Pourquoi Dieu ne disparaîtra jamais (2)

 

Lisez la première partie de cet article


Le sentiment religieux aurait aussi une base génétique

Une étude dirigée par la psychologue Laura Koenig (université du Minnesota), et publiée en 2005 dans le Journal of Personality, révèle que l’attrait pour la religion est non seulement déterminé par l’environnement dans lequel grandit l’individu, mais aussi par… ses gènes. Les travaux ont été menés sur un panel de 546 volontaires adultes, composé de 169 paires de jumeaux monozygotes (dits communément « vrais jumeaux », c’est-à-dire possédant un patrimoine génétique absolument identique) et 104 paires de jumeaux dizygotes (soit des « faux jumeaux », n’ayant pas plus de gènes en commun qu’un frère et une sœur non jumeaux). Un questionnaire leur a été proposé afin d’évaluer l’importance occupée par la religion dans leur vie au moment du test (fréquence des prières, respect des rites religieux…), mais aussi pour mesurer la place qu’elle avait occupée durant leur enfance. Résultat : pour la période adulte, l’attitude face à la religion adoptée par les deux jumeaux d’une paire monozygote était plus fréquemment similaire qu’au sein des paires dizygotes.

En revanche, pour la période de l’enfance, les chercheurs n’ont pas trouvé de différence notable entre les deux types de jumeaux. Cela suggère qu’il existerait donc bel et bien des bases génétiques à l’origine de la religiosité, mais que leur influence se fait sentir progressivement au cours du développement de l’individu, lorsqu’il s’affranchit des influences de l’environnement reçues au cours de son enfance.

Repères

Pour percer les secrets de son esprit, l’homme n’a eu pendant longtemps d’autre solution que d’observer ses comportements et ceux de ses semblables. Mais depuis 30 ans, l’imagerie médicale a bouleversé la donne en autorisant la détection en temps réel des zones du cerveau activées, et en permettant de « voir » les processus chimiques à l’intérieur des neurones. De quoi donner les moyens aux spécialistes de la cognition de s’attaquer à un nouveau défi : décrypter les bases cognitives de la croyance religieuse.

II – La foi, remède miracle contre l’anxiété

Parce qu’elle apporte des réponses aux questions existentielles et sécurise en créant un lieu social, la religion a tout d’un véritable anxiolytique. Au point d’agir sur la santé !

Cela ressemble à un paradoxe : croire en Dieu augmente… l’espérance de vie sur Terre ! Telle est l’inattendue conclusion de travaux qui, depuis une petite dizaine d’années, montrent que les individus qui croient en l’existence d’une entité divine accroissent leur longévité. Et de façon considérable, qui plus est ! En 2002, le professeur de psychiatrie David B. Larson, de l’université Duke, en Caroline du Nord (Etats-Unis), est en effet parvenu à estimer que les croyants vivaient en moyenne 29 % plus longtemps que les non-croyants. Fruit de la synthèse de 42 études médicales menées entre 1977 et 1999 et concernant pas moins de 126.000 personnes, ce chiffre, par son ampleur, pose dès lors une question : en quoi le fait de croire a-t-il une influence sur notre espérance de vie ? La réponse tient en un mot : anxiolytique. Car si les religions ont une vertu, c’est bien celle d’être un remède contre l’angoisse, ce qui ne saurait être funeste pour la santé…

Un remède contre l’anxiété ? Les attentats de 2001 contre le World Trade Center ont été l’occasion d’en apporter une exemplaire confirmation. Dans les mois qui ont suivi ce fatidique 11 septembre, les autorités sanitaires américaines ont en effet fait état d’une nette augmentation de l’anxiété au sein de la population ; or, dans le même temps, nombre d’américains décidaient de se livrer à des pratiques religieuses qui, jusqu’ici, les indifféraient…

Un discours réconfortant

Plus net encore : des psychologues de l’université de Washington ont révélé début 2005 les résultats d’une étude menée à l’époque sur 453 étudiants de toutes confessions. D’où il ressort que ceux ayant eu recours à des comportements religieux tels que la prière pour gérer le traumatisme sont parvenus à calmer leur angoisse beaucoup plus efficacement que les autres. Un résultat qui concorde avec des études menées dans de tout autres contextes. En 2002, par exemple, le psychologue Purdue, dans l’Indiana (Etats-Unis), soumettait un groupe de 388 personnes, cette fois âgées de 60 à 100 ans, au Multidimensional Fear Death Scale, un test psychologique souvent utilisé par les gérontologues pour mesurer le niveau d’anxiété de leurs patients face à la mort. Verdict : les sujets croyants présentaient un niveau d’angoisse inférieur à celui des individus non-croyants.

C’est donc une certitude scientifique : la croyance en Dieu permet de réduire l’angoisse. Pourquoi ? Parce que les religions apportent précisément des réponses aux interrogations les plus profondes de l’homme. Sens de la vie, question des origines, angoisse de la mort… Peu importe le nom du dieu qu’elles élisent, la genèse qu’elles décrivent ou la nature du paradis qu’elles promettent, toutes produisent un discours qui, chacun à sa manière, apporte une réponse à ce qui étreint l’homme lorsqu’il songe à sa condition. Une réponse au sein de laquelle chacun peut dès lors trouver refuge, pourvu d’adopter durant sa vie un comportement conforme aux lois édictées par la religion concernée.

Une « illusion de contrôle »

Autrement dit, lorsqu’on croit en Dieu, il devient tout à coup possible d’agir là où le sentiment de sa propre finitude terrassait. De quoi réduire considérable toute anxiété ! Or, ce phénomène s’inscrit en réalité dans un cadre plus vaste que les chercheurs en psychologie sociale connaissent bien pour l’avoir mis en évidence dès les années 70. A savoir que « lorsqu’un individu est exposé à une situation où des événements négatifs hors de son contrôle peuvent survenir à tout moment, il utilise un stratagème appelé “illusion de contrôle”, explique Olivier Desrichard, du Laboratoire de psychologie sociale des universités de Savoie (Chambéry) et Pierre-Mendès-France (Grenoble). Ce mécanisme consiste à se persuader qu’il dispose d’un pouvoir sur son environnement, susceptible de lui permettre d’éviter d’être exposé à cet événement négatif ».

Un exemple ? Une étude menée en 2002 par Isabelle Milhabet (université de Nice-Sophia-Antipolis), à laquelle Olivier Desrichard a collaboré, décrit on ne peut mieux les rouages de ce mécanisme : « En évaluant la perception qu’avait une population d’étudiants de contracter le sida, nous avons découvert que chacun estimait courir moins de risques d’être infecté que les autres », explique le chercheur. Or, si chacun se perçoit de la même manière, cela débouche forcément sur un problème de logique ! Une véritable « illusion de contrôle », qui est en fait à l’origine de nombre de comportements, comme celui du sportif qui embrasse sa médaille avant de rentrer sur un terrain. Et, vue sous cet angle, la religion apparaît finalement comme une illusion de contrôle parmi tant d’autres…

Même la physiologie s’y met

Que cherche à éviter l’être humain par cette pirouette cognitive ? Rien moins qu’un état physiologique désastreux. Et pour cause : « Etre exposé à long terme à une situation dangereuse sur laquelle on sait pertinemment que l’on ne peut pas agir, comme une catastrophe naturelle, une maladie ou une guerre, déclenche un état appelé “ inhibition de l’action ”, lequel est extrêmement traumatisant pour l’organisme », explique le biologiste Georges Chapouthier, directeur de recherche au sein de l’équipe CNRS« vulnérabilité, adaptation et psychopathologie » (université de Paris VI et Paris VII). Dans tel cas, en effet, « l’organisme bascule dans un état physiologique dit d’alerte : des hormones telles que l’adrénaline et des corticoïdes (dont le célèbre cortisol, souvent appelé “ hormone du stress ”) sont sécrétées, tandis que le rythme cardiaque s’accélère et que la pression artérielle augmente. Durant les premières heures, cette réaction est bénéfique, puisqu’elle “ réveille ” littéralement l’organisme afin de lui permettre d’agir au mieux pour assurer sa survie. Mais si cet état d’alerte se maintient, les choses se dégradent rapidement. Avec, à la clé, des pathologies comme des ulcères de l’estomac, voire, peut-être, des cancers ». On le voit, même la physiologie pousse les gens donc à rechercher tous les moyens possibles d’échapper à l’angoisse…

Reste que si la foi apaise nombre des angoisses métaphysiques, elle possède encore un autre atout : celui de permettre au croyant de faire partie d’une communauté religieuse. Car être intégré dans un groupe social sécurise et, donc, réduit l’anxiété. Une seule preuve : en 2000, un psychiatre américain de l’université d’Alabama a montré que sur 236 volontaires en situation de sevrage de drogues et d’alcool, ceux qui étaient croyants bénéficiaient d’un soutien social accru… ce qui in fine induisait chez eux un plus faible niveau d’anxiété.

Des résultats obtenus par l’analyse des réponses fournies par les sujets à un questionnaire psychologique spécifiquement conçu pour l’étude. L’explication d’un tel bénéfice ? Il est en fait à chercher dans… les premiers temps de l’humanité. Plus précisément durant le Pléistocène (de – 1,8 million d’années à – 10.000 ans), lorsque les Homo évoluaient exclusivement en petits groupes d’une dizaine d’individus. Ne pas faire partie d’un groupe équivalait alors tout simplement à une condamnation à mort. « Car, durant cette période, l’homme n’a pu survivre qu’en bénéficiant des rapports de coopération avec ses semblables, explique Boris Cyrulnik, professeur d’éthologie à l’université de Toulon. Ce qui explique que c’est donc à l’intérieur d’un groupe qu’un être humain ressent du bien-être. » Un ressenti qui perdure encore aujourd’hui chez quiconque se trouve intégré dans un groupe social. Certes, les vertus anxiolytiques apportées par l’inclusion sociale ne sont qu’une conséquence indirecte de la foi, mais un tel bénéfice n’en reste pas moins précieux.


Lisez la troisième partie de cet article

 

yogaesoteric
6 novembre 2019

 

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