L’ozonothérapie, un remède contre le SARS-CoV-2 ?

L’ozone est une molécule composée de trois atomes d’oxygène. En médecine, le traitement à l’ozone consiste – dans la plupart des cas – à prélever du sang d’un patient, y diluer une petite quantité d’ozone puis réintroduire le sang ozoné dans le corps du patient. Ce protocole n’est pas autorisé en France à cause du manque de preuves de son efficacité.

Thierry Schmitz est un médecin belge basé à Wavre et spécialiste en thérapie naturelle. Pour caractériser l’ozonothérapie, il n’a pour sa part qu’un seul mot à la bouche : « efficace ». Dans cette vidéo, publiée sur sa chaîne YouTube et supprimée depuis, le médecin se désole de voir les patients français et belges privés de cette technique, interdite dans les deux pays.

Un traitement aux origines anciennes

Pour appuyer son propos, Thierry Schmitz commence par évoquer une publication du docteur Robert Rowen, directeur de sa propre clinique à Santa Rosa en Californie. Parue dans la revue scientifique américaine « Journal of infectious diseases and epidemiology », cette publication n’est pas une étude scientifique, mais un article de nature éditoriale en faveur du traitement au tri-oxygène contre le Covid-19.

Dans l’article, le docteur Rowen revient sur l’histoire de l’utilisation de l’ozone depuis la fin du XIXe siècle et explique les effets d’un traitement basé sur la dilution de ce gaz dans le sang. Il en expose ensuite les avantages : « L’ozonothérapie est versatile et peut être utilisée pour la prévention et le traitement de maladies aiguës et chroniques. Nos offices [du docteur Robert Rowen] traitent à l’ozone à la fois les cas de maladies aiguës (les cas non-hospitalisés) et celles d’origine virale et bactérienne. »

Robert Rowen conclut par une critique acerbe de l’industrie pharmaceutique dans laquelle, d’après lui, l’ozone « souffre de “l’effet de la tomate“, parce que beaucoup de ses performances sont considérées comme impossibles ». L’effet de la tomate est une référence au fait que ce fruit n’ait été considéré comme comestible qu’à la fin du XIXe siècle aux États-Unis, alors que l’Europe en consommait depuis le milieu du XVIe siècle.

La publication citée ne prouve donc même pas que l’ozonothérapie soit efficace, contrairement à ce qu’affirme Thierry Schmitz. Le protocole de soin qu’elle présente n’est pas utilisé dans la médecine conventionnelle aux États-Unis. L’utilisation thérapeutique de l’ozone est interdite par la Food and Drug Federal Administration (FDA), comme le précise le titre 21 de son Code de régulation : « L’ozone est un gaz toxique pour lequel aucune application médicale utile n’est connue en thérapie spécifique, adjuvante ou préventive. »

En Chine, l’ozone glorifié

Thierry Schmitz poursuit son argumentaire avec des photos et un protocole qu’il affirme être appliqué en Chine. Pourtant, il ne précise pas quel hôpital aurait recours à l’ozonothérapie, ni le contexte de son utilisation.

Les images proviennent d’un article publié le 12 mars 2020 sur le site du Guangshang Broadcasting Corporation Convergence Media. Celui-ci célèbre effectivement la conclusion heureuse du traitement au trioxyde (nom chimique de l’ozone) de plusieurs patients atteints par le SARS-CoV-2 à l’hôpital de la province de Guangshang.

Une recherche plus approfondie révèle que l’administration d’ozone en intraveineuse est un protocole adopté par plusieurs hôpitaux en Chine, d’après ce qu’on peut lire dans une transcription de conférence de presse tenue à Tianjin le 4 mars 2020 (un document disponible sur le site de l’Office d’information du conseil d’État de la République populaire de Chine).

L’ozonothérapie est intégrée à un large panel de « techniques avancées de traitement ». Mais malgré tout, l’article consacré à « l’expérience de Guangshang » et la publication de l’Office de communication ne sont pas des preuves scientifiques de l’efficacité de l’ozonothérapie.

En Italie, de l’ozone à faible dose

Puis, Thierry Schmitz revient sur l’Europe et présente un document de la Société italienne de traitement à l’ozone (SIOOT) qui a expérimenté un protocole de soin à l’ozone sur des patients atteints à différents stades du Covid-19. Ceci a notamment permis à l’Institut italien de la santé d’arriver à des résultats concluants.

Les conclusions du SIOOT sont partagées et soutenues par divers centres cliniques expérimentés dans le traitement de la pneumonie virale en Italie. Une étude clinique est à l’œuvre depuis mai 2020 en Italie. L’objectif est de tester l’efficacité de l’ozonothérapie sur le SARS-CoV-2. L’étude est dirigée par le docteur Amato de Monte, directeur du service de soins intensifs à l’hôpital d’Udine.

Certains établissements de santé de Lombardie ont déjà commencé à soigner de la sorte, avec des résultats initiaux positifs. C’est d’ailleurs dans un hôpital de cette région italienne, la plus touchée par le Covid-19, que le premier test sur onze patients a été effectué.

À l’origine du protocole : le docteur Marziani, directeur de l’unité d’anesthésie, de réanimation, d’ozonothérapie et de traitement antalgique à l’hôpital de Vaio/Fidenza. Pour ce dernier, il n’y a pas encore de données fiables sur ce traitement pour lutter contre le coronavirus. Ce qui ne l’empêche pourtant pas de d’affirmer : « La thérapie oxygène-ozone est, de notre point de vue, un outil valable, d’autant plus utile qu’il est le plus utilisé au stade précoce de la maladie. »

En Espagne, une utilité pas encore prouvée

Enfin, le docteur Schmitz évoque l’Espagne, où le traitement à l’ozone a également été expérimenté . Après avoir présenté les avantages potentiels de l’ozonothérapie lors d’une session scientifique médicale, un groupe d’experts (pour certains issus du centre sur l’infection Covid-19, d’autres du service d’urgence de la polyclinique Nuestra Señora del Rosario, à Ibiza) a donné son approbation pour l’administration d’ozone chez les patients atteints de Covid-19.

Mais pour le moment, les traitements ne sont encore ni reconnus, ni légaux. Ce qui n’a pas empêché la clinique ibizienne de proposer de former d’autres hôpitaux et médecins à ce protocole. Certains praticiens espagnols ont même appelé tous les spécialistes intéressés à établir les circuits et la structure appropriés pour pouvoir incorporer l’ozonothérapie dès que possible dans les centres hospitaliers qui le souhaitent.

Pour aller plus loin : Trois questions au Pr. Amato De Monte

Le professeur Amato de Monte est directeur du département d’anesthésie et de soins intensifs à l’hôpital de Udine en Italie. Il s’intéresse au traitement de la douleur et utilise l’ozone à cette fin depuis environ vingt-cinq ans. Il est à l’initiative d’une étude clinique sur les effets de l’ozonothérapie contre le SARS-CoV-2 lancée en mai 2020.

Journalistes Solidaires : Comment avez-vous décidé d’utiliser l’ozone pour traiter le Covid-19 ?

Amato de Monte : À l’origine, je me penchais sur l’effet de l’ozone sur les problèmes vasculaires au niveau des jambes. Au sein de mon hôpital, nous avions reçu pour la première fois l’aval du comité d’éthique pour conduire une étude randomisée sur les patients souffrant de douleurs vasculaires, lorsque la pandémie de coronavirus a explosé en Italie. En parlant avec le professeur Taccini, spécialiste en biologie lymphatique, nous avons alors décidé de commencer à administrer l’ozone aux patients atteints de Covid-19 admis au département des infections de l’hôpital.

JS : Comment cela s’est-il déroulé ?

AdM : C’était au début du mois de mars environ, quand les premiers cas sont apparus dans la région. Nous avons débuté le protocole sur trois patients. Le premier cas se portait déjà mieux deux jours après le début du traitement. Nous avons arrêté les traitements trois jours plus tard et nous nous sommes occupés ensuite des patients dans un état plus grave. Bien sûr, tous ces patients recevaient l’ozonothérapie en plus du protocole antiviral normal. Après quelques temps, nous avons effectué une évaluation rétrospective sur la première expérience. Il s’est avéré que, parmi les trente-six patients traités à l’ozone, un seul a finalement été admis en soins intensifs. Tous les autres ont pu sortir de l’hôpital. C’est à partir de là que nous avons décidé de construire un protocole d’étude randomisée.

JS : Quel est le protocole de l’étude ?

AdM : Un premier groupe reçoit un traitement antiviral et le deuxième groupe reçoit l’ozonothérapie en plus des antiviraux. Une séance d’ozonothérapie dure environ 40 minutes. On prélève d’abord du sang du patient dans lequel on dilue 200 mL d’un mélange d’oxygène et de 4 % d’ozone. Le tout est mélangé pendant dix minutes environ et ensuite réintroduit dans le corps du patient. Après avoir reçu l’approbation du comité d’éthique de notre région, nous avons pu commencer l’étude. Nous l’avons ouverte à d’autres hôpitaux pour en faire une étude multi-centres. Elle est actuellement menée dans environ une dizaine d’hôpitaux italiens, mais je ne sais pas exactement quand elle sera terminée.

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