Pourquoi les saveurs n’ont-elles pas le même goût pour tous ?
Plus que tous les autres sens, le goût est une affaire personnelle. Car si les saveurs sont des données objectives, leur perception, de nos papilles gustatives jusqu’au cerveau, dépend des autres sens, de l’expérience, de la texture… et même de la température !
Certes, le sel est salé et le sucre est le sucré, nul ne s’y trompe. Mais ce n’est pas si simple pour des saveurs plus compliquées : leur ressenti n’est pas aussi universel que celui des textures au toucher. Le goût ne mobilise pas seulement les papilles : il implique également, plus que n’importe quel autre sens, le cerveau, ainsi que les autres perceptions. Du coup, ce que le palais de l’un aime, l’autre ne l’apprécie pas forcément ; il s’agit chaque fois d’une expérience sensorielle subjective. En 1998, dans une étude menée par l’Institut national de la recherche agronomique de Montpellier, des sommeliers réputés ont été chargés de classer par ordre de préférence dix-huit vins dont ils ne connaissaient pas l’origine. Résultat : certains vins de table se retrouvaient devant des crus prestigieux… En matière de goût, comme le souligne Patrick Mac Leod, président de l’Institut du goût, à Paris, « il n’existe pas d’observateur standard ».
Les gènes sont en partie responsables
Mais comment le palais des uns apprécie le sucré du chocolat quand celui des autres en souligne l’amertume ? Sauf troubles de la vue, tout le monde voit rouge ou bleu, chacun distingue le son d’une cloche de celui d’un ballon qui claque. Pourquoi n’est-ce pas le cas avec les saveurs ? L’influence des gènes est importante, car ce sont eux qui codent la sensibilité de nos cellules gustatives (environ 300.000) aux diverses saveurs : les quatre primaires – le sucré, le salé, l’acide et l’amer – mais aussi l’umami (provoqué par la présence de glutamate) révélés par les études expérimentales, et une multitude d’autres comme la saveur métallique, et tous ces « goûts de… » qui, à l’instar des « odeurs de… », sont soumis à l’appréciation de chacun, au point qu’on ne peut les nommer.
Or, les gènes sont différents d’une personne à l’autre. Ainsi, bien que nous goûtions tous la même boisson, ce ne sont pas les mêmes signaux électriques, en provenance de la bouche et du nez, qui gagnent notre cerveau.
Reste que les différences génétiques ne sont pas l’apanage du goût : elles influencent tous les autres sens. Or, ceux-ci ne sont pas soumis à une aussi grande variabilité interindividuelle.
Il faut en fait plonger dans le cerveau, et plus précisément dans le cortex gustatif, là où les signaux sensoriels en provenance des récepteurs gustatifs sont traités, non pas individuellement, mais en fonction d’autres informations.
Un sens… multisensoriel
A commencer par celles envoyées par la vue, l’ouïe, le toucher et surtout l’odorat, qui génère à lui seul environ 80% des sensations liées au goût ! Jouent également le contexte (l’ambiance), la mémoire (le souvenir que nous avons d’un vin), l’humeur du moment, etc. Autant de renseignements qui donnent naissance à une représentation multisensorielle, encore mal élucidée.
Ainsi, la couleur d’un aliment influence notre évaluation gustative : un bonbon à la fraise de couleur jaune sera perçu comme au citron. La texture affecte également notre attente envers un aliment. Elle se détecte avec le regard et le toucher de la langue sur le mets. Par exemple, nous pourrions confondre une pomme avec un oignon si nous ne prenions en compte que sa texture et son goût. Même la température influence notre palais, car nous sommes habitués à manger un aliment à une température donnée. Ainsi, un té est meilleur chaud et une crème glacée très froide. Plus de raison de déprécier nos piètres qualités de dégustateurs.
yogaesoteric
12 février 2018