Un grand rabbin européen alerte sur la montée de l’extrême droite

 

« Nous sommes revenus en 1914 », déclare Pinchas Goldschmidt, qui déplore l’instabilité de l’UE et le fait que les États-Unis aient « remplacé le Département d’État par Twitter ».

Le rabbin Pinchas Goldschmidt, en train d’écrire un nouveau rouleau de la Torah lors d’un événement auquel ont assisté des rabbins israéliens et européens, en commémoration du 69e anniversaire en date hébraïque, de la libération des juifs d’Europe, dans les tunnels du mur Occidental, dans la Vieille Ville de Jérusalem, le 21 mai 2014.

Le climat politique actuel représente un véritable danger pour la démocratie, selon un rabbin européen de premier plan, qui a mis en garde contre un retour à des « dictatures totalitaires » telles que celles d’avant la Première Guerre mondiale.

« Nous vivons dans un monde totalement nouveau où il n’y a ni contrôle ni correction d’aucune sorte d’information », a déclaré le rabbin Pinchas Goldschmidt, le président de la Conférence des rabbins européens. « Le discours public est devenu beaucoup plus aigu et extrême. Ce qui a été accepté et compris comme la base d’une démocratie libérale hier est aujourd’hui remis en question. »

Dans une interview au Times of Israel, l’universitaire et dirigeant communal d’origine suisse a également critiqué l’administration américaine pour avoir « remplacé » le Département d’Etat par Twitter, a déclaré que l’Union européenne (UE) n’était « pas stable » et a mis en garde l’Etat d’Israël contre le réchauffement des partis d’extrême droite, affirmant que l’Etat juif ne doit jamais faire passer des gains politiques à court terme avant la vérité historique.

Parlant de la montée des partis d’extrême droite populistes à travers l’Europe, Goldschmidt a indiqué que le continent est en train de revenir à un âge de nationalisme débridé et de racisme.

« Nous retournons dans le passé ; nous sommes en train de revenir à 1914 en Europe. Je ne pense pas que nous puissions exclure le recours à des dictatures totalitaires, où la situation des communautés juives va devenir similaire à celle de l’époque où il n’y avait pas de gouvernements démocratiques », a-t-il dit. Cependant, a-t-il ajouté, il y a une nuance : « Aujourd’hui, nous avons l’État d’Israël, nous avons où aller ».

Ses craintes d’effondrement des démocraties occidentales sont fondées sur les développements politiques et sociétaux, a-t-il expliqué.

« Le souvenir de la Shoah, de la Seconde Guerre mondiale et de la Première Guerre mondiale s’estompe. Les gens vivent bien. L’attention des gens, grâce à Internet, a diminué. Au lieu de lire des livres, les gens lisent les manchettes. Au lieu d’obtenir des informations, les gens obtiennent des opinions et des tweets », explique-t-il.

Même l’administration américaine a « remplacé le Département d’Etat par Twitter », a-t-il déploré, faisant référence aux décisions politiques et aux réparties diplomatiques sur la plate-forme de micro-blogging.

« Je ne suis pas en train de dépeindre un futur noir. Je dis qu’il y a de grands dangers », a souligné Goldschmidt, qui dirige la Conférence des rabbins européens depuis 2011.

« L’Union européenne n’est pas stable ; nous sommes en train de négocier le Brexit », a-t-il ajouté, notant que de nombreux partis d’extrême droite préconisent de quitter l’UE et veulent « retourner en 1914, où chaque pays était indépendant ».

Le nationalisme en soi n’est pas mauvais, mais il devient problématique lorsqu’il se mélange au racisme et menace les fondements de la démocratie, a dit le rabbin, qui a écrit plusieurs livres sur la religion et la politique.

Le roi Felipe VI d’Espagne, (à droite), et le président de la Conférence des rabbins européens, Pinchas Goldschmidt, au palais royal El Pardo de Madrid, le 13 décembre 2016.

Les murs qui séparent le pouvoir judiciaire, l’exécutif et le législatif sont en train de s’effondrer, et la presse libre est attaquée dans le monde occidental d’aujourd’hui, a-t-il poursuivi. « Toutes les institutions qui donnent une garantie à chaque citoyen, et en particulier aux minorités religieuses, sont en danger. »

Le mois de novembre 2018, Goldschmidt, né à Zurich et grand rabbin de Moscou depuis 1993, a dirigé une délégation de la Conférence des rabbins européens en Israël, qui a rencontré le président Reuven Rivlin, le ministre des Affaires de la diaspora Naftali Bennett et d’autres hauts fonctionnaires.

A Jérusalem, Goldschmidt a annoncé la nomination d’un « ambassadeur » pour coordonner la campagne « contre les idéologies d’extrême droite et l’extrémisme ».

Cette personne, qui n’a pas encore été nommée, « rassemblera les principaux responsables politiques et parties prenantes de toute l’Europe pour s’assurer que nous sommes équipés pour agir contre l’extrême-droite », selon Goldschmidt.

Le rabbin Goldschmidt, (deuxième à partir de la gauche), est reçu à la Knesset en tant que chef d’une délégation rabbinique européenne, en novembre 2018.

Lors de leurs réunions en Israël, les rabbins ont mis en garde le gouvernement contre le fait de se rapprocher de ces partis, même lorsqu’ils prétendent soutenir Israël.

« Si un parti est intrinsèquement raciste, sectaire envers une grande partie de la société et intolérant envers les minorités, si les Juifs ne sont pas la cible actuelle, ils le seront dans un avenir proche », a-t-il déclaré dans un communiqué de presse publié fin novembre 2018.

« Israël est particulièrement bien placé pour exercer des pressions diplomatiques sur un État et elle doit être prudente, écouter les communautés locales et analyser l’approche des partis et prendre une décision à long terme. Cela ne vaut pas la peine de se rallier à court terme ou pour Israël de recevoir un soutien politique, pour ensuite mettre les communautés juives en danger ».

S’adressant au Times of Israel dans le hall de son hôtel de Jérusalem, Goldschmidt a également mis en garde contre l’établissement de contacts avec la ministre autrichienne des Affaires étrangères Karin Kneissl, qui n’est pas membre du Parti de la liberté d’Autriche, (FPÖ), mais affiliée à l’extrême droite.

« Le FPÖ a été fondé par des officiers SS. Certains politiciens en Israël parlent de restaurer les relations avec la diaspora. Les soutenir ferait exactement le contraire », a-t-il dit.

Goldschmidt a pris soin de ne pas critiquer ouvertement le gouvernement israélien, mais il a exprimé sa compréhension pour les critiques de certaines décisions israéliennes, telles que la déclaration conjointe en juillet de Jérusalem et Varsovie sur le rôle des Polonais durant la Shoah.

A l’époque, Yad Vashem avait critiqué le document parce qu’il contenait « une formulation très problématique qui contredit les connaissances historiques existantes et acceptées dans ce domaine ».

Il avait aussi quelques réserves sur le fait qu’Israël semble fermer les yeux sur la dénaturation de la Shoah dans certains pays d’Europe centrale et orientale en échange d’un soutien diplomatique.

« Il est naturel que les nécessités politiques actuelles l’emportent sur le bien et le mal de l’histoire », a déclaré M. Goldschmidt. « Tous les Juifs ne sont pas religieux. Beaucoup de Juifs sont laïcs. Cependant, s’il y a quelque chose de sacré pour nous tous, c’est la mémoire des victimes de la Shoah. Et on ne peut pas jouer avec ça. »

Israël tire sa force non seulement de ses start-ups florissantes ou de son armée, a poursuivi le rabbin.

« C’est sa moralité. La moralité et la justice historique d’un peuple persécuté rentrant dans son pays d’origine après 2.000 ans d’exil, et je crois que le gouvernement israélien, en élaborant sa politique étrangère, devrait inclure tous les aspects historiques et moraux de l’histoire juive afin de former une politique qui soit acceptable, non seulement pour le présent mais également pour le futur. »

 

yogaesoteric
9 avril 2019

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