre que le PDG.

 

yogaesoteric
13 septembre 2017

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