Anneke Lucas, survivante du réseau belge : les élites pédophiles sont une réalité (2)

Lisez la première partie de cet article

Sur l’organisation du réseau

« Nihoul est l’intermédiaire entre les parents, les souteneurs, les pédophiles et ‘pépé’. Il organise tout dans les orgies, court sans relâche pour faire plaisir à tous les gros bonnets », a précisé Anneke Lucas lors de l’entretien vidéo. Ce qui correspond parfaitement aux déclarations d’autres témoins de l’affaire Dutroux. Nihoul connaissait tout le monde, il avait même géré la communication lors de plusieurs élections locales à Bruxelles. Il connaissait le gratin et les truands.

D’après ce que décrit Anneke Lucas, dans son cas Nihoul jouait un peu le rôle de maquereau en chef.

Parfois il pouvait y avoir plusieurs enfants, qui tous savaient comment agir, et surtout ce qu’il ne fallait pas faire, lors des soirées sadiques. Ces enfants pouvaient être ceux des aristocrates qui partouzaient, venir de foyers ou d’autres familles, mais aussi de l’étranger (elle parle notamment d’un garçon marocain d’une douzaine d’années).

Dans le réseau, il y avait les habitués et les occasionnels, parfois des gens de passage. Tout le monde n’assistait pas à la totalité de la soirée.

Anneke Lucas écrit qu’elle se doute que tout cela est incroyable pour beaucoup de gens. Comment ces gens en arrivent-ils à déshumaniser des enfants à ce point, à en faire de simples objets sexuels ? Ces gens qu’on voit à la télé, qui nous font la morale, qui se drapent si facilement dans cette vertu qu’au final, ils n’auraient pas ?

« Et si c’est ce qui se passe au sommet, si les rassemblements les plus exclusifs et les plus enviés des VIP servent de couverture à certains des crimes les plus odieux de la planète, qu’est-ce que cela signifie pour la société? Qu’est-ce que cela dit de tous ceux qui parmi nous cherchent à gravir les échelons jusqu’au sommet ? », interroge Anneke Lucas, « L’escalade est-elle une tentative de donner un sens à sa vie pour celui dont l’âme est morte ? ».

La question se pose en effet. Car il semble que plus on monte dans la hiérarchie dans certains milieux, plus ce genre de pratique se banalise. Et ce que dit l’auteure est très intéressant, car il semble aussi que tout ce cela, ces orgies, ces réseaux pédophiles, ne sont pas un but mais un moyen :
• De corrompre des personnes utiles
• De masquer d’autres magouilles, notamment les détournements massifs d’argent par une certaine classe politico-affairiste.
En effet, la justice, lorsqu’elle est confrontée à une affaire de réseau pédophile, surtout s’il implique des personnalités, n’ira pas chercher plus loin. Derrière, il sera donc assez facile d’organiser, par exemple, du trafic d’armes ou de drogue, des marchés truqués, de la fraude fiscale à grande échelle.

Cependant, l’horreur peut aller très loin. Il y a une part de sadisme, de toute-puissance, mais aussi une part calculée, qui tient semble-t-il de l’endoctrinement, aussi bien pour les victimes que pour les membres du réseau, quels qu’ils soient. Anneke Lucas raconte par exemple une scène qui semble impliquer Nihoul : « Il est allé dans la cuisine. Après quelques minutes il est revenu, avec des gants de cuisine, amenant une énorme plaque à pâtisserie en métal. Je pouvais sentir la viande, mais pas en identifier la sorte. Ca sentait mauvais. Il l’a déposé. Des fesses. Presque noires avec des trucs sanglants rouges- horrible. « Maintenant, je vais essayer de les remettre ensemble pour toi ». Il a couru à l’intérieur et est revenu avec un second plateau qu’il a aligné avec le premier dans le milieu de la table rectangulaire. Le second plateau avait la tête et les épaules. D’un garçon. Les joues creuses et la peau rétrécie, carbonisées à l’exception de quelques taches de cheveux blonds. Morceau par morceau, il a assemblé le puzzle jusqu’à ce que tout le cadavre soit disposé, avec les maigres membres noircis. »

Anneke Lucas écrit qu’elle a été forcée à assister à plusieurs séances de tortures suivies de meurtres : des enfants, des adolescentes… Anneke a expliqué lors d’une vidéo sur Collective Evolution de meurtres d’enfants. Elle explique avoir été elle-même forcée à tuer une fillette. Elle savait que c’était pour qu’elle se sente coupable pour le reste de sa vie, et cela a marché. « Je sentais que j’étais moi même un tortionnaire, » explique-t-elle, « Mais j’ai toujours agi dans les différentes situations pour faire le moins de mal. Je savais que si je disais non ce serait pire ».

Ce passage peut sembler incroyable, d’autant que Nihoul se pavane toujours dans les médias, se posant en victime du système judiciaire et de la vendetta populaire. Nihoul se plaint beaucoup, mais il y a énormément de choses surréalistes dans le traitement de son cas, notamment le fait qu’on n’est pas revenu sur son alibi pour l’un des enlèvements de victime de Dutroux, alors qu’il a été prouvé que cet alibi ne tenait pas. Et ces témoins qui l’ont reconnu comme étant présent lors de diverses partouzes en présence de mineures… Par ailleurs, il est clair que Nihoul fréquentait les personnes citées par Anneke Lucas, personnes au sujet desquelles divers témoignages à charge concordent parfaitement.

Anneke raconte un épisode où « Pépé » et un certain Jean dirigeaient une séance en présence d’une dizaine d’enfants. On leur a tous donné un lapin, et « Pépé » leur a demandé « qui doit avoir la vie sauve ? Toi ou le lapin ? », et Anneke explique qu’elle a dû tuer son lapin en premier, les autres enfants après elle. S’ils ne donnaient pas la bonne réponse, les enfants risquaient d’être massacrés à la place du lapin.

La mère d’Anneke, qui était en fait une maquerelle, était quelqu’un d’apprécié en société. Personne dans l’entourage de la famille ne se serait douté une seconde de ce qu’il se passait dans l’intimité. Il s’agissait d’une femme psychorigide, décrite comme une psychopathe par sa fille, manipulatrice et autoritaire. Elle décrit une mère qui considérait sa fille comme une rivale, qu’il fallait maintenir la tête sous l’eau.

Cette mère, une fois qu’elle l’avait déposée en voiture à l’entrée des villas, ne voulait rien savoir. Elle pouvait aussi bien la laisser quelques jours chez des gens, qui en faisaient ce qu’ils voulaient ou presque. Cette femme était, selon sa fille, dans le déni le plus complet. Selon Anneke, sa mère voulait se faire bien voir dans la haute société, en l’occurrence les meneurs du réseau, quel qu’en soit le prix finalement. Quand elle était enfant, Anneke elle-même s’était convaincue que sa mère ignorait tout de ce qu’il lui arrivait dans ces partouzes.

Dans une vidéo, Anneke explique qu’elle a subi un véritable dressage pour apprendre à se comporter dans les rapports sexuels avec les types. Elle explique qu’on l’obligeait à regarder des films, qui décomposaient les réactions des types, leur visage, leurs mimiques, et ainsi « savoir en regardant le visage de quelqu’un ce qu’il aimait ou en regardant son corps ce qu’il aimait sexuellement ». Tout cela, c’était pour l’« entraîner à être une esclave sexuelle pour l’élite ».

Un départ précipité pour sauver sa vie

Anneke Lucas raconte aussi une « soirée » dans une villa en octobre 1974, où elle a cru mourir. L’un des meneurs du réseau avait embarqué plusieurs enfants et adolescents pour torturer minutieusement Anneke, en la saignant littéralement dans ce qui ressemblait à un atelier de boucher. Cela faisait partie de leur endoctrinement, de leur formation… Et puis à un moment, elle s’est rendu compte que d’autres enfants ont été massacrés avant elle dans cette pièce où elle avait été emmenée, et que ce soir-là c’était certainement son tour. Finalement, la séance a été interrompue par un proche de « Pépé ». 

Quand elle parvient à se remettre debout, elle se retrouve avec « Pépé », son ami venu la chercher, Patrick et une fillette. Anneke explique que « Pépé » a alors déclaré qu’elle a eu la vie sauve, mais qu’il y avait « un prix à payer ». Il a regardé la petite, de 8 ou 9 ans selon Anneke, et a dit que ce serait elle ou la fillette.

La petite semblait avoir peur et Anneke, qui avait alors 11 ans, ne savait pas trop quoi faire, elle a cherché à gagner du temps et à décrypter ce qu’on attendait d’elle. Il n’y avait pas de choix. 

Puis Patrick l’a amenée dans une autre villa près de Bruxelles, où les faits étaient censés se dérouler : Anneke a compris que c’était elle qui devait mourir. Elle est conduite dans un couloir puis dans une pièce avec des fauteuils en demi cercle, de vieux rideaux, où la fillette était nue, attachée sur une chaise de dentiste allongée. Cinq ou six hommes, dont « Pépé » étaient présents pour le spectacle. Patrick a servi un tas de coke sur une table, chacun se sert.

Elle explique que dans les circonstances liées au réseau, elle a toujours choisi de faire la chose qui serait la moins mauvaise. Même sa vie n’avait pas d’importance, car elle pensait mourir de toute façon. Si Anneke n’avait pas fait cela elle-même, elle était certaine que cette fillette aurait été tuée de manière encore plus sadique, avec encore plus sadique.

A travers des bribes de phrases des convives, Anneke comprend que quelque chose a basculé, que Patrick a négocié quelque chose contre sa vie. Elle l’a interrogé, et Patrick lui a répondu « C’est rien. Je vais juste travailler pour Pépé. C’est tout ». Elle comprend que pour éviter que le réseau ne la massacre cette nuit-là, Patrick a négocié avec le chef, avec « Pépé », pour le prendre lui à sa place, comme homme de main prêt à tout.

« Pépé » leur a alors mis un grand rasoir dans les mains. Patrick lui a expliqué comment faire, comment s’y prendre pour que sacrifier la fillette soit presque un plaisir, lui a montré comment cet acte était plaisant. C’est bien-sûr resté une torture pour Anneke de faire cela. Jusqu’au moment où « Pépé » lui a tendu un poignard et lui a dit « il suffit de lui couper la gorge », d’un air négligent. Finalement, Anneke a dû la tuer : « j’ai tué une petite fille. Je suis prête à mourir. Avec ma dernière force je tire l’énorme poignard de sa chair. Je tombe et tout devient noir ». Je résume énormément car ces quelques pages sont difficiles à lire et à résumer.

Mais l’auteure décrit parfaitement la « mise en scène », le « jeu de rôle », comme on pourrait qualifier ce réseau de dingues, l’étau silencieux qui se met en place autour de chacun des personnages, et des enfants victimes surtout. Elle décrit ce qu’il se passe dans sa tête à ce moment-là, le combat intérieur qu’elle mène du haut de ses 11 ans, comme une gamine complètement conditionnée.

Au petit matin, il l’a redéposée chez ses parents. Au moment de la quitter, il lui a fait des recommandations, pour s’en sortir dans l’avenir : il lui a dit de retourner chez sa mère, mais d’en partir dès qu’elle le pourrait, vers 15 ou 16 ans. Et de quitter la Belgique aussitôt que possible. « Dans les années 80, tu ne devras plus être ici, tu dois simplement me croire là-dessus », lui a-t-il dit, « tu dois de déplacer, à Paris, à Londres, et tu dois apprendre l’anglais pour déménager à New York (…) Tu ne dois jamais devenir une prostituée. Ne prends jamais d’argent contre du sexe, ne laisse jamais un amant te donner de l’argent, n’aies jamais de relations sexuelles pour obtenir quelque chose de quelqu’un … ». Il lui a aussi dit de ne jamais acheter de drogue elle-même, et de ne rien faire pour en obtenir. Il lui a dit avec qui se marier, et c’est ce qu’elle a fait aussi. 

Enfin, il lui a demandé d’oublier tout cela, de ne jamais parler à personne de tout ce qu’elle avait connu dans le système. Il l’a redéposée chez elle, et ils ne se sont jamais revus.

Au retour au domicile familial, Anneke dit à sa mère pourquoi elle a des marques sur tout le corps. Une fois de plus, celle-ci faisait comme s’il ne pouvait rien y avoir de grave, mais Anneke lui dit « tu sais où j’ai eu ces marques ? C’est arrivé à la soirée. La dernière où tu m’as amenée. Parce que c’est ce qu’il se passe, là. Les enfants sont torturés. Tués, maman. C’est pas pour cela que vous m’avez emmenée là-bas, pour vous débarrasser de moi ? Pour que je sois tuée ? », explique Anneke Lucas lors de l’entretien.

Et elle a raconté à sa mère que Patrick avait passé un accord, suite auquel elle n’avait plus désormais à aller aux orgies. « Tu n’auras plus d’appel » de Mme X (la mère d’une copine, qui organisait certaines des orgies), « c’est fini ».

Et en effet, il n’y a plus eu d’appels à la maison. Sa mère, une dernière fois, avait fait en sorte de l’emmener, en novembre 1974, quand sa mère l’a ramenée chez cette Mme X, où des gens, quelques artistocrates, l’attendaient, des gens qu’elle savait être parmi les plus sadiques du réseau. Elle a réchappé de justesse à cette soirée au cours de laquelle on lui a tiré dessus.

Mais ensuite, la vie de famille a pris des apparences de normalité, comme s’il n’y avait jamais eu cette période où sa mère vendait Anneke à ce réseau.

Lisez la troisième partie de cet article

yogaesoteric

15 mai 2020

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