Le merveilleux langage des animaux

L’homme qui parlait aux chevaux

Par le professeur de yoga Gregorian Bivolaru

Il y eut un temps où l’homme comprenait le langage des animaux, du moins c’est ce que les nombreuses légendes et contes de fées racontent. On dit que Saint-François d’Assise, de même que les grands yogis, comprenait parfaitement le langage des oiseaux . Bien qu’à présent l’homme ne comprenne plus le langage des animaux, cependant, ceux qui les aiment savent très bien deviner leurs regards, leurs désirs et leurs joies. Ceux qui n’ont pas vécu l’expérience de sentir mourir dans leurs bras un animal aimé ne peuvent pas comprendre en totalité à quel point les animaux deviennent intelligents, compréhensibles et „humains” au moment de la séparation, sachant très bien ce qui leur arrive ; ils n’éprouvent pas la peur absurde de mourir que tant de gens ressentent, les animaux atteignent par leurs gestes de ces moments toute la grandeur d’une âme noble.

Un jeune fermier américain d’Ohio, John Salomon Rarey, soutenait qu’il pouvait comprendre et parler la langue des chevaux. Il avait l’habitude de s’enfermer dans le box d’un cheval, quoi qu’il soit dangereux et lui parlait pendant une ou deux heures, puis l’animal devenait doux comme un anneau. Cela se passait en 1850, une époque où le cheval était encore le moyen principal de traction et de locomotion. Déjà à l’âge de douze ans, John S. Rarey avait dompté en moins d’une demi-heure un poulain superbe que les plus durs des entraîneurs ou dompteurs de chevaux avaient essayé en vain de dompter, et qui venait de casser la jambe de son père. La réputation du jeune John se répandit et les éleveurs de chevaux de tous les coins de l’état commencèrent à solliciter son aide ou à lui apporter les animaux qui ne pouvaient pas être domptés autrement. John s’enfermait avec le cheval dans le l’étable et en sortait une heure plus tard, assis sur le dos de l’animal devenu doux et coopérant.

A l’âge de 19 ans, il partit au Texas. Les fermiers et les cow-boys voulaient maintenant le voir agir de la même façon sur des chevaux authentiques. Doté d’un sac à couchage et d’un binocle, John installa son camp dans les régions où passaient des goujons sauvages et pendant environ trois mois, il étudia avec attention ces animaux. En rentrant en ville, il se déclara prêt à faire face à n’importe lequel de ces chevaux.

Alors les Texans lui préparèrent cinq chevaux sauvages considérés comme indomptables. Parmi ces chevaux, quatre avaient déjà tué leur maître, et le cinquième avait blessé trois ou quatre hommes.
La réputation de John S. Rarey était si grande que tous les journaux de la région avaient envoyé leurs journalistes, et plus de cinq milles personnes se réunirent pour voir l’audacieux dompteur.

Loin d’être applaudi lorsqu’il fit son apparition, John fut longtemps hué car au lieu de s’habiller en cow-boy, il avait mis son meilleur costume. Souriant, il se dirigea vers l’étable couverte et parfaitement fermée, condition qu’il avait imposée, et où le premier des cinq chevaux avait été introduit non pas sans difficulté. Il demanda la clef car il avait sollicité la condition de pouvoir s’enfermer dans l’étable avec le cheval. Les murs de l’étable retentissaient comme un canon de campagne sous les sabots de la bête. John entrouvrit la porte et risqua un regard à l’intérieur. Il attendit un moment, puis s’y glissa soudain et ferma la porte.

Pendant quelques minutes aucun bruit ne fut plus entendu.
– Il est mort, déclara le maître du cheval. Il faut sortir son corps et l’enterrer.
Les juges refusèrent d’agir. Ils avaient promis à John de ne pas essayer d’entrer dans l’étable avant au moins cinq heures. Les paris avaient beaucoup grandi, puis, vu le temps passé, se furent plus rares. Personne ne voulait plus parier sur John Rarey considéré déjà mort. L’attente continua. A la demande de la foule, l’un des organisateurs alla frapper à la porte de l’étable d’où on n’entendait plus aucun bruit, mais aucune réponse ne fût reçue. Les fermiers et spécialement les femmes se mirent en colère, demandant d’ouvrir l’étable où se trouvait, mort ou vivant, le pauvre jeune homme sans aucune arme ou moyen de se défendre, à la merci d’une bête sauvage ! Ne sachant plus quoi faire et ne recevant pas de réponse à leurs coups, les cow-boys décidèrent d’arracher la porte de l’étable, car seul John en avait la clef. Mais la porte s’ouvrit comme par miracle. Dans un silence de mort, sans avoir mis ni la scelle ni les rênes, le cheval sortit portant sur le dos John Rarey, qui était très souriant. Ce moment de silence fut suivi par un cri et un véritable délire. Rarey conduisit le cheval jusqu’au centre de la clôture et souleva un bras pour demander le silence.

Alors, sans cravache, sans éperons, des mains nues il caressa l’encolure du cheval qui s’était mis à genoux puis se laissa glisser au sol. John ôta son chapeau et salua la foule. Ce qui suivit fût un nouveau moment de délire et le début d’une carrière unique. Dans un cabriolet tiré par deux élans qu’il avait dompté, John voyagea partout aux Etats-Unis pour soutenir des conférences au sujet du dressage par la douceur et en faisant de nombreuses démonstrations de domptage par la puissance de l’amour.

Sa réputation traversa l’océan et les éleveurs de chevaux anglais, très sceptiques, firent une collecte pour l’inviter et voir de leurs propres yeux ce qu’il pouvait. Lorsqu’ils reçurent l’acceptation de John Rarey, ils entreprirent une recherche fébrile pour découvrir l’animal le plus furieux qui existait dans le pays britannique. Leur choix se fixa sur un étalon de course acheté par le lord Dorchester pour quatre milles livres en 1853. Cruiser était un animal superbe, qui atteignait une vitesse fantastique à la fin de chaque course, mais qui était devenu fou violent. Tout étable en bois était mise en pièces en l’espace de quelques minutes lorsque Cruiser était pris par une de ses crises de furie, durant lesquelles il arrivait même à se mordre lui-même ! Refusant de le tuer, le lord Dorchester avait préféré construire une étable en briques et en pierre avec une porte en fer.

John Rarey demanda à voir d’abord le cheval. Ensuite, il expliqua que le problème était un peu différent parce que l’animal n’était pas sauvage, mais fou. Et comme les spécialistes avaient commencé à sourire, il ajouta : „Cependant, je pense pouvoir le faire revenir à l’état normal.”

Le lendemain il revint avec toute une série d’accessoires. Comme s’il savait ce qui l’attendait, Cruiser fût pris par une de ses terribles crises, heurtant les murs de coups qui ébranlaient tout le bâtiment. Souriant, John se glissa dans l’étable après avoir accroché son beau chapeau au mur. Il mit les rênes au cheval et sortit de suite. Quelques minutes plus tard, externué, le cheval ne faisait plus de bruit. Cette fois-ci, John était entré avec une longue ceinture de cuir à anneaux, par laquelle il avait attaché le cheval qui semblait terrorisé. Il passa par les anneaux d’autres ceintures qu’il avait attachées aux pattes de Cruiser, construisant ainsi un mécanisme très simple pour le faire s’agenouiller à tout moment.

John resta ainsi pendant trois heures avec l’étalon, lui parlant, le caressant, le faisant s’agenouiller dès qu’il commençait à s’agiter. Vingt-quatre heures après son entrée dans l’étable, John Rarey parcourut le 22 avril 1858 les rues à cheval sur le dos de Cruiser, qui était devenu le plus docile et le plus doux des chevaux. La foule l’ovationnait partout.

Quelques jours plus tard, en entendant parler de cet exploit courageux, la reine Victoria manifesta le désir de connaître le jeune américain et de le voir en personne. John Rarey fut invité au château de Windsor où se trouvaient les étables principales de Sa Majesté.

Se trouvant dans une calèche légère qui allait être baptisée du nom de cet homme inhabituel, la reine Victoire s’était préparée pour assister au spectacle. Les ouvriers des étables firent venir un étalon vigoureux duquel personne n’osait s’approcher et qui piaffait sans cesse ; il était difficile à gérer même par quatre hommes qui l’avaient attaché avec des cordes.

John Rarey salua, s’excusa et demanda à la reine la permission d’entrer avec le cheval dans l’étable. Impatiente, la reine ordonna après seulement dix minutes que l’étable soit ouverte parce qu’on n’entendait plus aucun bruit.

Par la porte largement ouverte elle put voir l’étalon allongé sur la paille et John Rarey qui souriait, la tête sur les épaules du cheval entre ses jambes. Alors il se leva, salua de nouveau en s’excusant pour le temps qu’il avait du prendre à Sa Majesté, puis, prenant le cheval par les rênes, il le conduisit à la reine et le détermina à la saluer en descendant sur les genoux !

Peu de temps après, le jeune américain partit en tournée en Europe. Il ne refusa aucun cheval et ne rencontra pas le moindre échec ! Personne n’a jamais su avec précision en quoi consistait la magie de John S. Rarey, mais tous ont compris qu’elle était basée sur la puissance de l’amour.

Extrait de l’ouvrage „Le livre des mystères – une anthologie des faits étranges”

yogaesoteric
2014

Also available in: Română

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