Une nouvelle thérapie contre le chagrin

Par Michael E. Tymn

NEXUS n°47 novembre-décembre 2006

Un psychologue américain, Allan Botkin, a mis au point une technique thérapeutique à base d’EMDR (technique de désensibilisation rendue célèbre en France par David Servan-Schreiber) et de communication avec les défunts. Hallucination ou rencontre réelle ? En tout cas, la guérison est au rendez-vous.

 

Appelée Induced After-Death Communication (IADC) [Communication Post-Mortem Induite], la thérapie élaborée par le Dr Allan Botkin, psychologue à Libertyville (Illinois), est dérivée de l’EMDR (Eye Movement Desensitization and Reprocessing) [Désensibilisation et Reconstruction par Mouvement des Yeux], découverte en 1987 par Francine Shapiro, en Californie. Cette dernière explique sur son site web comment, un jour qu’elle se promenait dans un parc, elle s’est aperçue que les mouvements des yeux semblaient soulager les émotions négatives liées à des souvenirs douloureux. Après quelques expériences, elle a mis au point une méthode qu’elle a d’abord appelée EMD [Désensibilisation par Mouvement des Yeux]. La thérapie se déroule ainsi : après une analyse approfondie des problèmes émotionnels du patient, un plan de traitement est défini. Puis consultant et thérapeute examinent le ou les événements à l’origine des troubles. Le patient est alors invité à se concentrer sur une image ou une pensée négative précise tout en suivant des yeux les doigts du thérapeute que celui-ci déplace latéralement dans son champ de vision pendant 20, 30 secondes ou davantage. L’idéal pour le patient est faire le vide dans sa tête, et de ne garder que l’image, la pensée ou le souvenir en question. Ensuite, on lui demande de se concentrer sur une croyance positive, préalablement définie en début de séance, puis de se fixer à nouveau sur l’événement affligeant. Après plusieurs cycles de mouvements des yeux, le patient se sent renforcé dans ses croyances positives et les troubles émotionnels disparaissent.

70 % de réussite

Botkin est à peu près certain que les patients ayant suivi cette thérapie ne sont pas sous l’effet du rêve, du fantasme ou de l’hallucination, mais il préfère s’abstenir de toute spéculation spirituelle. Quelle que soit l’explication, la méthode fonctionne dans 70 % des cas. Lorsqu’il s’agit d’un deuil, le patient est invité à se concentrer directement sur son chagrin. La plupart du temps, il visualise alors la personne décédée qui le rassure, l’encourage à se consoler. Parfois, le défunt communique au patient des informations jusque-là ignorées. Cette thérapie fonctionne avec des gens de toutes croyances, y compris les athées et les sceptiques.

Botkin explique : « En tant que psychologue, ce qui m’intéresse, c’est de guérir les gens qui souffrent profondément, qu’ils soient croyants ou pas ; j’ai donc choisi de ne pas m’impliquer dans des questions de croyances. Si je prends parti, je me coupe de beaucoup de personnes qui auraient besoin de cette méthode. » Cette position de neutralité laisse au patient la liberté d’interpréter ses expériences sans être influencé par les croyances du thérapeute.

Jusqu’en 2003, Botkin exerce au ministère des Anciens combattants. Bien qu’ayant découvert l’IADC depuis 1995, il ne peut promouvoir cette thérapie auprès de ses collègues ou du grand public. En effet, l’approche traditionnelle de ce type de souffrance consiste à éteindre les liens émotionnels avec les disparus : « Ils sont morts, oubliez-les ». L’IADC propose la démarche opposée : elle invite à cultiver un lien durable et positif avec la personne disparue. Cette conception entre en conflit ouvert avec la science matérialiste qui veut que la vie débouche sur le néant, d’où l’indifférence ou l’hostilité dont la gratifient nombre de thérapeutes. Plus pour longtemps, d’après Botkin : « C’est encore très nouveau, mais ça commence à se répandre », se félicite-t-il.

Paru en 2005, son livre Induced After-Death Communication écrit avec R. Craig Hogan est déjà en réimpression et la télévision commence à s’y intéresser. Au moment de son interview à NEXUS, il vient de terminer un documentaire pour l’émission Good Morning America.

De l’EMDR à l’IADC

Botkin passe vingt ans à soigner les combattants de la Seconde Guerre mondiale, de la guerre de Corée, celle du Vietnam et du Koweït. Tous souffrent de syndrome de stress post-traumatique (PTSD), résultat souvent durable d’une exposition à l’horreur. Parfois, les souvenirs sont d’abord enfouis dans le subconscient, puis viennent des années plus tard perturber la personnalité, ce qui peut brouiller les pistes, et retarder le diagnostic. Au cours des douze premières années de sa pratique, Botkin se sent souvent frustré par l’inefficacité de la thérapie dite « de confrontation » qui domine à l’époque. Il s’agit de confronter le patient, de façon répétitive et dans un environnement réconfortant, à ses souvenirs d’expériences traumatisantes dans l’espoir d’affaiblir peu à peu ses réactions émotionnelles.

C’est en découvrant l’EMDR, en 1990, que Botkin s’aperçoit qu’il peut obtenir de meilleurs résultats. Alors que la thérapie classique met des années à donner quelques résultats, l’EMDR produit des changements spectaculaires parfois dès la première séance ! Et c’est dans le traitement du chagrin que la méthode semble la plus performante.

 

Selon Botkin, la plupart des personnes atteintes présentent trois types d’émotions : la culpabilité, la colère et la tristesse. Il s’aperçoit que la culpabilité et la colère agissent comme une protection contre la tristesse profonde ; il encourage alors ses patients à faire l’économie de ces deux émotions pour se concentrer directement sur leur chagrin. Au passage, il constate que les patients réagissent mieux lorsqu’ils ferment un moment les yeux après une série de mouvements rapides. L’action sur la tristesse fait disparaître la culpabilité et la colère.

Première expérience d’IADC

C’est avec un patient que nous appellerons Sam, que Botkin découvre véritablement l’IADC. Sam a combattu au Vietnam où il s’est lié avec Le, une vietnamienne orpheline de dix ans, qu’il s’est promis d’adopter et de ramener chez lui. Un jour, alors que Sam et d’autres soldats aident Le et d’autres orphelins à monter dans un camion qui doit les emmener dans un orphelinat, ils sont bombardés. Lorsque Sam découvre le corps sans vie de Le gisant dans la boue, il est bouleversé et le chagrin ne le quitte plus jusqu’à sa rencontre avec Botkin en 1995.

En séance d’EMDR, Sam peut voir Le, devenue une belle femme aux longs cheveux noirs qui irradie de lumière dans sa robe blanche. Elle lui parle et le remercie de s’être occupé d’elle avant sa mort. Sam est aux anges ! Il est convaincu de s’être entretenu avec Le et d’avoir senti ses bras autour de lui.

Dans un premier temps, Botkin pense que Sam a eu une hallucination et qu’il commence à confondre le réel et l’imaginaire. Mais après plusieurs réactions similaires avec d’autres patients, le psychologue décide d’aller plus loin.

Sa première séance de communication post-mortem induite a lieu avec un certain Gary, dont la fille Julie est morte à l’âge de onze ans. Suite à une grave carence en oxygène à la naissance, les capacités mentales de Julie n’ont jamais dépassé le stade d’un bébé de six mois. À la suite d’une crise cardiaque, elle est morte dans les bras de son père.

Botkin se souvient : « Lorsque Gary m’a raconté cela, il était en pleurs. Je lui ai proposé d’essayer ma nouvelle méthode. Bien que non croyant, il a accepté ». À la fin de la séance, quand il a rouvert les yeux, « il avait l’air complètement éberlué, raconte le thérapeute. Il a dit : “J’ai vu ma fille ! Elle jouait joyeusement dans un jardin aux couleurs riches et brillantes. Elle semblait en parfaite santé, sans les problèmes physiques qu’elle avait connus durant sa vie. Elle m’a regardé et j’ai perçu son amour”. Nous avons parlé longuement de son expérience. Gary était persuadé que sa fille vivait toujours, bien que dans un lieu très différent ».

Au bout de quelques temps, l’enthousiasme de Gary se transforme en tristesse : sa fille lui manque. Ils recommencent donc l’exercice en se concentrant sur ce manque. Gary ferme les yeux et reste tranquille quelques minutes. « Lorsqu’il a rouvert les yeux, raconte Botkin, il a souri : “Je me suis retrouvé dans le jardin et Julie m’a regardé. Elle m’a dit : ‘Papa, je suis toujours avec toi’ ». Julie n’avait jamais pu parler de son vivant. Gary est sorti heureux, reconnecté avec sa fille.

Un an plus tard, Gary confiera à Botkin qu’il se sent toujours en contact avec elle. Il déduit de cette expérience que « les gens ne meurent pas vraiment, ils changent simplement d’état et vivent dans un milieu différent, un très bel environnement ».

Au secours des vétérans

Un ancien du Vietnam, que nous appellerons Mark, nous raconte son expérience. En tant que pilote d’hélicoptère de combat, il a tué beaucoup de gens au cours de ses dix-huit mois de campagne au Vietnam, mais il ne parvient pas à digérer un certain épisode. Dépourvus de marquages ou de pavillons, quatre bateaux remplis de soldats vietnamiens ont franchi une limite de canal militaire. Mark et les quatre autres hélicoptères qu’il commande attaquent et pulvérisent ces bateaux. Il se souvient encore des corps projetés en l’air. Deux semaines plus tard, il apprend que ces hommes étaient des alliés. L’énormité de cette bavure le marquera profondément.

En 2002, Mark suit une thérapie à l’hôpital des anciens combattants où exerce Botkin. Il accepte avec enthousiasme la proposition du thérapeute d’essayer l’IADC. Après la phase de mouvements des yeux, il se concentre sur l’événement des bateaux. À l’issue de la séance, il raconte : « J’ai vu une patrouille de vietnamiens venir vers moi ; curieusement, ils adoptaient une formation à la russe et non comme des américains. Deux officiers se sont avancés et m’ont adressé la parole en vietnamien ». Mark ne comprend pas leur langage avant une deuxième série d’exercices. Là, bien que ces hommes parlent toujours vietnamien, Mark perçoit leurs propos comme par télépathie : « Ils disaient avoir compris que j’avais fait mon devoir, qu’ils ne m’en gardaient pas rancune, qu’ils se trouvaient en meilleur lieu et qu’il ne fallait plus que je m’inquiète. Ensuite ils sont repartis. C’était vraiment réconfortant, et je me sentis soulagé ! ».

Au cours d’une autre séance d’IADC, Mark peut voir son fils, décédé alors qu’il était encore enfant, en 1978, dans les bras d’une femme qu’il ne reconnaît pas tout de suite. Il s’aperçoit plus tard qu’il s’agit de sa mère, décédée également. Lors de la première séance, l’enfant reste silencieux, mais il réapparaît au cours des suivantes, d’abord comme adolescent, puis comme adulte. « Mon fils m’a dit : “Papa, ne t’en fais pas, tout va bien ; je vais te revoir bientôt”. Ça me laisse perplexe, vais-je mourir bientôt ? ».

 

Mark revit également l’une de ses chutes d’hélicoptère, en ressent la douleur dans toute son intensité : « Les images sont plus claires que dans un rêve ; elles sont vraiment en trois dimensions et nous enveloppent. Il faut en avoir fait l’expérience pour le réaliser. Ce n’est pas de l’hypnose. Ça fait un peu peur, mais c’est bien réel. L’important, c’est que ça apaise. La vie retrouve un sens et reprend son cours après cette expérience. C’est très réconfortant ».

Un autre vétéran du Vietnam, Ivan Rupert, porte au fond de lui le souvenir d’un carnage. Photographe de combat, il se trouve un matin devant un bus vietnamien qui vient d’exploser : « Il y avait des corps et des morceaux de corps partout, dit-il, mais ce qui a m’a marqué, c’est celui d’une jeune femme enceinte ; on pouvait voir le bébé et le cordon ombilical qui les reliait… ».

Pendant des années, cette scène hante ses rêves jusqu’au jour où il fait une IADC avec Botkin. Ce qui le perturbe particulièrement, c’est d’avoir fait passer le souci de prendre de bonnes photos avant celui des victimes. Pendant l’IADC, la femme vietnamienne communique avec lui. « Elle m’a dit qu’elle était dans un lieu bien plus agréable et m’a persuadé que je ne suis pas le monstre que je crois, que je n’ai rien à me reprocher ». Rupert ne peut dire si elle lui a parlé en vietnamien ou en anglais : « C’était une communication d’esprit à esprit, de cœur à cœur ». Pour Rupert, il ne fait aucun doute qu’il a réellement été en communication avec cette femme. « Au départ, lorsqu’on me l’a expliqué, j’étais très sceptique, je prenais cela pour du charabia. Pourtant, c’était réel, je suis certain de n’avoir eu ni hallucination, ni état hypnotique. Je souhaite qu’on reconnaisse et propose cette méthode aux vétérans, cela leur apporterait un grand soulagement ».

Témoignages de thérapeutes IADC

Désormais installé à son compte, Botkin enseigne l’IADC à d’autres thérapeutes, dont Laura Winds, à Washington. Elle témoigne des changements spectaculaires observés : « Ce qui me frappe, dit-elle, c’est l’apaisement que manifestent les patients ». Elle évoque le cas d’une dame qui, voyant son mari qui s’était suicidé avec une arme à feu, s’est écrié : « Ça alors ! Jim est là, debout dans l’embrasure de la porte ! » De la part du défunt, toujours le même message rassurant.

Laura Winds cite également le cas d’une patiente dont le compagnon avait assassiné le petit garçon de deux ans : elle a revu son fils grâce à l’IADC et a pu surmonter son chagrin. Avant la thérapie, elle était très sceptique à propos de vie après la vie. À présent, elle se dit certaine que cela existe et qu’un jour, elle reverra son fils.

Winds estime que sur les vingt à vingt-cinq patients qu’elle a traité par IADC, tous sauf trois ont connu une guérison totale ou partielle. « On peut vraiment percevoir les sentiments d’amour et de paix qu’apporte la guérison », dit-elle.

Autre élève de Botkin, le Dr Kathy Parker, de Roselle, dans l’Illinois. Elle estime avoir traité cinquante à soixante patients par IADC et annonce environ 80 % de réussite. L’un des cas les plus remarquables concerne une femme africaine qui avait vu sa tante sauter sur une mine. En cours d’IADC, la tante lui est apparue souriante, l’assurant qu’elle serait toujours auprès d’elle. « C’est extraordinaire le niveau de guérison que l’on peut atteindre, commente Parker, c’est un vrai mystère, mais pour mes patients et moi-même, c’est tout à fait réel ».

Hania Stromberg, thérapeute d’Albuquerque, au Nouveau-Mexique a également été formée par Botkin. Sur environ trente séances d’IADC, elle estime à trois le nombre d’échecs. Explication : « Ils (les trois échecs) ne voulaient pas vraiment s’investir ; je pense qu’ils étaient inhibés par leurs peurs ».

Stromberg déplore le fait que les personnes en souffrance ne se tournent pas davantage vers cette thérapie dynamique. « Je connais tant de gens à qui cela conviendrait parfaitement ; j’imaginais qu’ils s’y précipiteraient. Mais la pensée dominante n’est pas ouverte à cela ; les gens ont du mal à croire que les morts puissent se manifester à nous et nous influencer. J’ai essayé d’y sensibiliser mes collègues thérapeutes, en vain. Le conditionnement scientifique est très puissant lorsqu’on aborde ce genre de chose ».

Stromberg semble disposer de dons de clairvoyance et de clairaudience qu’elle intègre parfois à sa pratique. Elle raconte le cas d’une cliente qui pleurait la mort de sa mère et se sentait coupable de ne pas avoir accompli certaines obligations. Tandis qu’elle dirigeait le mouvement des yeux, Stromberg a perçu une « présence » entrant dans la pièce et vu une femme portant une robe colorée et des hauts talons. C’était la mère décédée de la patiente. Elle a décidé de lui parler directement, l’appelant par son nom familier, évoquant les problèmes de sa fille. Après la séance, la thérapeute a comparé ses notes avec le récit de sa patiente ; tout concordait : la robe colorée, les hauts talons, le nom familier, le sujet de conversation. Ni hallucination, ni hypnose Botkin affirme que l’EMDR/IADC n’implique pas d’hypnose : « L’hypnose met le patient dans un état mental décontracté et fixe, explique-t-il, alors que l’EMDR augmente le processus d’information dans le cerveau ». Prenant l’analogie d’un projecteur de cinéma, il décrit l’hypnose comme un ralentissement de l’appareil et l’EMDR comme une accélération.

 

Il réfute aussi les objections selon lesquelles les IADC seraient des hallucinations : « La preuve incontestable en est que les consultants les décrivent comme complètement différentes de toutes autres expériences. Techniquement, les perceptions hallucinatoires sont indépendantes de perceptions sensorielles, autrement dit, elles sont toutes dans la tête du sujet, sans lien avec la réalité extérieure. Les hallucinations mettent souvent en scène des émotions négatives très différentes d’une personne à l’autre, et relèvent de désordres psychologiques importants. Alors que l’IADC implique le plus souvent un contenu positif, semblable d’une personne à l’autre, très bienfaisant psychologiquement. En outre, les expériences partagées, comme dans le cas de Stromberg avec sa patiente, excluent la théorie hallucinatoire ».

Botkin signale que des études scientifiques rigoureuses sont en cours à l’université de North Texas et espère qu’elles confirmeront les milliers d’observations enregistrées par lui-même et nombre d’autres thérapeutes IADC expérimentés.

« J’ai la conviction, dit-il, d’être investi du devoir moral de faire connaître cette technique au monde. Ma première mission en ce moment est d’apporter de l’aide à ceux qui en ont besoin, tels que les anciens combattants d’Irak et d’Afghanistan, les survivants de catastrophes ».

Si ce dont témoignent ici patients et thérapeutes est un jour scientifiquement démontré, alors il se pourrait que Botkin ait fait la découverte du siècle, voire du millénaire.

yogaesoteric

23 janvier 2020


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