L’expérience de Milgram, 50 ans après

New Haven, Connecticut, le 4 octobre (Yale Daily News-ProtestInfo) – « L’expérience exige que vous continuiez. Il est absolument indispensable que vous continuiez. Vous n’avez pas le choix, vous devez continuer. » Voilà ce qu’on disait aux participants de l’expérience en psychologie sociale du professeur Stanley Milgram, qui s’intéressait à la soumission à l’autorité. Menée au début des années 1960 à l’Université Yale, l’expérience Milgram reste à ce jour, 50 ans après, l’une des études les plus controversées de l’histoire de la psychologie.

 

L’expérience de Milgram a démontré qu’en situation de stress, les gens sont plus prompts à se soumettre à l’autorité qu’à suivre leur propre conscience. « Cette étude est un jalon dans l’histoire de la psychologie et de Yale », a déclaré le professeur de psychologie Jack Dovidio dans le Yale Daily News. « Elle a eu un profond impact sur la reconnaissance et la perception du pouvoir de la psychologie et, d’une certaine manière, sur l’inquiétude que ce pouvoir suscitait parmi le grand public. »

Soumission à l’autorité, jusqu’où ?

L’objectif de « l’expérience de Milgram », comme on l’appelle aujourd’hui, était d’observer jusqu’à quel point les individus sont prêts à accomplir des actes contraires à leur conscience personnelle lorsqu’ils sont sous les ordres d’une figure d’autorité. Par cette expérience, Stanley Milgram espérait pouvoir expliquer comment les Allemands avaient pu laisser faire les terribles crimes commis pendant l’holocauste, écrit-il dans son livre, « La soumission à l’autorité », publié en anglais en 1974.

Au cours de l’expérience, un scientifique – « l’autorité » – ordonnait à des participants de poser à d’autres personnes une série de questions et d’administrer des chocs électriques dont l’intensité allait croissant à chaque mauvaise réponse. L’intensité des chocs commençait à un niveau de légère douleur, mais au fur et à mesure que l’expérience progressait, les doses d’électricité pouvaient être mortelles. Ce que le participant ignorait, c’est que tout cela n’était qu’une mise en scène: personne ne recevait de décharge électrique et toutes les autres personnes étaient des acteurs. Le véritable objectif de l’étude était d’observer la quantité de douleur que le participant était capable d’infliger en obéissant aux ordres. Stanley Milgram a ainsi démontré que 65% des participants allaient jusqu’à administrer le dernie0p-r choc, qui entraînait la mort.

Les résultats de l’expérience de Milgram, publiés dans le numéro de décembre 1963 du Journal of Abnormal and Social Psychology, ont abasourdi l’opinion publique, rappelle Jack Dovidio.

« A l’époque, la plupart des gens dénigraient la psychologie sous prétexte qu’elle ne nous disait que des choses que nous savions déjà sur la nature humaine », a expliqué le professeur Dovidio. « Cette expérience a montré qu’il y a beaucoup de choses que nous ignorons totalement et qui s’appliquent à la vie quotidienne. »

Jusqu’à tuer ou lâcher une bombe

En 1963, Milgram a déclaré au Yale Daily News que l’expérience, à laquelle 43 étudiants de Yale ont participé, avait conduit plusieurs étudiants « naturellement équilibrés » à présenter des «spasmes, des bégaiements incontrôlés », certains étant « au bord de la dépression. » Au cours du processus, a expliqué Stanley Milgram, ils se sont révélés disposés à obéir à des gens en position d’autorité, suggérant même qu’ils accepteraient de lâcher une bombe ou de presser un bouton lançant un missile nucléaire.

Le professeur Milgram a testé plus d’un millier d’hommes provenant de la communauté de Yale et New Haven, dont certains, a-t-il dit, partaient d’un rire « bizarre » et arboraient un « sourire étrange » quand ils appuyaient sur le bouton indiquant « Danger : choc violent ».

Ces détails glaçants n’ont d’équivalent que les questions que la procédure suivie par Stanley Milgram ont soulevées quant à l’utilisation de sujets humains lors des expériences psychologiques. L’étude de Stanley Milgram a suscité la controverse aux Etats-Unis et a incité la direction de Yale et le gouvernement fédéral à mettre en place une importante réforme de la réglementation sur les tests effectués sur des sujets humains.

« A l’époque, il n’y avait ni comité d’éthique, ni même de formulaires de consentement pour ces tests », a expliqué Jack Dovidio. « L’expérience de Milgram a incité les gens à avoir une réflexion plus poussée sur l’éthique de la recherche. »

Au tournant de l’année 1980, l’Université Yale avait institué des réformes exigeant que toute expérience ayant recours à des sujets rémunérés soit soumise à l’approbation d’un Comité pour la protection des sujets humains, constitué de six membres. Par ailleurs, des règles plus strictes ont été adoptées pour limiter le degré de supercherie pouvant être employé pour les besoins d’une expérience, lit-on dans un article de 1980 du Yale Daily News.

Expériences avec des humains mieux codifiées

Tout au long du processus de réforme, les étudiants de Yale n’ont pas oublié le rôle de Stanley Milgram dans la controverse. Dans un article de 1979 du Yale Daily News sur les possibilités offertes pour le week-end à Yale, Arnold Schwartz suggère « Le Milgram Show : un jeu hilarant où les étudiants ont le choix entre être virés de Yale ou électrocuter leurs camarades jusqu’à leur faire perdre conscience. »

En 2008, un professeur de l’Université de Santa Clara a repris l’expérience en la modifiant légèrement pour voir si les gens continuent aujourd’hui d’obéir aux ordres qui vont à l’encontre de leur conscience. La même année, une étude de l’Université d’Etat de l’Ohio a réalisé une analyse statistique des données recueillies par Stanley Milgram, afin de déterminer quels étaient les niveaux d’intensité électrique qui constituaient dans l’expérience des paliers décisifs après lesquels les participants refusaient de continuer à administrer une décharge.
 
 



yogaesoteric


28 mars 2018

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