Les Fées de Cottingley
Les fées de Cottingley, ou l’affaire des fées de Cottingley, fait référence à une célèbre série de cinq photographies prises au début du XXe siècle par Elsie Wright et Frances Griffiths, deux jeunes cousines qui vivent à Cottingley, près de Bradford, dans la région du Yorkshire anglais. Elles montrent les deux filles en compagnie de fées et d’autres créatures du petit peuple. En 1917, lorsque les deux premières photos sont prises, Elsie est âgée de 16 ans et Frances de 10. Ces photos attirent l’attention du célèbre écrivain écossais sir Arthur Conan Doyle, qui s’en sert pour illustrer plusieurs articles sur le sujet ainsi qu’un livre, The Coming of the Fairies. Il avait été chargé d’écrire dans l’édition du Strand Magazine pour Noël 1920. Conan Doyle, qui est spiritualiste, se montre enthousiasmé par les photographies et les interprète comme une preuve concrète de la réalité des phénomènes psychiques. La réaction du public est plus mitigée, certains pensent que les images sont authentiques, d’autres estiment qu’elles sont truquées.
L’intérêt du public pour les fées de Cottingley diminue graduellement après 1921. Les deux filles grandissent, se marient et vivent à l’étranger pendant longtemps. Pourtant, les photographies continuent à nourrir l’imagination du public puisqu’en 1966, un journaliste du Daily Express retrouve Elsie, alors de retour au Royaume-Uni. Cette dernière laisse entendre qu’elle croit avoir photographié ses pensées, et les médias s’intéressent à nouveau à l’histoire, organisant des rencontres avec les deux femmes qui nient toujours avoir monté un canular malgré des preuves apportées au fil du temps, entre autres par le scientifique sceptique James Randi. Au début des années 1980, Elsie et Frances, alors âgées d’environ 80 ans, déclarent que les photographies sont des trucages fabriqués à partir de fées en carton découpées dans un livre pour enfants populaire à leur époque. Frances a toutefois toujours affirmé que la cinquième et dernière photo est authentique.
Les photographies et les deux appareils utilisés par Elsie et Frances sont désormais exposés au National Media Museum de Bradford.
Les photographies de 1917
Photographie de Frances Griffiths et Elsie Wright en juin 1917.
Au cours de l’été 1917, la petite Frances Griffiths, 10 ans, arrive au Royaume-Uni depuis l’Afrique du Sud avec sa mère. Elle est accueillie par sa tante Polly, la mère de sa cousine Elsie Wright, dans le village de Cottingley, comté du Yorkshire de l’Ouest. Elsie a 16 ans et les deux jeunes filles, qui partagent la même grande chambre mansardée, une forte complicité et le goût des escapades forestières, vont souvent jouer pendant des heures à côté de la rivière Beck qui coule au fond de leur jardin, loin de la vue de tous, et au grand dam de leurs mères puisqu’elles en reviennent un jour avec pieds et vêtements mouillés. Frances et Elsie répondent qu’elles sont allées près de la Beck pour voir des fées, et que les créatures du petit peuple (fées, gnomes et lutins) se rencontrent fréquemment dans la vallée qui entoure le village (même devenues grands-mères, les deux filles ont toujours affirmé avoir naturellement vu des fées dans cette région, et cette vision ne les a jamais surprises).
Par ailleurs, dans ses Chronicles and stories of Bingley and district, en 1904, Harry Speight dit qu’« autour de Bingley (village voisin de Cottingley) il y avait une forte croyance en l’existence des fées ». A Gilstead Crags, une ouverture dans la roche se nomme « Fairies Hole », les petites créatures l’utilisent pour danser et jouer […] Au Harden, dans une partie isolée de Deep Cliff, on peut entendre la musique des fées et ce qui ressemble à de minuscules vêtements blancs accrochés sur les arbres est visible durant les nuits claires.
Prises
Selon Conan Doyle et Edward L. Gardner, c’est la mère d’Elsie, Polly (elle-même croit aux fées et aux dires des enfants) qui convainc son mari Arthur (il est électricien) de prêter son appareil photo, un Midg quarter-plate, afin que les filles puissent prouver qu’elles voient régulièrement le petit peuple dans la forêt. C’est ainsi qu’un samedi de juillet 1917, après le souper, le père d’Elsie charge l’appareil d’une unique plaque photographique et le donne aux deux filles. Elles reviennent de leur expédition moins d’une heure plus tard (trente minutes selon Magnús Magnússon), « triomphantes ».
Arthur Wright est un photographe amateur qui a créé sa propre chambre noire.
L’image sur la plaque photographique (qu’il développe durant l’après-midi) montre Frances derrière un buisson, et au premier plan ce qui semble être quatre fées : trois d’entre elles sont ailées et dansent, la quatrième joue de la flûte. Connaissant la capacité artistique de sa fille, et sachant qu’elle a travaillé quelque temps dans un studio de photographe, il déclare que les fées ne sont que des découpages de carton. Deux mois plus tard (soit en septembre 1917), les filles empruntent à nouveau son appareil, et reviennent cette fois avec une photo d’Elsie assise sur la pelouse et touchant des doigts un gnome de trente centimètres de haut avec lequel elle semble jouer. Exaspéré par ce qu’il ne croit être « rien d’autre qu’une farce », et convaincu que les filles doivent avoir trafiqué son appareil photographique d’une certaine manière, Arthur Wright refuse de le prêter à nouveau jusqu’à ce qu’elles avouent la vérité. Son épouse, Polly, estime cependant que les photographies sont authentiques.
Le 9 novembre 1918, Frances envoie une lettre à Johanna Parvin, l’une de ses amies résidant au Cap, en Afrique du Sud, où elle a vécu la majeure partie de son enfance.
Avec cette lettre qui fait part de la photographie d’une fée comme d’une chose tout à fait normale de la part d’une écolière de dix ans, Frances joint la fameuse photo d’elle en compagnie des fées. Au dos, elle écrit « C’est drôle, je n’en avais jamais utilisé [d’appareil photographique] pour les voir en Afrique. Il fait trop chaud pour elles là-bas ».
Les photographies restent d’abord dans le cercle familial, puis des imprimés sont distribués aux amis et aux voisins de la famille Wright, et à ceux des deux filles vers l’automne 1918.
Présentation à la société théosophique
Polly Wright s’intéresse à l’occultisme pour avoir elle-même connu des expériences de projection astrale et posséder des souvenirs de ses vies antérieures. Elle assiste à une réunion de la société théosophique à Bradford durant l’été 1919. La conférence de ce soir-là porte sur le petit peuple. Polly ne peut s’empêcher de parler de la photographie de fée prises par sa fille à la personne assise à côté d’elle durant la soirée, et vers la fin de la réunion, les deux photographies de sa fille et sa nièce arrivent sous les yeux de l’orateur. Par voie de conséquence, Arthur Wright en fait des imprimés, puis elles sont rendues publiques et deux « tirages bruts » sont présentés à la conférence annuelle de la Société à Harrogate, qui se tient à l’automne, quelques mois plus tard. Par là, elles attirent l’attention d’un membre éminent de la Société, le responsable de la Blavatsky Lodge (branche théosophique londonienne), Edward L. Gardner, au début de l’année 1920.
Intervention d’Edward L. Gardner
Edward L. Gardner d’après la photographie du frontispice de l’édition américaine de The Coming of the Fairies, 1922.
D’après Katharine Mary Briggs, Edward Gardner venait d’évoquer la possibilité de photographier les esprits. Par ailleurs, il voit dans les fées une branche d’évolution dérivant des insectes ailés. Selon une autre source, c’est M. Griffiths, lui-même théosophe pratiquant, qui envoie les clichés. Les photographies arrivent quoi qu’il en soit chez Gardner, à Londres. Il en reconnaît l’importance potentielle pour son mouvement. L’une des croyances centrales de la théosophie réside dans le fait que l’humanité tend, au fil de cycles d’évolution, à approcher de la « perfection » :
Déclaration d’Edward Gardner :
«… le fait que deux jeunes filles aient non seulement été en mesure de voir des fées, ce que d’autres avaient fait, mais en plus aient pour la première fois été en mesure de les matérialiser à une densité suffisante pour que leurs images soient enregistrées sur une plaque photographique, signifie qu’il est possible que le prochain cycle d’évolution soit en cours. »
Edward L. Gardner commence une correspondance avec la famille des deux jeunes filles, et celles-ci lui paraissent « si innocentes » qu’il demande les négatifs d’origine sur plaque de verre à Arthur Wright, lesquels lui parviennent quelques jours plus tard. Il est familier des trucages photographiques, les examine et n’y décèle aucun signe de supercherie.
Les deux photographies sont alors considérées comme une preuve affirmant la véracité des concepts promulgués par la société théosophique. L’époque est favorable à l’exposition de clichés montrant des esprits et des fantômes, bien que la plupart se révélèrent plus tard être des doubles expositions de plaques photographiques (une personne récemment décédée peut alors sembler apparaître de façon « fantomatique » sur l’image développée, mais il s’agit en fait de deux images superposées). Ce fait était encore peu connu à l’époque, et l’opinion populaire veut que les appareils photographiques soient capables de révéler la présence des esprits. Ce n’est que bien plus tard, avec les progrès de la photographie, que la prise de ce type d’images et l’intérêt du public pour le phénomène ont largement diminué.
Première expertise
L’analyse des clichés originaux tarde à venir, puis Gardner envoie les copies des négatifs à Harold Snelling, un expert en photographie qui se dit fort de trente ans d’expérience, et spécialisé dans les « trucages parapsychiques ». Snelling les examine longuement et conclut dans une lettre du 31 juillet 1920 que « les deux négatifs sont tout à fait authentiques, et les photographies ne sont pas truquées […] [elles ne présentent] aucune trace de travail en studio impliquant des modèles en carton ou en papier ». Il ne va toutefois pas jusqu’à dire que les photographies montrent des fées, indiquant seulement que « ces photographies montrent avant tout ce qui était en face de l’appareil au moment où elles ont été prises ». Par contre, il pense qu’il n’y a eu qu’une seule prise de vue et que toutes les fées ont bougé pendant celle-ci, qui était instantanée. Il effectue des agrandissements et rend un verdict définitif une semaine plus tard, déclarant les photographies authentiques.
Gardner est désormais détenteur d’impressions des photographies « clarifiées » par Snelling, de nouveaux négatifs plus propices à l’impression, et de plaques pour lanterne magique. En effet, le photographe corrige la première plaque, bien trop surexposée. Ce détail n’est révélé que soixante-trois ans plus tard, et c’est la photo retouchée qui devient célèbre. Snelling fournit les tirages photographiques qui sont disponibles à la vente après les conférences, ces derniers sont utilisés dans le cadre des conférences que Gardner donne à travers le Royaume-Uni, par exemple à Mortimer Hall en mai 1920 à Londres, avec, d’après lui, un grand succès en raison de l’histoire des photographies. Une semaine plus tard, il reçoit une lettre de Sir Arthur Conan Doyle.
Intervention de Sir Arthur Conan Doyle
L’écrivain écossais et éminent spiritualiste Sir Arthur Conan Doyle apprend l’existence des photographies par M. Gow, l’éditeur de la publication spiritualiste Light, à qui il venait demander des renseignements sur les fées en mai 1920. Ce dernier le renvoie vers Miss Felicia Scatcherd, qui lui confie à son tour l’adresse de la sœur d’Edward Gardner, une occultiste. Conan Doyle apprend que le membre éminent et militant de la société théosophique a rencontré deux fillettes du Yorkshire, qui disent entrer en contact avec les êtres féeriques durant leurs promenades forestières, il se fait aussi rapporter que leurs parents ne les prennent pas au sérieux.
Plusieurs raisons expliquent que l’auteur de Sherlock Holmes s’intéresse de si près à cette affaire : depuis la mort de son fils (blessé lors de l’offensive de la Somme et victime de la grippe espagnole), il se passionne pour la psychographie (écriture d’un médium influencé par un esprit ou impression de visages de défunts sur des photographies), dans le but de recevoir un message de lui. Il devient par la suite vice-président de la Society for Study of Supernormal Pictures (SSSP), créée à Londres en 1919. Par ailleurs, il s’est passionné très tôt pour le mesmérisme, l’hypnose et la télépathie. Initié au spiritisme, il s’oppose particulièrement au matérialisme qu’il juge indéfendable d’un point de vue scientifique. Il a de qui tenir pour ce qui est de la croyance aux fées : son oncle, Richard Doyle, est un illustrateur de l’époque victorienne spécialisé dans les représentations du petit peuple tandis que son père, Charles Doyle, lui aussi dessinateur (entre autres) de fées, affirmait en voir dans ses dernières années, alors qu’il avait sombré dans l’alcoolisme et la folie.
The Strand Magazine venait de lui demander d’écrire un article sur les fées pour son numéro de Noël, et les photographies prises par les deux jeunes filles « lui sont apparues comme une aubaine » selon l’historien Magnús Magnússon. En juin 1920, il écrit à Miss Blomfield, cousine de Gardner, qui a étudié les photos de près. Elle n’y voit « rien qui indique une escroquerie ou un canular ». Il reçoit au même moment la lettre de Miss May Bowley, qui s’est livrée à un examen à la loupe des dites photographies et abonde dans le même sens, disant que l’apparence « plate » et trop claire des fées est due au fait qu’elles ne projettent pas d’ombre. Conan Doyle reçoit une copie des photos, et contacte Edward L. Gardner dans le but d’en apprendre davantage sur leur origine. Au début, et contrairement à l’opinion communément répandue, Conan Doyle s’est bien renseigné sur l’authenticité des photos.
Contact entre Conan Doyle et Edward L. Gardner
Gardner répond dans une lettre du 25 juin que les deux filles se montrent très timides et réservées, sont issues d’une famille d’ouvriers et joueraient avec les fées et les elfes dans la forêt depuis leur plus tendre enfance. Les deux hommes conviennent d’en apprendre plus sur ces photos qui « leur paraissent un peu trop belles pour être vraies », Gardner encourageant Conan Doyle à faire la lumière sur cette affaire aussi vite que possible car « deux enfants possédant ces dons sont rares, très rares » et si l’une d’elles tombe amoureuse, c’en sera probablement fini de son pouvoir. Il confie également à Conan Doyle le résultat de deux expertises préliminaires effectuées sur les photographies dont une par un spécialiste des photographies spirites : les deux concluent à leur authenticité.
Conforté par ces témoignages favorables, Conan Doyle demande à Gardner de mener une « enquête impartiale » sur l’authenticité des clichés. Les deux hommes se rencontrent à Londres afin de mettre en place leurs investigations. Conan Doyle décrit Gardner comme un homme « tranquille, équilibré, réservé, ni excentrique ni illuminé » (l’auteur de Cottingley: At Last the Truth et The case of the Cottingley fairies, Joe Cooper, le décrit comme solennel et portant souvent un nœud papillon). Il le charge de se mettre en contact avec les deux jeunes filles tandis que lui-même livre le résultat de ses investigations sur le papier.
Lettre de Sir Arthur Conan Doyle à Elsie Wright, 30 juin :
« Chère Mademoiselle Elsie Wright
J’ai vu les magnifiques photos de fées que vous et votre cousine Frances avez prises, et je n’ai pas été intéressé à ce point depuis longtemps. Je vous enverrai demain l’un de mes petits livres car je suis sûr que vous n’êtes pas trop vieilles pour vivre des aventures. Je vais bientôt en Australie, mais je voudrais pouvoir passer une demi-heure à Bradford avant de partir et vous parler, afin d’entendre tout cela.
Avec mes meilleurs vœux.
Cordialement
Signature de Conan Doyle »
Contre-expertises photographiques
Après le résultat favorable de la première expertise photographique par Harold Snelling, Gardner et Conan Doyle demandent une contre-expertise par la société Kodak, et sont reçus par M. West, responsable du laboratoire de Kingsway. Plusieurs techniciens de l’entreprise examinent les tirages, et bien qu’ils conviennent tout comme Snelling que les images « ne montrent aucun signe de trucage », ils concluent que « ces clichés ne peuvent être pris comme une preuve concluante… qu’ils sont d’authentiques photographies de fées ». Kodak refuse de délivrer un certificat d’authenticité. Gardner croit que les techniciens de Kodak n’ont pas examiné les photographies en toute objectivité, observant que l’un d’eux avait déclaré qu’« après tout, puisque les fées n’existent pas, les photos doivent avoir été truquées de quelque façon ». Les tirages sont également examinés par une autre société photographique, Ilford, qui déclare sans équivoque qu’elles sont « de toute évidence truquées ». Gardner et Conan Doyle, peut-être par optimisme, interprètent les résultats de ces trois évaluations par des experts comme deux en faveur de l’authenticité des photographies, et une contre. La plupart des experts s’accordent toutefois pour dire qu’il n’y a pas eu de double exposition des plaques, ce qui semble exclure la possibilité d’un trucage.
Conan Doyle rapporte que les photographies ont été prises grâce à un Midg « quarter-plate », sur des plaques Imperial Rapid. La première date de juillet 1917, un jour particulièrement chaud et ensoleillé, vers 3 heures de l’après-midi, et est prise à une distance de 4 pieds (environ 1,20 mètre). La seconde, datée de septembre 1917, a pour cadre un jour ensoleillé également (mais pas autant que le précédent), à 4 heures de l’après-midi, à une distance de huit pieds (environ 2,40 mètres). Frances et Elsie lui ont confié d’autres détails sur le petit peuple qui apparaît dans les photos : les couleurs des fées sont un mélange de mauve, de rose et de vert, bien plus apparent au niveau des ailes que sur le reste de leur corps. Le gnome aurait porté des collants noirs, un jersey dans les tons marron-rouge, et un chapeau rouge pointu.
De son côté, l’écrivain écossais obtient d’autres d’avis sur les clichés, dont celui du physicien Sir Oliver Lodge, qui les déclare truqués en suggérant qu’une troupe de danseurs masqués comme des fées a été prise en photo et sur-impressionnée sur un paysage rural. Quelques amis spiritualistes de l’écrivain s’étonnent que des êtres d’autres plans se matérialisent et pensent que l’existence des photographies « complique le débat parapsychique ». M. Lancaster, un clairvoyant ami de Conan Doyle qui affirme avoir vu plusieurs fois des fées, exprime ses doutes quant à leur « coiffure distinctement parisienne » sur la photographie.
Fred Barlow, un grand spécialiste des photographies spiritualistes, déclare tout d’abord en juin 1920 « être enclin à penser, en l’absence d’indications plus détaillées, que la photographie montrant les quatre fées dansantes n’est pas ce qu’elle prétend être ». Toutefois, suite à la publication de l’article de Conan Doyle, son attitude change radicalement, et il présente les trois photographies comme « les plus merveilleuses et intéressantes qu’il n’a jamais vues ».
Les photographies de 1920
Gardner croit la famille Wright honnête et respectable. Pour placer la question de l’authenticité des photographies « hors de doute », il retourne à Cottingley fin juillet avec deux appareils photographiques Cameo et 24 plaques photographiques secrètement marquées. Frances est invitée à rester avec la famille Wright pendant les vacances scolaires d’été, et vient en train depuis Scarborough afin de prendre plus de photos avec Elsie. Elle est alors à un mois de son 14e anniversaire, et titulaire d’une bourse d’étude. Elsie, en revanche, a quitté l’école dès l’âge de 13 ans. Gardner décrit la méthode qu’il emploie avec les deux adolescentes dans son ouvrage de 1945 : Fairies: A Book of Real Fairies :
Photographie de Frances Griffiths prise en 1920.
« Je suis parti à Cottingley de nouveau, emportant les deux appareils photographiques et les plaques de Londres, j’ai rencontré la famille et expliqué aux deux filles le fonctionnement simple des appareils, avant d’en confier un à chacune. Les appareils ont été chargés, et mon dernier conseil a été qu’elles ne devaient aller dans la vallée que les beaux jours, comme elles avaient pris l’habitude de le faire auparavant, et d’y taquiner les fées, comme elles appelaient leur façon de les attirer, puis de voir ce qu’elles pourraient obtenir. Je ne leur ai donné que les conseils les plus simples et les plus évidents au sujet de l’éclairage et de la distance, car je savais qu’il était essentiel qu’elles se sentent libres et sans entraves, sans trop de responsabilités. Même si rien ne sortait de tout cela, leur ai-je dit, elles n’avaient pas à s’en faire le moins du monde. »
Il compte sur le fait que les deux filles soient ensemble pour que « la réunion de leurs auras produise un effet plus puissant ». Le 3 août 1920, Arthur Conan Doyle renvoie une autre lettre à Arthur Wright, dans laquelle il révèle que son article pour le Strand Magazine est achevé et illustré de deux estampes issues des photographies de 1917. Il voit Gardner le même jour et exprime à nouveau le souhait de recevoir de nouvelles photographies de fées lorsqu’il sera parti en Australie pour une tournée de conférences. Il demande à la famille d’être très prudente, de ne rien révéler des clichés, et promet de les protéger si la presse s’empare de l’affaire. Puis il part à l’autre bout du monde une semaine plus tard, quittant du même coup Gardner qui affronte ensuite seul les réactions du public face à la publication des clichés.
Prises
Les deux jeunes filles n’ayant pris aucun cliché entre 1917 et août 1920, les parapsychologues supposent que leur don a disparu avec la puberté, et Conan Doyle s’inquiète de cette probabilité. Après la visite de Gardner, il pleut pendant deux semaines et jusqu’au 19 août, le temps est impropre à la photographie. Frances et Elsie insistent en disant que les fées ne se montrent pas si d’autres les regardent, et la mère d’Elsie rend alors visite à sa sœur pour le thé, laissant les filles seules. En son absence, elles prennent plusieurs photos, dont deux semblent montrer des fées. Dans la première, Frances et la fée bondissante, Frances est représentée de profil avec une fée près de son nez. La deuxième, La fée offrant un bouquet de campanules à Elsie, montre une fée en vol stationnaire ou sur la pointe des pieds se tenant sur une branche, et offrant une fleur à Elsie.
« La fée se tient debout, presque immobile, en équilibre sur les feuilles du buisson. Les ailes sont proches du jaune, et la partie supérieure de la robe est rose très pâle » Sir Arthur Conan Doyle, The Coming of the Fairies.
Deux jours plus tard, les filles prennent une dernière photo : Les Fées et leur bain de soleil. Ces événements sont connus grâce à plusieurs lettres que Polly Wright envoie à Gardner.
Lettres de Polly Wright à Edward L. Gardner :
« La matinée était sombre et brumeuse, de sorte qu’elles n’ont pas pris de photos avant le dîner, quand la brume s’est dissipée et le soleil a brillé. Je suis allée voir ma sœur pour le thé, et je les ai laissées seules. Quand je suis rentrée, elles avaient seulement réussi deux photos avec des fées, j’ai été déçue. […] Elles y sont retournées samedi après-midi et ont pris plusieurs photos mais il n’y en avait qu’une seule montrant quelque chose, et c’est si étrange que nous ne pouvons y croire. Elsie s’occupe des plaques en ce moment et Arthur les a développées le lendemain.
PS : Elle n’en a pas pris une en train de voler, après tout. »
Les négatifs sont développés par Harold Snelling. Cette fois, deux clichés mettent en scène l’une ou l’autre des adolescentes et deux fées aux ailes figées. Le troisième montre un petit groupe de personnages féeriques dont les ailes semblent réagir au vent ou se mouvoir. Polly et Arthur Wright n’ont pas le même point de vue sur l’affaire. Si Polly reconnaît l’existence du petit peuple sans équivoque, ainsi que le prouvent ses lettres, son mari Arthur reste perplexe et a du mal à croire que Conan Doyle, qu’il tenait jusque là en grande estime, ait pu être trompé par sa fille. C’est lui qui emballe soigneusement les plaques dans du coton et les retourne à Gardner, qui envoie depuis Londres un télégramme « extatique » à Conan Doyle le 6 septembre 1920, alors que ce dernier séjourne à Melbourne. Conan Doyle répond :
Réponse de Conan Doyle au télégramme d’Edward L. Gardner :
« Mon cœur s’est réjoui lorsque, ici en Australie, j’ai pris connaissance de votre note et de la publication des trois magnifiques photos qui confirment les résultats que nous avons publiés. Quand la réalité de nos fées sera admise, les autres phénomènes psychiques trouveront une meilleure acceptation… Nous avons reçu des messages de façon continue, lors de séances pendant un certain temps, nous indiquant qu’un signe visible allait se manifester. »
Gardner prend soin de vérifier que les plaques qu’il reçoit sont bien celles qu’il avait données aux deux filles.
Publication et réactions
L’article de Conan Doyle est livré en novembre 1920 puis publié dans le numéro du Strand Magazine de décembre, il contient deux tirages de plus haute résolution que les photographies originales de 1917. De très nombreux exemplaires se vendent en quelques jours de publication. Pour protéger l’anonymat des filles, Frances et Elsie ont été renommées respectivement Alice et Iris, tandis que la famille Wright porte le nom de « Carpenters ». Un spiritualiste enthousiaste et engagé, Conan Doyle espère que, si les photographies parviennent à convaincre le public de l’existence des fées, celui-ci pourra accepter plus facilement la réalité d’autres phénomènes psychiques. Il termine son article par ces mots :
« La reconnaissance de leur existence va bousculer l’esprit matérialiste du XXe siècle hors de ses ornières boueuses et lui fera admettre qu’il y a du charme et du mystère dans la vie. Ayant découvert cela, le monde ne trouvera pas si difficile d’accepter le message spirituel, étayé par des preuves matérielles, qui lui a déjà été présenté. »
L’article reçoit un accueil mitigé, généralement un mélange « d’embarras et de perplexité », et si la plupart des lecteurs pensent qu’il s’agit d’un canular, les fées de Cottingley divisent et sont source de controverses et de disputes. L’opinion est partagée entre l’admiration pour les réalisateurs du trucage, la stupéfaction, l’hilarité et la colère.
Plusieurs journalistes de la région du Yorkshire mènent des enquêtes afin de retrouver les deux jeunes filles et d’en savoir plus. Bon nombre de ces personnes sont impressionnées par l’apparente sincérité des deux filles. L’une d’elles, pour la Westminster Gazette, brise l’anonymat de Frances et Elsie et conclut que Polly et Arthur Wright sont honnêtes, et que l’affaire reste « inexpliquée ». D’après Joe Cooper, cela n’amène pas grand chose de nouveau à l’affaire en comparaison avec l’article de Conan Doyle, Fairies Photographed : An Epoch-making Event, et sans les trois nouvelles photographies de l’été 1920, il estime que l’affaire se serait probablement tassée. Elsie déclare que les fées qu’elle voit en 1920 sont plus éthérées qu’en 1917, ce que Conan Doyle interprète comme une preuve que certaines formes de médiumnité sont propres à l’enfance.
M. John A. Wade, dans le London evening News du 8 décembre 1920, apporte de nouvelles pistes de réflexion concernant le petit peuple à travers de nombreux témoignages de personnes affirmant « jouer avec des elfes » ou « danser avec des fées » dans la région du Yorkshire, entre autres vers Skipton. L’une d’elles était convaincue sur le coup de rêver ou d’être victime d’une hallucination, puis a accepté sa vision comme bien réelle. Il conclut son article par la question de savoir « s’il y a vraiment des fées dans le Yorkshire ».
Réaction des sceptiques
Conan Doyle devient la cible de nombreuses critiques et une opinion fréquemment partagée est qu’il a été abusé par une supercherie. L’historien, romancier et poète Maurice Henry Hewlett publie une série d’articles en ce sens dans la revue littéraire John O’ London’s Weekly, où il conclut : « Connaissant les enfants, je pense que mademoiselle Carpenters s’est moquée de Sir Arthur Conan Doyle. Traduction littérale : “ Connaissant les enfants, et sachant que Sir Arthur Conan Doyle a des jambes, je conclus que Miss Carpenters a tiré l’une d’entre elles ˮ (jeu de mots avec “ pulling one’s leg ˮ, c’est-à-dire “ se moquer de quelqu’un ˮ). »
Maurice Henry Hewlett, auteur d’une série d’articles critiques sur les fées de Cottingley.
Il demande aussi si « le truquage d’une photographie est plus difficile à admettre que l’existence objective de petits êtres ailés de quarante-cinq centimètres ». Le journal de Sydney, Truth, exprime une opinion similaire le 5 janvier 1921, et demande aux deux jeunes filles de révéler le « truc » : « Pour obtenir la véritable explication de ces photographies de fées, il n’est pas nécessaire d’avoir des connaissances en phénomènes occultes, mais plutôt de bien connaître les enfants. »
L’un des critiques les plus virulents se révèle être le major John Hall-Edwards, un passionné de la photographie et un pionnier du traitement de radiologie médicale en Grande-Bretagne, qui écrit dans le Birmingham Weekly Post : « À l’évidence, je n’hésite aucunement à dire que ces photos pourraient avoir été « truquées ». Je critique l’attitude de ceux qui ont déclaré qu’il y a quelque chose de surnaturel dans les circonstances qui entourent la prise de ces photos, car en tant que médecin, je crois qu’imprégner l’esprit des enfants de ces idées absurdes se traduira plus tard par des troubles nerveux et des troubles mentaux. »
Il évoque plusieurs possibilités de truquages, en commençant par s’appuyer sur la description d’Elsie par sa mère comme une enfant imaginative, artiste et familière des promenades en pleine nature, puis en parlant de découpes de carton, des progrès du cinéma, ou d’une rephotographie.
De manière générale, les sceptiques à l’égard des clichés notent que « les fées ressemblent étonnamment aux personnages traditionnels des contes de nourrice », mais aussi qu’elles arborent des « coiffures à la mode », et que les photographies sont particulièrement nettes, comme si des améliorations avaient été effectuées par un expert. Les experts photographiques concluent qu’ils pourraient produire le même type d’image en studio avec des découpages en carton, et une explication donnée pour la première photo est que Frances est debout derrière une table recouverte de verdure et de mousse, sur laquelle sont posées des fées en carton.
Réactions de sympathie
Certains journaux, comme l’Evening News et la Westminster Gazette, apportent leur soutien à Conan Doyle. Des personnalités publiques aussi. Margaret McMillan, la réformatrice éducative et sociale, écrit : « Quelle merveille que de voir ces chers enfants à qui un merveilleux cadeau a été donné. »
Le romancier Henry De Vere Stacpoole prend les photographies des fées au côté des filles sans les mettre en doute. Dans une lettre à Gardner, il écrit : « Regardez le visage d’Alice [Frances]. Regardez le visage de Iris [Elsie]. Il y a une chose extraordinaire appelée VÉRITÉ, qui a 10 millions de visages et de formes. Elle est la monnaie de Dieu et le plus habile faussaire ne peut pas l’imiter. »
Réfutation des objections
Conan Doyle et Edward Gardner prennent soin de répondre aux sceptiques, mais ignorent les questions qui leur sont posées sur la vitesse d’obturation, la définition des photos ou encore les coiffures et les vêtements des fées, arguant entre autres que deux jeunes filles issues d’un milieu ouvrier sont incapables de supercherie. Dans le Yorkshire Weekly Post, Conan Doyle déclare que « si l’on considère que ce sont les premières photos que ces enfants ont faites de toute leur vie, il est inconcevable qu’elles aient été capables d’artifices techniques susceptibles de tromper des experts ». D’après les enquêteurs et les zététiciens, ce qui leur importe est la propagation de la doctrine théosophique et de la doctrine spiritualiste, grâce aux clichés qui leur apparaissent comme une preuve claire de l’existence du petit peuple.
Comme plusieurs théosophes, Gardner a effectué de longues recherches concernant le folklore féerique et entendu de multiples témoignages relatant des observations d’êtres fabuleux. Les zététiciens observent que les réactions des sceptiques n’ont jamais eu sur lui le moindre impact. Conan Doyle réfute lui aussi les objections des photographes les uns après les autres, imputant les incohérences ou l’absence des ombres portées par les fées à la « faible luminosité » qui émane de leurs corps éthérés. Dans The Coming of the Fairies, il apporte de nombreux arguments, notamment le nombre élevé de rapports d’observations de fées, le fait que le gnome de Cottingley ressemble à une créature islandaise similaire, et que son ami William Riley cite le Haut-Airedale et le Wharfedale comme des lieux où sont consignées des observations de pixies. Il voit dans les elfes une espèce intermédiaire entre l’être humain et le papillon, tandis que le gnome tiendrait davantage du papillon de nuit. D’après lui, il sera difficile, suite à cette affaire, de conclure à l’impossibilité que le petit peuple puisse exister : ces derniers sont peut-être aussi nombreux que la race humaine, et pourraient vivre à la surface de la terre en étant séparés par une différence vibratoire, puisque les humains sont limités par leurs perceptions. Il affirme qu’il est scientifiquement admis que certaines personnes perçoivent des choses que d’autres ne perçoivent pas : c’est le principe de la clairvoyance et de la médiumnité. Il se demande si les silhouettes féeriques sont des ectoplasmes produits par l’imagination des fillettes, et envisage déjà l’étude future du petit peuple grâce à de nouveaux moyens techniques permettant de les voir, et qui les rendront bientôt « aussi réels que les eskimos ». Par là-même, Conan Doyle affirme que le petit peuple possède une réalité physique, et non pas qu’il serait composé d’esprits intangibles.
Il désire fournir des preuves irréfutables, et acquiert du matériel photographique de pointe pour obtenir des clichés de meilleure qualité. Conan Doyle utilise les photos de 1920 pour illustrer un second article dans The Strand Magazine en mars 1921 (il a pris soin de payer les nouvelles photographies aux jeunes filles pour £ 20, ce qui représente une petite somme à l’époque). Il décrit d’autres comptes-rendus d’observations de fées dans cet article.
La position de Conan Doyle dans cette affaire a fait l’objet d’un débat entre l’historien sceptique Paul-Éric Blanrue qui relate les faits précédemment cités, et le défenseur de la parapsychologie Yves Lignon, sur le cercle zététique. Le premier estime que Conan Doyle a gravement manqué d’esprit critique dans cette affaire, tandis que le second affirme que l’auteur de Sherlock Holmes n’a pas tant pris parti dans la polémique. Toutefois, l’ouvrage de 1922 The Coming of the Fairies révèle très clairement la position de l’écrivain, qui « considère, après avoir examiné toutes les causes d’erreur possibles, que le dossier est recevable », que « toutes les objections possibles et imaginables ont été formulées et réfutées » et que « tous les doutes quant à l’honnêteté de l’entreprise furent balayés ; il était clair que ces photos, et surtout celles des fées dans le buisson, étaient impossibles à truquer ». Si Conan Doyle a bien rapporté la plupart des critiques qui lui ont été adressées dans son ouvrage, il n’en a jamais tenu compte selon Paul-Éric Blanrue qui conclut que « le seul et vrai reproche qu’on est en droit de lui adresser n’est pas de s’être intéressé aux fées : il est de n’avoir pas su mener une enquête avec la méthode que celle-ci requérait ».
Dernière visite à Cottingley et tassement de l’affaire
Gardner effectue une dernière visite de Cottingley en août 1921. Il apporte à nouveau des appareils de qualité (un stéréoscopique et une caméra) et des plaques photographiques à Frances et Elsie, mais est accompagné cette fois par le médium clairvoyant Geoffrey Hodson, un spécialiste des fées et des gnomes recommandé par Sir Arthur Conan Doyle, qui devait publier à ce sujet. Hodson voit dans les fées des esprits de la nature dévolus aux soins et à la croissance des plantes. Bien qu’aucune photo supplémentaire ne soit prise, au contraire, « il [Hodson] les a vues [les fées] partout » et relate ses observations grâce à de nombreuses notes de terrain décrivant avec précision les gnomes, nymphes des eaux, elfes des bois, fées aquatiques, brownies et autres gobelins qui croisent son chemin, leur apparence et leurs activités, et publiant les résultats dans son ouvrage Fairies at Work and Play. Il déclare aussi : « Je suis personnellement convaincu de la bonne foi des deux filles qui ont pris ces photos. J’ai passé quelques semaines avec elles et leur famille, et je suis assuré de l’authenticité de leur clairvoyance, de la présence de fées, exactement comme celles photographiées dans le vallon de Cottingley, et de l’honnêteté complète de toutes les parties concernées. ». Il ajoute que les deux filles sont clairvoyantes et que Frances est une médium capable de rendre visible le peu d’ectoplasme qui s’échappe du corps des fées. Toutefois, Elsie et Frances expliquent qu’elles n’ont plus le cœur assez pur pour que les fées les honorent de leur compagnie du fait de la puberté. Pour ne rien arranger, il pleut presque tout l’été alors que, selon les deux filles, les fées n’apparaissent qu’au soleil.
L’opinion populaire voudrait que Cottingley soit un village isolé, puisque la plupart des observations du petit peuple ont lieu loin de toute zone habitée. Ce n’est pas le cas : le village est situé tout près de Bradford. Toutefois, la rivière Beck est bordée de chênes, de frênes, d’arbustes épineux et de pierres traditionnellement associés aux activités surnaturelles et aux observations de fées. La zone où Frances et Elsie rapportent avoir vu les fées est soigneusement marquée, et comprend un réservoir d’eau ainsi qu’un pont médiéval.
Les deux filles semblent lassées de ce tapage autour des fées. Des années plus tard, Elsie regarde une photo de Frances et d’elle-même prise avec Hodson, et dit : « Regarde ça, marre des fées ! » Frances et Elsie ont avoué plus tard qu’elles avaient « joué le jeu » avec Hodson, « ont fait des bêtises » et ne le prenaient pas au sérieux.
Conforté par les dires du médium Geoffrey L. Hodson, Conan Doyle réutilise ses articles pour former la base de son livre publié en 1922 : The Coming of the Fairies. Comme auparavant, les photographies reçoivent un accueil mitigé, mais pire, l’ouvrage « le couvre de ridicule » au point que les spiritualistes et des amis comme J.M. Barrie se détournent de lui. Ce soutien inconditionnel à l’affaire venant de la part du créateur du personnage le plus froidement logique de la littérature anglaise (Sherlock Holmes) contribue à discréditer Conan Doyle, et à lui donner une réputation de « vieil homme crédule ». Des poèmes et des caricatures se mettent à circuler bien qu’il ne soit pas, et de loin, le seul à croire à la réalité physique des esprits élémentaires à son époque :
« Si vous, Sir Conan Doyle, croyez aux fées,
Dois-je croire en monsieur Sherlock Holmes ?
Si vous croyez que l’air autour de nous
est plein d’elfes, de petits hommes et de gnomes,
alors, dois-je croire aussi au docteur Watson,
dans les bandes tachetées et ce genre de choses ? Oh non, mon chapeau !
Bien que tous les t soient barrés et les i aient leurs points dessus,
je ne peux tout simplement pas le faire, Sir Conan. C’est ainsi ! »
De la même manière, Gilbert Chesterton dit qu’« [il] y a longtemps que la mentalité de sir Arthur est bien plus proche de celle de Watson que celle de Holmes ».
Il aura tout de même apporté « une énorme publicité » à lui seul, défendant leur réalité jusqu’à sa mort (en 1930) bien qu’il ne se soit jamais rendu sur le site de Cottingley, et à tel point que « nulle part au monde les fées n’auront été aussi populaires qu’à Cottingley au début du XXe siècle ».
L’affaire en reste là pour longtemps.
Elsie Wright en 1920, assise sur le buisson où la première photographie des fées de Cottingley a été prise.
yogaesoteric
6 décembre 2017