Les expériences au seuil de la mort (27)


Par Alain Moreau

Lisez la 26ème partie de cet article

Le 28 juillet 2013, Jean-Pierre Jourdan a rédigé un complément au texte précédent :

« Dans le texte qui précède, j’avais essayé de laisser le bénéfice du doute à Eben Alexander, qui pouvait simplement être totalement naïf mais honnête.

Au vu de l’enquête parue début juillet 2013 dans le magazine américain Esquire sous le titre ‘The Prophet’ (le Prophète) par le journaliste Luke Dittrich, il apparaît qu’il n’en est rien.

Ce journaliste a pu rencontrer et interviewer aussi bien Eben Alexander que l’un des médecins qui l’ont soigné, le Dr Laura Potter. Le témoignage de cette dernière montre que j’étais bien en dessous de la vérité, ne serait-ce que sur un plan strictement médical.

Si Eben Alexander se défend maladroitement en parlant de ‘liberté artistique’ et de ‘dramatisation’ dans le but de rendre tout cela ‘plus intéressant pour le lecteur’, son médecin confirme la supposition que je faisais (car elle semblait médicalement logique) : Alexander a bien dû être placé en coma artificiel dès son arrivée aux urgences. Les médecins ont tenté à plusieurs reprises de cesser ou simplement de diminuer cette sédation dans les jours qui ont suivi, mais ces tentatives répétées se sont toutes soldées par un délire agité.

Ces multiples ‘allers-retours’ entre un coma artificiel et un état d’éveil délirant sont cohérents avec ceux qu’il décrit entre plusieurs ‘mondes’ angoissants (le ‘monde vu du Ver’) ou idylliques (la ‘Mélodie tournoyante’ et le ‘Coeur’).

Son néocortex n’était en rien détruit (il aurait eu du mal à repousser !), il était en revanche sous l’effet de doses variables de drogues destinées à le protéger et à calmer son propriétaire.

Il ne s’agit pas là d’un simple mensonge ‘artistique’. Eben Alexander reprend à de multiples reprises son argument du cortex totalement hors d’état de fonctionner, en particulier quand il passe en revue diverses hypothèses qui pourraient expliquer son vécu, par exemple :

(p. 193) ‘Etait-ce une réminiscence déformée de souvenirs en provenance des zones les plus profondes de mon système limbique, la partie du cerveau qui alimente la perception émotionnelle ? Là encore, non. – Sans un cortex fonctionnel, le système limbique ne pouvait pas engendrer des visions avec la clarté et la logique dont j’ai fait l’expérience.’

(p. 193, à propos des médicaments qui lui ont été administrés) : ‘De nouveau, tous ces médicaments agissent via des récepteurs dans le néocortex. Et sans un néocortex en fonctionnement, ces médicaments n’avaient pas de substrat sur lequel opérer.’

(p. 193, à propos des intrusions de sommeil paradoxal) : ‘Désolé, mais les intrusions de sommeil paradoxal nécessitent un néocortex fonctionnel pour se produire et je n’en avais pas.’

(p. 193 – 194, à propos d’une éventuelle libération de DMT par la glande pinéale) : ‘Cependant, il reste un fait que la portion du cerveau sur laquelle agit la DMT (le néocortex) était, dans mon cas, incapable d’être touchée. Ainsi, en termes ‘d’explications’ de ce qui m’est arrivé, l’hypothèse de la décharge de DMT échouait tout aussi radicalement que les autres principales candidates, et pour les mêmes raisons essentielles. Les hallucinogènes affectent le néocortex et mon néocortex n’était pas en état d’être affecté.’

Tout cela pourrait à l’extrême rigueur être pardonnable à un non-médecin qui n’aurait pas très bien compris ce qui lui est arrivé.

Mais Eben Alexander est médecin, et de plus neurochirurgien. L’intégralité de son argumentation repose sur un mensonge fondamental, mensonge qu’il assume jusqu’au bout. Il sait parfaitement que son cortex a subi une alternance de périodes où il était sous l’effet de drogues et de tentatives de sevrage pendant lesquelles il était en état d’éveil délirant.

Ma première analyse était la bonne : son expérience est de l’ordre d’un délire hallucinatoire, et n’a rien à voir avec une EMI authentique. Nous en avons maintenant la preuve.

Et si cette expérience doit dorénavant mériter une médiatisation (qui sera certainement moins outrancière que celle dont elle a été l’objet jusqu’à présent…), c’est parce qu’il s’agit d’un magnifique exemple de tromperie.

Eben Alexander est un imposteur, il a sciemment menti sur plusieurs points essentiels, et plus particulièrement sur le fondement même de l’authenticité de son expérience : l’incapacité de son cortex ‘détruit par une bactérie’ à produire une quelconque expérience hallucinatoire.

Il a par là même fait preuve d’un mépris total aussi bien pour ses lecteurs que pour les auditeurs de ses multiples conférences.

Voici donc quelques extraits de l’enquête de Luke Dittrich, qui se passent de commentaires :

‘(…) Le dossier médical d’Eben Alexander est confidentiel. Alexander ne prévoit pas de le rendre public, bien qu’il ait proposé d’autoriser trois des médecins qui l’avaient soigné à s’exprimer à propos de son cas. Deux d’entre eux refusèrent cette possibilité.

La troisième, le Dr Laura Potter, était de garde aux urgences de l’Hôpital Général de Lynchburg le matin du 10 novembre 2008, au moment où les ambulanciers l’ont emmené.

Aussi bien Alexander dans son livre que Potter dans ses souvenirs décrivent Alexander arrivant aux urgences agité, gémissant et délirant, ce qui obligea à l’attacher sur le brancard. Dans la ‘Preuve du Paradis’, Alexander décrit le Dr Potter lui administrant alors des ‘sédatifs’ pour le calmer.

Voici comment le Dr. Potter se souvient de l’épisode :

‘Nous ne pouvions pas du tout travailler avec Eben qui s’agitait, nous n’arrivions pas à mesurer ses constantes vitales, il était tout simplement dans l’incapacité de faire ce qu’on lui demandait. Nous avons pris la décision de le mettre sous coma artificiel. C’était vraiment pour sa sécurité, jusqu’à ce que nous puissions le traiter. Et c’est ce que nous avons fait…. je l’ai endormi et mis sous assistance respiratoire.’

Après son transfert depuis le service des urgences et son arrivée en Unité de Soins Intensifs, déclare Potter, les médecins ont administré à Alexander des anesthésiants qui l’ont maintenu dans le coma. Le jour suivant, elle lui a rendu visite :

‘Et bien sûr, il était toujours dans un coma artificiel’, dit-elle. ‘Sous assistance respiratoire. Ils ont essayé de le réveiller pour voir comment il réagirait, mais il était exactement dans le même état d’agitation. Même s’ils essayaient de ne diminuer la sédation que très légèrement. En fait, pendant des jours, à chaque fois qu’ils essayaient de le sevrer, il se débattait, essayait de crier et de s’emparer de son tube.’

Dans la ‘Preuve du Paradis’, Alexander écrit qu’il a passé 7 jours ‘dans un coma causé par un rare cas de méningite bactérienne à E.coli’.

Dans le livre, il n’indique à aucun moment que c’est le Dr Laura Potter et non pas la méningite bactérienne qui a provoqué ce coma, ni que les médecins du service des soins intensifs ont maintenu ce coma dans les jours qui ont suivi en utilisant des anesthésiques. Alexander écrit aussi que, pendant sa semaine dans l’unité de soins intensifs, il ne fut présent que physiquement, que l’attaque bactérienne avait presque complètement détruit son cerveau. Il fait remarquer que selon les connaissances scientifiques conventionnelles, ‘si votre cerveau ne fonctionne pas, vous ne pouvez pas être conscient’, et la clé de son argumentation prouvant la réalité des royaumes qu’il dit avoir visités est que ses souvenirs ne peuvent pas avoir été des hallucinations puisque son cerveau n’était même pas en mesure de créer une expérience hallucinatoire consciente.

J’ai demandé à Potter si l’état de surexcitation, dans lequel Alexander était à chaque fois qu’on le sevrait de ses anesthésiants pendant les premiers jours de son coma, collait à sa définition du terme ‘conscient’.

‘Oui’, répondit-elle, ‘conscient mais délirant’.

Potter n’a pas lu la ‘Preuve du Paradis’, bien qu’elle ait pu en parcourir quelques passages en avant-première. Environ un an après sa guérison, Alexander approcha Potter lors d’une compétition sportive à laquelle participaient leurs fils respectifs, lui disant qu’il avait commencé un livre et qu’il voulait qu’elle jette un œil à certaines parties dans lesquelles il la décrivait en pleine action dans la salle des urgences. Il voulait, disait-il, s’assurer ‘que vous êtes d’accord avec ce que j’ai fait’. Plus tard, il lui en envoya des passages par email, et en les lisant, elle trouva ‘qu’ils correspondaient en gros à ce que des médecins pourraient penser, mais pas exactement à ce que j’étais en train de penser’. Elle lui a fait part de ce constat, et selon Potter il a répondu que c’était une question de ‘liberté artistique’ et que ces aspects de son livre visaient à ‘dramatiser, alors ça ne s’était peut-être pas passé exactement comme cela, mais c’était supposé rendre le livre intéressant pour les lecteurs’.

L’une des scènes les plus dramatiques du livre se situe juste au moment où elle va le transférer des urgences vers les soins intensifs :

‘Juste avant de quitter la salle des urgences, après deux heures ininterrompues de gémissements et de plaintes animales, je suis devenu silencieux. Puis, sortis de nulle part, j’ai hurlé trois mots. Ils étaient parfaitement clairs et ont été entendus par tous les médecins et infirmières présents, de même que Holley, qui se trouvait à quelques pas de là de l’autre côté du rideau.

‘DIEU, aide-moi !’

Tout le monde s’est précipité auprès de mon brancard. Le temps qu’ils arrivent, j’étais totalement sans réaction.’

Le Dr Potter n’a pas souvenir de cet incident ni de ce cri de supplication.

Ce dont elle se souvient, c’est d’avoir intubé Alexander plus d’une heure avant qu’il quitte la salle des urgences, en introduisant un tube en plastique dans sa trachée après avoir traversé ses cordes vocales.

Pouvait-elle imaginer que son patient intubé ait été le moins du monde capable de parler, et à fortiori d’une manière parfaitement claire ?

‘Non’, répondit-elle.’

Vous trouverez l’intégralité de l’article (en anglais) sur le site du magazine Esquire.

Merci à Corinne Musitelli pour la traduction. » (J.-P. Jourdan)

Dans un texte daté de janvier 2014, une « expérienceuse » a donné, sur le même site www.iandsfrance.org, son opinion à propos du cas Eben Alexander :

« Je viens d’écouter la vidéo du Dr Eben Alexander interviewé par la présentatrice de l’émission La télé de Lilou. Je n’ai pas lu son livre, car je m’abstiens de lire des livres au sujet des EMI pour ne pas leur faire plus de publicité.

J’ai vécu une EMI, dite profonde, ce qui me permet de comparer son expérience avec la mienne.

Je ne retrouve aucune des caractéristiques d’une EMI définies par le Docteur Moody dans le récit du Docteur Eben Alexander :

– les sentiments de calme et de paix
– le tunnel obscur
– la décorporation
– le contact avec d’autres
– l’être de lumière
– le panorama de la vie
– la frontière ou limite
– le retour

Dès le début, je suis étonnée par ses propos, puisqu’il dit que son expérience a dû se passer entre le 1er et le 5ième jour. A ma connaissance, aucun expérienceur ne sait à quel moment cela a pu se produire.

Son témoignage ne ressemble, contrairement à ce qu’il dit dans l’interview, à aucun autre.

Pour valider ‘son EMI’, il avance deux arguments. Premièrement, il dit que la sienne se rapproche plus des expériences dites ‘profondes’. Deuxièmement, il ancre son récit dans l’Histoire, en disant que depuis des siècles et des siècles, des récits comme le sien sont racontés. Ainsi, l’étude des récits anciens confirmerait le sien car les plus récents, même profonds, ne correspondent pas au sien.

A ce moment-là, la journaliste, qui connaît bien les récits des expérienceurs, précise que son récit ne ressemble pas à ceux des autres expérienceurs.

Puis le Docteur Eben Alexander raconte l’univers du ver de terre, et, comme cette partie de son histoire n’a rien de commun avec les autres récits d’expérienceurs, la journaliste lui demande de raconter plutôt comment il s’en est sorti.

La journaliste préfère lorsqu’il parle de la lumière, car c’est enfin un point commun avec les récits des autres expérienceurs.

Mais la description des paysages relève plus du genre fantastique/onirique. Les êtres de lumière que les expérienceurs voient ne correspondent pas à la description de la superbe créature qu’il décrit.

La description du paysage d’une magnifique vallée, des enfants qui jouent et des chiens qui sautent alors qu’il se déplace sur les ailes d’un papillon à côté d’une superbe créature, tout cela est d’une existence si belle et si parfaite. Et au-dessus des nuages, des sphères de lumière et une musique, qui permet de s’élever à d’autres niveaux, et lorsqu’il reconnaît la musique tout s’effondre en un point et l’on voit la demeure ultime de l’âme. La superbe créature lui dit ‘en concept’ des pensées qu’il traduit quelques semaines après. A ce moment-là, sa conscience, si lucide jusque-là, ne lui a pas permis de comprendre les propos de sa superbe créature, à la différence de beaucoup d’autres expérienceurs qui comprennent instantanément ce que les êtres de lumière disent. Elle lui dit : ‘Tu seras aimé et chéri pour toujours, tu n’as rien à craindre, il n’y a rien que tu puisses faire de mal dans cette réalité, ni à faire quelque chose de juste, tu seras toujours aimé profondément.’

Son récit correspond plus à des récits bibliques qu’aux récits des expérienceurs.

C’est tout son imaginaire religieux qui apparaît dans son récit, sans doute a-t-il dû se raccrocher à sa foi pendant son coma. Les messages d’amour ressemblent plus au besoin d’être aimé et rassuré, comme nous le ressentons ici-bas, et, surtout, ils sont plus des encouragements à résister, notamment lorsqu’on vit une expérience difficile comme le coma.

La description qu’il fait de la conscience est plutôt de l’ordre de la révélation religieuse.

C’est pourquoi son expérience n’est pas, à mon avis, une EMI.

Beaucoup d’expérienceurs préfèrent se tourner vers leur spiritualité intérieure, celle qu’ils ont reçue avec toute la lucidité et clairvoyance pendant leur expérience. Ainsi, la méditation ou la prière, comme il le prône, ne correspondent plus à la nouvelle philosophie avec laquelle sont revenus les expérienceurs.

Ils ne cherchent pas des vérités à l’extérieur car elles sont désormais en eux.

Ce qui s’écroule, c’est cette petite voix rationnelle que notre éducation, culture, croyance, a inscrit dans notre conscience afin de diriger nos vies selon les usages de notre temps.

Notre conscience libérée de cette ‘petite voix rationnelle’, et peut-être aussi de notre corps, devient immédiatement plus lucide et perçoit instantanément l’essence des choses. »

(Source : www.iandsfrance.org)

Lisez la 28ème partie de cet article


yogaesoteric
17 janvier 2020

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