Les couvents des sœurs Marie Madeleine en Irlande : camps d’enfermement pour les femmes impures par Laurie Rohr (1)
Genèse
Les couvents de la Madeleine sont issus du « Rescue Movement »
Les couvent de la Madeleine sont issus du « Rescue Movement » ce mouvement naquit en Grand Bretagne et en Irlande au cours du XIXe siècle. Ils avaient pour but la réhabilitation des femmes dites « perdues » (fallen woman). Ce terme désignait essentiellement les femmes ayant eu des relations sexuelles hors mariage, comprenant : la prostitution, les abus sexuels, ou encore une sexualité jugée trop précoce. Cependant les pensionnaires étaient dans la grande majorité filles mères.
En Irlande ces institutions prient le nom de Marie-Madeleine
En Irlande, ces institutions prirent le nom de Marie Madeleine. Personnage de la Bible elle renonça aux péchés et devint l’une des plus grandes fidèles du Christ. « La philosophie de cette institution est simple : par l’action de la prière, du travail et de la propreté, les pécheresses peuvent retrouver le chemin de Jésus Christ. Marie Madeleine la sainte patronne des couvents de la Madeleine était elle aussi une pécheresse, une de la pire espèce qui vendait son corps aux dépravés et aux concupiscents. Elle retrouva le salut qu’en se repentant de ces péchés, en renonçant à tous les plaisirs de la chair à la nourriture et au sommeil et en travaillant au-delà de la force humaine afin d’offrir son âme à Dieu et ainsi accéder au paradis et à la vie éternel. Notre laverie est un moyen ici-bas de laver votre âme d’effacer la souillure de votre vie de pécheresse. » Monologue Sœur Brigitte dans le film the Magdalène sisters
L’Eglise s’appropria rapidement le mouvement de Madeleine
Le mouvement de Madeleine est rapidement repris par l’Église Catholique en Irlande. Au début, les jeunes femmes sont enfermées dans des foyers. Conçus à la base pour de courts séjours ils deviennent peu à peu des institutions à long terme. Les pénitentes étaient attachées aux taches de blanchisserie, rappelant l’allégorie de Marie Madeleine lavant symboliquement les pieds du Christ. Afin d’effacer ses péchés. Ces travaux forcés représentaient en outre une bonne rentrée d’argent nécessaire à l’entretien et au bon fonctionnement de ses couvents prison. Avec le rallongement des séjours, on a une sorte d’enferment continu. Les pensionnaires travaillent sans être payées et subissent des brimades de la part des religieuses. Cette séquestration s’apparente aux peines de prison, sauf qu’au niveau pénal elles n’ont commis aucun crime. Elles sont jugées par un tribunal tacite composé de l’Eglise et de la société.
La dernière blanchisserie de Madeleine irlandaise située à Dublin a été fermée le 25 septembre 1996. Elle cessa son activité de blanchisserie suite aux progrès matériel ainsi qu’aux évolutions de la société et des mœurs.
C’est en mai 2009 que l’affaire des « Magdelene landries » connut un nouveau rebondissement. En effet la commission d’enquête sur la maltraitance des enfants en Irlande a publié un rapport de 2.000 pages détaillant des dizaines de milliers de cas d’horribles sévices commis dans de nombreuses écoles, y compris dans les Couvents de la Madeleine. Le 5 février 2013, l’État irlandais reconnaît sa responsabilité dans « l’asservissement » de plus de 10.000 femmes enfermées entre 1922 et 1996 dans les « blanchisseries Madeleine ».
Sujet brulant pour le gouvernement
Le plus choquant dans cette sombre affaire est que l’opinion publique savait plus ou moins ce qui se déroulait dans ces couvents. Rendant la société aussi coupable que l’Etat. En effet de nombreuses filles ont été conduites après une décision de justice ou dans l’attente d’un procès. L’Etat signait également des contrats de blanchisserie et faisait ainsi vivre les institutions.
En préambule du rapport de mille pages, le sénateur Martin McAleese dit ceci : « Personne ne peut imaginer la peur et la confusion qu’ont vécues ces jeunes filles, à peine plus âgées que des enfants, lorsqu’elles sont entrées dans ces blanchisseries. Sans savoir pourquoi elles étaient là, se sentant abandonnées, et se demandant ce qu’elles avaient fait de mal. Sans savoir quand elles sortiraient et reverraient leur famille. »
La publication du rapport officiel a contraint à l’Irlande à reconnaitre sa responsabilité dans l’un des plus grands scandales de son histoire. Le premier ministre Edna Kenny a présenté ses excuses auprès de « celles qui sont passées à divers titres par les blanchisseries Madeleine ». De 1922 à 1996, près de 10.000 femmes ont été envoyées dans ces pensionnats catholiques d’une extrême sévérité, parce qu’elles étaient jugées immorales. L’Etat Irlandais qui niée tout responsabilité a enfin reconnu son « implication importante ».
Mise à jour d’un passé sombre
La société connaissait l’existence des couvents de la Madeleine, mais n’en parlait pas jusqu’en 1933. Un des ordres des sœurs de Dublin vendit une parcelle de son terrain à un promoteur immobilier. Peu après les débuts des travaux les restes de 155 pensionnaires, furent exhumées dans des tombes anonymes. Sauf les restes d’un corps calciné retrouvé dans une fosse commune. Cette découverte provoqua un scandale public au niveau régional et national. C’est ainsi que le voile de la honte se leva sur les couvents de la Madeleine. Des victimes purent témoigner des abus commis dans les laveries. Les anciennes pensionnaires confirment les mauvais traitements, les humiliations. Un système fondé sur le travail et la prière.
Demande d’excuses et de compensations financières pour les anciennes victimes
Après le résultat de l’enquête, le précédent gouvernement, rechignait à faire des excuses et à reconnaitre son implication dans cette affaire. Craignait que le cout des indemnisations financières soit trop élevé. L’Eglise refuse encore de reconnaitre les abus, et les violences physiques et psychologiques commises contre les anciennes pénitentes. Elle refuse de dédommager financièrement ces femmes pour leurs durs labeurs effectués durant des années sans rémunération. Malgré la constitution d’une commission gouvernementale, toutes les demandes d’indemnisation des victimes sont restées sans suite.
Valorisation des témoignages, des films
En 2009, une commission est mise en place afin d’enquêter sur les abus commis à l’égard des enfants rend un rapport avec un chapitre consacré aux enfants placés dans les blanchisseries. A la suite de ce rapport des investigations sont menées en Irlande du Nord et dans le monde entier. Après une demande d’examen fait par le groupe Justice for Magdalenes au comité des Nations-Unis contre la torture, ayant examiné l’affaire. Il exige le 6 juin 2011 au gouvernement irlandais une enquête. Une commission présidée par le sénateur Martin McAleese a été instituée.
C’est bien sûr à la suite de cette enquête que de nombreux témoignages furent recueillis. Nous avons alors une véritable prise de conscience. Une mise en valeur des témoignages sera une étape importante dans une futur patrimonialisation. De nombreux films, livres, pièces de théâtres se sont inspirées de ces faits. Dont :
– Forgotten maggies en documentaire réalisé en 2009 sur la vie de 5 femmes dans les blanchisseries.
– Kathy O’Beirne, L’enfer de Kathy, J’ai vécu six ans chez les Magdalene Sisters, Pocket, 2012. Autobiographie d’une femme témoignant de son enfance passée dans les blanchisseries.
– The Magdalene sister de Petter Mulan sorti le 5 Avril 2003 : En Irlande, dans le comté de Dublin, en 1964. Le film met en scène le quotidien de trois jeunes femmes dans les blanchisseries de la Madeleine. Pendant un mariage, Margaret est violée par son cousin. La honte éclabousse sur toute la famille. Au petit matin, le curé de la paroisse vient chercher Margaret. Bernadette est pensionnaire dans un orphelinat. Jolie et extravertie, elle suscite de la convoitise chez les jeunes garçons du quartier. Considérant que sa nature et son caractère la destine aux péchés, la direction de l’orphelinat la confie alors à l’unique institution susceptible de la maintenir dans le droit chemin. Rose, qui n’est pas mariée, vient de donner naissance à un petit garçon. Rejetée par sa famille elle est contrainte d’abandonner son bébé, elle est emmenée au couvent des sœurs de Marie-Madeleine. Les trois jeunes femmes sont immédiatement confrontées à Sœur Bridget, directrice de l’établissement et leur explique comment, par la prière et le travail, elles expieront leurs pêchés et sauveront leur âme.
Description des bâtiments
L’architecture n’est pas celle d’une prison
L’architecture a proprement parlé des foyers n’est pas celle d’une prison. Il n y a pas la présence de mirador, ni de rempart et encore moins de cour centrale. On est face à une structure plutôt classique voir austère. Ces foyers sont aussi des annexes aux couvents. Vu d’extérieur les bâtiments ne se distinguent pas particulièrement, sauf par d’éventuels signes religieux. Mais il ne faut pas s’y tromper les pensionnaires sont enfermées de force dans ses bâtiments, sans espoir de sortie. Elles y sont enfermées sans avoir commis de crimes, sans jugement et sans remise de peine…
Présence d’atelier de travail
Peu à peu, les objectifs des laveries changent : les intentions charitables du départ furent remplacées par une volonté de punir les pécheresses. D’où l’activité forcée dans les blanchisseries. Les laveries de la Madeleine sont de véritables entreprises, d’où le besoin de main d’œuvre. On a la présence d’ateliers de travail. Les femmes s’entassent dans des grandes salles surchauffées, chacune travaillant à une tache précise.
Techniques hygiénistes
Travaux forcés dans des laveries
Les jeunes filles jugées coupable par l’Eglise sont emmenées de force dans ses institutions, pour s’y « repentir ». Cette repentance passe par le travail forcé dans les laveries. Comme disait le dicton populaire « bad girls do good sheets » (« les mauvaises filles font les bons draps »). C’est dans ce contexte pénitentiaire que travaillent sans relâche ces femmes dans l’espoir d’échapper selon la doctrine catholique aux flammes de l’enfer. Les conditions de travail sont atroces, et doivent s’effectuer dans le plus grand silence.
Marie Madeleine lavant les pieds du Christ
Ces pensionnaires sont jugées impures par l’Eglise, ayant commis le péché originel elles ne peuvent donc pas accéder au paradis. De même que Marie-Madeleine avait lavé les pieds du Christ en signe de pénitence, les pensionnaires devaient accomplir des travaux de blanchisserie, afin de laver symboliquement leurs péchés.
Condition de vie difficile : hébergement dans des dortoirs vétustes, sans classement particulier
Les conditions de vie des pénitentes sont particulièrement difficiles rythmés par le travail, la prière et la violence tout cela dans un silence des plus total. Les châtiments corporels sont monnaie courante, le harcèlement physique et psychologique est continuel et les comportements d’auto mutilation sont ignorés.
Après une journée de dur labeur les pensionnaires se retirent dans des dortoirs. Il n’y a pas de cellule individuelle, les pensionnaires sont logées dans des dortoirs. Elles ne disposent d’aucune intimité, et vivent dans des conditions vétustes. Il n’y a pas de classement, ni de différences entre les pensionnaires. Jusque dans les années 1970, les pensionnaires sont appelées filles sans distinction et doivent appeler les religieuses « mères » qu’importe leur hiérarchie religieuse.
Lisez la deuxième partie de cet article
yogaesoteric
31 juillet 2018
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