Le pouvoir magique de la renonciation
Apportons comme offrande à Dieu tout ce qui est encore ignorance et illusion en nous, nous dit Vedanta. Sainte Thérèse d’Avila a adopté cette attitude, suivons son conseil: « Voici ma vie, voici mon honneur, voici ma volonté ; vous disposez de moi selon votre bonne volonté. »
Renonçons intérieurement à tout ce que nous possédons ; ne gardons plus quoi que ce soit ; ainsi nous allons nous purifier de tout sentiment inférieur.
Cessons de nous identifier avec notre façon de penser ; apportons-la comme offrande à Dieu ; c’est ce que nous appelons « la vénération mentale » (« l’adoration intérieure ») – mânasa pshjâ.
Par exemple, nous pouvons choisir de penser à un objet quelconque ; pendant la méditation, le contour de l’objet s’estompe ; le nom et la forme disparaissent et il n’existe plus que le substrat universel. Voici comment les pensées grossières, les souvenirs insignifiants qui forment notre patrimoine biologique et toutes les pensées parasites, perdront progressivement leur vigueur et disparaîtront complètement.
Si de l’intérieur de nous apparaissent encore des pensées inférieures, il faut les supprimer, les consacrant elles aussi au Divin. Les Occidentaux ne peuvent que difficilement adopter cette attitude ; le christianisme admet en fait que le mal a des frontières ; pour les Hindous, le bien et le mal sont deux aspects complémentaires, et ils n’hésitent pas à apporter comme offrande à Dieu ce qui est dans leur être, tant les bonnes choses que les mauvaises choses.
La légende de Krishna
Voici une légende tirée de la mythologie hindoue, celle de Krishna et Kalica. Un démon dévastait et terrifiait les rives de Djoumnah ; un jour, Krishna rencontra un groupe de croyants ; désespérés, ils le prièrent de détruire le monstre. Krishna sauta dans la rivière et frappa mortellement Kalica. La vérité surgit ; Kalica n’était pas un démon, mais un homme qui avait juré de devenir l’ennemi de Dieu. Le tuant de sa main, Dieu lui accorda en même temps la sauvegarde. Quand il fut sur le point de mourir, Kalica vomi du sang noir et l’offrit à Krishna. Celui-ci répondit: « Les cadeaux que j’aime sont le beurre clarifié, le lait, les gâteaux, tu ne respectes pas les rituels ; je ne peux rien faire avec ce sang. » « Je ne peux que te donner ce que je possède ; Tu me l’as donné, reprends-le, je le dépose à Tes pieds. »
Cette légende est significative. Elle nous montre que c’est seulement en renonçant à ce qui nous appartient que nous nous approcherons d’une manière authentique du Divin ; il faut abandonner à Dieu tout ce qui nous appartient, le bien comme le mal.
Le désir d’élévation est un libre choix, non pas une contrainte pénible.
En suivant le chemin spirituel, chacun doit apprendre dans son être le secret de la perfection dans la purification du mental et de la sublimation de la nature inférieure. Il est cependant souhaitable d’éviter que cet effort ne provoque un refoulement ou une contrainte intérieure, ce qui ne ferait que croître la force de l’instinct et nous éloignerait de l’objectif poursuivi.
Agir de la sorte signifie vouloir s’imposer une discipline pour laquelle nous sommes insuffisamment préparés et s’exposer à des réactions intérieures fortes. Si nous sommes dans cette situation, nous devons nous consacrer à la méditation et recourir à l’analyse psychologique ; nous verrons ainsi d’où il faut redémarrer le travail de nettoyage, étant donné que notre système psycho-émotionnel n’est pas encore en harmonie avec l’esprit ; cet équilibre doit être ancré en nous à tout prix.
Ramakrishna a raconté l’anecdote suivante: « Un sadhu vivait en face d’une maison de tolérance ; il pensait avec horreur à cette demeure du péché. Mais l’un des familiers de cette maison comparaissait souvent sa condition avec celle du sadhu auquel il portait un profond respect. Finalement, quand le sadhu mourut, le diable s’empara de lui tandis que dans la maison en face, l’autre homme atteignit la réalisation finale. »
La purification ne devrait pas se limiter à la couche superficielle de notre individualité ; notre imagination elle-même devrait devenir pure. Pratiquons donc l’analyse intérieure, exercice qui exige de notre part certes un effort prolongé, mais qui est avec toutes ses difficultés le seul moyen pour nous aider à avancer dans la bonne direction.
Tant que notre imagination continuera d’être emplie de pensées impures, nous ne pouvons pas connaître le vrai Soi.
Veillons pleins de vigilance afin de ne pas confondre le Témoin immuable aux pensées éphémères qui, sans jamais l’affecter, se projettent successivement par dessus lui ; nous devons nous identifier avec cet écran en permanence, et non pas aux projections passagères.
Ces conseils se rapprochent de la technique de Jung, le grand psychanalyste qui croit que la guérison est presque assurée lorsque le patient parvient à décrire ses états intérieurs malsains. La tentative elle-même est tentante, l’illusion commence à s’effriter, et la connaissance surgit. Peu à peu, le sujet se détend ; le malade reconnaît son erreur ; il note qu’il s’est identifié de façon erronée à une individualité étrangère et conclut: « Ce n’est pas moi. » En appliquant des méthodes similaires, le névrotique retrouve son équilibre mental, et l’aspirant qui suit une discipline spirituelle assidue aura accès à un plan spirituel supranormal.
Ajoutons que, parmi les écrivains et les artistes il y a des cas de changements soudains de vision, de point de vue : beaucoup d’entre eux comprennent un aspect universel après avoir terminé une œuvre d’art. Grâce à un effort de création, ils se sont libérés d’une personnalité secondaire, apercevant même pour un instant la Réalité Suprême.
Par la pratique de la méditation selon Vedanta, ce qui nous attend au bout du chemin est la même puissance infinie qui nous a impulsé à parcourir cette route. Notre esprit n’est plus alors qu’un petit rouage, harmonieusement intégré dans le grand engrenage de la Vie Universelle.
Yogaesoteric
2012
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