L’être humain possède un 6ème sens magnétique (2)
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magnétite
Cette magnétite pourrait-elle constituer la clé du sens magnétique chez les animaux ? Pour le savoir, les chercheurs se sont lancés dans la traque de ce précieux minéral, au cœur de nombreuses cellules, organes et espèces… Un travail laborieux, mais payant : cette boussole moléculaire a été identifiée chez plusieurs animaux, dans des cellules de la muqueuse olfactive de la truite, dans la partie supérieure de becs de pigeons et… dans le cerveau humain ! De quoi donner forme à une première hypothèse d’un mécanisme susceptible d’être à l’œuvre en les êtres humains : chaque mouvement de la tête entrainerait celui de la magnétite toujours orientée dans l’axe nord-sud – par rapport aux cellules qui la contiennent. Ces mouvements provoqueraient mécaniquement l’ouverture de canaux dans la membrane des cellules, ce qui permettrait l’envoi de messages chimiques à des cellules nerveuses en contact direct avec elles.
Mais cela n’a encore jamais été démontré chez l’homme. Et, pour de nombreux chercheurs, la magnétite pourrait n’être, dans l’espèce humaine, qu’un simple déchet cellulaire…
Un deuxième récepteur dans la rétine
La découverte d’un deuxième mécanisme va cependant finir de les convaincre. Ce mécanisme est pour la première fois envisagé à la fin des années 1990 avec la découverte du cryptochrome, une molécule sensible à la lumière, présente chez les plantes et dans la rétine de nombreux animaux, dont l’homme.
En réagissant à la lumière, cette molécule produit des radicaux libres, des particules chargées électriquement et dont la position des électrons les uns par rapport aux autres influence les réactions chimiques qui se produisent dans la rétine. Or, la position de ces électrons dépend elle-même de la direction du champ magnétique ! Des modifications de ce dernier pourraient donc se traduire par des variations d’activité dans la rétine. De quoi imaginer une seconde forme de magnétoréception, qui passerait par exemple par l’apparition de différentes taches, plus ou moins lumineuses, à l’intérieur du champ visuel, selon l’orientation du regard par rapport aux lignes de champ magnétique.
Cette hypothèse est renforcée par de nombreuses observations, à commencer par une étude de 1993 montrant que les rouges-gorges sont capables de s’orienter par rapport au champ magnétique uniquement sous des lumières bleues et vertes, auxquelles le cryptochrome est spécifiquement sensible. D’autres résultats tendant à impliquer ce mécanisme ont été retrouvés chez de nombreuses espèces, comme la mouche du vinaigre ou l’arabette des dames, célèbre plante de laboratoires. L’une de ces espèces est Homo sapiens… et la démonstration est à la hauteur des réticences de la communauté scientifique sur le sujet !
Quel impact sur l’organisme humain ?
En 2011, l’équipe de Thorsten Ritz, de l’université de California, à Irvine (Etats-Unis), a ainsi créé des mouches mutantes, dénuées de cryptochrome, et donc incapables de s’orienter par rapport à un champ magnétique. Or, après que le gène du cryptochrome humain leur fut transféré, ces mouches ont retrouvé leur sens magnétique. Preuve que le cryptochrome humain est, lui aussi, capable de détecter le champ magnétique !
Une découverte qui renforce les conclusions des études menées par Franz Thoss dans les années 2000. Ce chercheur allemand a montré, en soumettant plusieurs personnes à un test de détection de stimuli lumineux d’intensités croissantes, que l’œil humain détectait plus facilement la lumière quand le regard était dirigé parallèlement aux lignes de champ magnétique. La différence de sensibilité était suffisamment faible pour expliquer que, en dehors de tout cadre expérimental, personne ne se soit jamais aperçu de cette incroyable faculté !
Aujourd’hui, les indices sont là, nombreux et solides : l’homme possède tous les outils moléculaires et tous les circuits cellulaires pour capter les champs magnétiques. Quand certaines espèces n’exploitent que la magnétite ou que le cryptochrome, d’autres, comme l’homme, pourraient bénéficier de l’activité de ces deux récepteurs à la fois. Reste à découvrir si cette information est bien prise en compte par le cerveau, et comment celle-ci pourrait, sans que les gens en soient conscients, se répercuter sur le fonctionnement de l’organisme.
Quelques études publiées, mais jamais répliquées, ont évoqué des différences dans l’activité électrique du cerveau ou dans la rapidité des mouvements oculaires de personnes endormies, en fonction de l’orientation dans laquelle ces dernières étaient allongées. Mais des études plus sérieuses, menées sur de grands échantillons de population, manquent encore. Peut-être les découvertes permettront-elles enfin à de tels projets d’être lancés.
Les chercheurs demeurent très sceptiques sur la capacité de l’homme à déduire son orientation du champ magnétique, aucune étude, depuis celle de Baker, n’ayant mis en évidence une telle faculté. « Si cela existe vraiment, je ne m’y fierais pas pour trouver ma direction », s’amuse Thorsten Ritz.
Et ces découvertes sont loin de fournir une explication scientifique aux pratiques des magnétiseurs ou au Feng shui. Mais elles devraient renforcer le débat sur un autre sujet la question des risques sanitaires liés aux ondes électromagnétiques issues des lignes à haute tension.
Lignes à haute tension : des craintes finalement justifiées ?
Si le corps est capable de ressentir le champ magnétique… les ondes électromagnétiques peuvent-elles le perturber ?
Pour les lignes à haute tension, qui produisent des champs assez intenses – contrairement au Wi-Fi, aux portables ou aux antennes-relais, l’hypothèse d’un sens magnétique humain relance la question. Il faut dire que la réponse est loin d’être claire…
Certes, quelques études suggèrent que vivre à proximité de lignes à haute tension pourrait augmenter le risque d’apparition de leucémies infantiles. Le Centre international de recherche sur le cancer les classe comme cancérogènes « possibles ». Parmi leurs arguments : l’absence de mécanisme biologique pouvant expliquer des effets délétères.
En effet, des études ont suggéré, pour expliquer les effets potentiels des ondes électromagnétiques sur la santé humaine, que celles-ci perturberaient le rythme veille/sommeil. Or, le champ magnétique est lui-même impliqué dans la régulation des rythmes biologiques des espèces magnétoréceptrices, comme cela a été démontré, notamment, chez la mouche et la plante. La présence d’un sens magnétique chez l’homme pourrait donc constituer une première piste solide pour enfin faire la lumière sur cette question.
Pourquoi auraient-ils conservé les gens un sens qu’ils ne savent visiblement pas comment employer ?
« Peut-être qu’il y a très longtemps, nos ancêtres s’en servaient pour s’orienter, et que nous avons, depuis, perdu cette capacité », propose Franz Thoss.
Autre hypothèse : malgré la présence dans l’organisme de tous les outils permettant de percevoir le champ magnétique, les humains n’auraient jamais développé les moyens d’intégrer cette information et de l’utiliser pour l’orientation. C’est déjà le cas des plantes, dont le champ magnétique influence la croissance. Si elles ne tirent aucun profit de ce sens magnétique, elles auraient cependant conservé le cryptochrome pour ses autres fonctions essentielles – réception de la lumière et régulation des rythmes biologiques quotidiens. Peut-être la magnétoréception a-t-elle été conservée de la même manière chez l’homme, malgré son inutilité…
L’une des grandes difficultés, pour tirer cette affaire au clair, est que l’influence du champ magnétique terrestre est très faible, donc difficile à démontrer.
« Cela a freiné les avancées », regrette Margaret Ahmad, de l’université Paris-VI. Mais le frein principal est probablement d’ordre psychologique. Ce domaine dans lequel peu d’équipes osent se lancer « porte encore les stigmates d’une imagerie populaire associée aux mages et aux magnétiseurs », explique Hervé Cadiou, qui reconnait que « beaucoup d’études non rigoureuses ont été menées sur ce sujet dans le passé, et ont fait beaucoup de tort à la recherche ».
Grâce à l’entêtement de quelques chercheurs, un impressionnant chemin a quand même été parcouru. Il y a cinquante ans, le sens magnétique n’était qu’un fantasme.
Or, on admet aujourd’hui que ce phénomène, qui a longtemps relevé du domaine de l’étrange, irrigue presque toutes les branches de l’arbre de la vie. Et après tout, que la vie soit sensible aux forces qui la bercent, en tous points du globe, depuis son apparition… cela est-il vraiment si étrange ?
yogaesoteric
26 janvier 2019