Le YOGA Tantrique: une tradition spirituelle fondée sur révélation divine

Le tantrisme est, à côté du shivaïsme, un courant spirituel dont le point de départ est Shiva. Ainsi, nous comprenons comment la multitude des formes de la tradition du yoga, du shivaïsme, de Natha-sampradaya, ont tant de points communs avec ce système spirituel (Tantra) dont l’immense prestige s’est répandu dans toute l’Inde vers le IV-e siècle de notre ère. Les enseignements fondamentaux du TANTRA-YOGA ont été assimilés non seulement par les grands courants religieux indiens et par les différents groupements hindous, mais également par le bouddhisme, et dans une mesure plus réduite, par le jaïnisme.

Le terme de Tantra, avec le sens propre de „fil d’un tissu”, „ourdissage”, dérive de la racine „Tan”: étendre, prolonger, amplifier, en ayant le sens de „ce qui élargit la connaissance”. En exprimant les idées de „déroulement”, de „processus continu”, de „méthode”, de „discipline”, il est devenu le nom générique d’une série de traités techniques religieux : le Tantra. L’esprit qui anime ces textes, dont il est convenu qu’on le nomme Tantrisme, a atteint son apogée aux XVI° et XVIII° siècles.

L’enseignement spirituel est Révélation

Il faut savoir que les fondements du Tantrisme ne se confondent pas avec le Tantra, dénomination qui s’applique spécialement aux traités Shakta; il inclut aussi l’Agama Shivaïte, le Samhita vishnouite, les Soutras bouddhistes et toutes sortes de traités philosophiques et techniques spécifiques. À l’inverse, des textes qui n’ont rien de tantrique en eux, sont dénommés des « tantras » dans le sens commun de « traité : par exemple, Shankaracarya a dénommé Samkhya un Tantra. Une dénomination plus exacte des textes d’inspiration tantrique serait le terme générique d’Agama-Shastra.

Les Agamas se divisent en trois groupes principaux, selon que l’aspect divin adoré (ishtadevata) est Shiva, Shakti ou Vishnou: Shiva-Agama, Shakta-Agama et Vaishnava-Agama.

Les Agamas ne s’attachent à aucun système de spéculation abstraite, mais ils sont avant tout de sadhanashastra, des sciences pratiques de réalisation spirituelle, dont le but est de mettre en évidence tous les enseignements et les méthodes les plus adéquates aux conditions spécifiques du Kaliyuga. Ils se présentent en général comme une adaptation de la doctrine védique – partiellement perdue et devenue inaccessible à la plupart des êtres – aux nécessités de l’homme de cette époque d‘ignorance spirituelle maximale. C’est pourquoi leurs adeptes les considèrent comme des Shruti, des Révélations, par opposition avec Smriti, la Tradition.

Shruti, la Révélation, est supra-humaine, apaurusheya, impersonnelle et éternelle, nitya, et est symboliquement décrite comme émanant du souffle divin. Elle ne constitue pas le résultat d’un processus perceptif commun ou d’un processus réflexif, mais exprime l’expérience directe (saksat-kara) des réalités suprasensorielles, vécue par les sages ou les par les clairvoyants (rishis) totalement illuminés.

Étant une intuition directe des vérités essentielles, elle est représentée comme „audition” (shruti), à cause de la primordialité de la qualité auditive et du son (en rapport avec l’élément éther) en comparaison avec les autres qualités subtiles de l’ordre de développement de la Manifestation. Elle est aussi nommée la „condition” à cause de son mode de transmission.

Smriti est la tradition humaine, fondée sur shruti et tirant sa validité de celle-ci, et possédant donc un degré d’autorité secondaire.

Chaque époque a ses enseignements spirituels adéquats

Selon Kularnava Tantra, à chacune des quatre époques d’un Grand Cycle, Mahayuga, correspond un certain shastra (enseignement); les Védas sont adéquats pour l’époque du Krita-yuga, les Smritis correspondent à l’époque du Treta-yuga, les Puranas sont destinés à l’époque du Dvapara-Yuga et les Agamas ou les Tantras sont les plus adéquates à l’époque du Kali-yuga. (Dans la tradition orientale, les quatre époques ou yuga se succèdent de manière cyclique dans l’évolution de l’univers et de l’humanité.)

Les modalités proposées par le tantrisme sont ouvertes à tous, sans différence de caste, de sexe ou d’implication dans les relations familiales, alors que Vaidika-achara était seulement réservée à ceux des castes supérieures, „deux fois nés”.

Kulluka Bhatta, commentant les Lois de Manu, affirme que Shruti est de deux types: védique et tantrique. Certains textes, comme Kurma-purana, Sanatkumara-samhita et Vayu-samhita font la différence entre l’Agama védique (Vaidika-Agama) et l’Agama non-védique (avaidika). Mais l’appellation de „non-védique” est souvent appliquée pour les écoles rivales. Quelle que soient leur origine, tous les Agamas affirment qu’ils sont fondés sur Shruti, et ils offrent l’interprétation la plus autorisée et la plus adaptée aux conditions actuelles, en gardant toute la liberté de traiter comme „avaidika” ceux qui offrent une interprétation différente.

Cependant, il faut éviter une interprétation ad litteram rigide, car le mot Veda désigne seulement dans un sens secondaire les quatre corps de textes qui sont arrivés jusqu’à nous : Rig, Yajur, Sama et Atharva-veda. Le sens principal du terme Véda est celui de Mot Originaire, l’idéation cosmique du sein de l’Esprit Créateur, Brahma, la Connaissance d’où découlent toutes les formes de connaissance. Elle est éternelle et se manifeste au début de toute création. Elle est „Brahman sous la forme de Véda” (vedamurtibrahman) qui se révèle partiellement dans les différentes époques et les différents endroits aux rishis, aux sages et aux clairvoyants qui ont le pouvoir de directement comprendre la Réalité.

Les quatre Védas, même s’ils sont les plus anciennes révélations du cycle actuel de l’humanité, et possédant une primordialité de principe, n’épuisent pourtant pas la capacité de Shabdabrahman de se manifester. La révélation (akasha-dvani) ne s’arrête jamais. Partout où il existe un vrai rishi, il existe une vision (véda), il existe la révélation (shruti).

Le Hatha yoga, une méthode de style tantrique

Du point de vue du système tantrique, ce qui garantit qu’un shastra est vraiment un shruti ce n’est pas l’attachement formel aux textes anciens, mais l’efficacité des méthodes enseignées aux adeptes pour obtenir la libération (moksha). Un tantra est „authentique” dans la mesure où il se soumet aux preuves, s’il a comme fruit siddhi, la réalisation. Le critère de véracité est essentiellement pratique et non pas théorique.

Insister sur la pratique, sur la nécessité d’une réalisation effective de la Vérité – et pas seulement sur une compréhension intellectuelle, mais sur une réalisation intégrale, dans tous les fibres de l’être, en transfigurant les moindres gestes – est une constante de l’univers tantrique que le Hatha-yoga révèle à son tour. Pour ne citer que Hatha-yoga-pradipika: „Que tu sois jeune, mûr ou vieux, malade ou maigre, seulement à travers la pratique (abhyasa) il devient possible d’obtenir la Réalisation (siddhi), en cultivant sans fatigue tous les aspects du yoga.”

La réalisation vient seulement chez celui qui est constamment engagé dans l’action (dans la pratique du yoga). Comment pourrait-elle être possible pour celui qui est inactif ? Une simple lecture des shastras ne suffit pas pour produire la Réalisation, yoga-siddhi. L’adoption d’un certain vêtement ? Cela ne contribue en rien à la Réalisation, il n’y à rien de plus par rapport aux discours à ce sujet. La mise en pratique (des méthodes yogies adéquates) est le seul facteur de la Réalisation. Ceci est la Vérité, sans aucun doute.

Les postures corporelles, les exercices de contrôle de la respiration et d’autres techniques divines, tout est utilisé dans la pratique du hatha yoga, jusqu’à l’atteinte de la réalisation suprême. Pour les traités du hatha-yoga et pour les Agamas, la spiritualité est une activité pratique. De même que le corps a besoin de certains exercices, à l’identique l’esprit doit être entraîné.

La spiritualité N’EST PAS de la théorie, mais de la pratique

L’être humain dispose en lui d’un pouvoir immense, partiellement exprimé, partiellement à l’état latent. L’objet de l’entraînement (sadhana) est de développer ce pouvoir (Shakti) de l’être, pour arriver à des réalisations d’ordre spirituel, en principal, mais aussi pour certains effets à caractère temporel. Pour atteindre ce but toutes les énergies de l’être humain sont utilisées, qu’elles soient physiques ou mentales. Même la force des passions ou des désirs doit être soumise, et non pas dissipée. Ici nous découvrons l’originalité de la méthode tantrique : „les passions, au lieu d’être exterminées de façon pénible, sont domptées comme les tigres féroces et mis à la disposition de l’adepte.” Car un des principes tantriques essentiels est que tout élément peut constituer une source d’ascension et qu’il faut s’élever en utilisant le moyen adéquat qui constituait en général une occasion pour tomber. L’obstacle, lui-même, doit être regardé et utilisé comme un instrument d’achèvement. Le poison qui tue peut devenir dans les mains d’un expert, un élixir de vie.

On ne peut pas considérer que l’apport du tantrisme soit une nouvelle doctrine, mais plutôt une nouvelle solution aux mêmes problèmes. Le point de vue doctrinal est en effet commun avec le Védanta, avec le Yoga classique et avec Agama. D’ailleurs dans le langage tantrique, la Réalité Suprême en tant que Perfection éternelle „réalisée” est représentée par SHIVA. Mais l’être humain ne le sait pas et il n’est pas conscient de lui-même comment est Shiva. La libération consiste en cette „réalisation”: „Tu es celui-là” (Tat tvam asi). Jiva est Shiva. Le Soi incarné (jivatma) n’est pas différent en son essence du Soi Suprême (Paramatman). Mais comment réaliser cette identité avec Shiva, qui représente le but de tous les yogis ? Ici intervient le spécifique des solutions tantriques.

Ce qui empêcherait jiva de réaliser sa nature divine, et qui le rend pashu (littéralement – un animal domestique), un être soumis aux limites de l’existence commune, ce sont ses liaisons (pasha), son conditionnement (upadhi). Jiva est déterminé par un réseau complexe de vasanas („imprégnations” mentales, imprégnations enfouies dans son subconscient) et par des samskaras (des bouquets de vasanas qui forment des tendances, des latences, des structures de l’inconscient). Certains ensembles de vasanas et de samskaras sont prédominants et forment les pulsions principales qui déterminent le comportement commun d’un jiva. Ils forment les nœuds du vêtement qui le serre.

La façon dont il faut utiliser ces impulsions fondamentales de joie (bhoga), pour transformer leur nature, en les sublimant, en inversant leur tendance égocentrique, en ouvrant la conscience finie et restreinte pour être toute CONSCIENCE, Béatitude infinie, est la préoccupation centrale du système tantrique, qui cherche à sacraliser et à transmuter la vie humaine sous tous ses aspects et toutes ses fonctions, y compris les tendances fondamentales, nutritives et sexuelles.

yogaesoteric
2009

Also available in: Română

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