Comment les médias forment et déforment notre réalité (3)

 

Lisez la deuxième partie de cet article


Les journalistes : des employés d’usine

À tout cela s’ajoutent les contraintes imposées par l’employeur. Il est important de comprendre que les médias, surtout les médias de masse, tentent de faire croire les gens que l’information diffusée par leurs journalistes est le résultat de longues enquêtes, de recherches, d’un travail de terrain. Si c’est vrai dans certains cas de journalisme d’enquête de la part de journalistes « vedettes », dans la majorité des cas, ce ne l’est pas.

Comprenons également que la direction des médias laisse peu de temps aux journalistes pour produire leurs papiers. Pour des questions de rentabilité, l’information est considérée comme un produit d’usine et le journaliste comme un ouvrier. Il doit donc noircir le plus de papier possible ou combler le plus de temps d’antenne possible et cela, dans les plus brefs délais, donc au moindre coût.

Cette dynamique créé un grand désarroi chez les « véritables » journalistes, lesquels souhaiteraient tout de même faire leur métier le mieux possible en approfondissant chaque sujet, en testant l’exactitude de l’information recueillie et en s’assurant de la crédibilité de leurs sources. Contraints par leurs limites temporelles, les journalistes ne font que des vérifications minimales et devront faire confiance à des sources qu’ils jugent sérieuses et utiles. Souvent même, ils ne vont que reproduire l’information des communiqués de presse reçus à la rédaction, sans aucune vérification.

Quand les journalistes deviennent des « experts »

De plus, les journalistes se donnent du crédit les uns les autres sans vérifier cette crédibilité. Ils ne contre vérifient pas les sources citées dans les articles précédents. Dans les médias électroniques, cela va encore plus loin, puisque sur les panels de discussion, les réseaux d’information font de moins en moins appel à des experts. Ils sont de plus en plus remplacés par des journalistes, beaucoup plus à l’aise avec la caméra et beaucoup plus disponibles, lesquels sont présentés en tant qu’ « analystes experts ».

Et c’est ici que le bât blesse et que l’on retrouve l’une des principales failles du système médiatique actuel. Faute de temps, les journalistes vont se fier à d’autres journalistes qui ont fait leur travail, eux aussi avec le même manque de ressources et de temps.

Ce phénomène de repiquage d’information ou de « vampirisme journalistique » est d’ailleurs dénoncé de plus en plus par les journalistes. « Il n’est pas normal que les mêmes nouvelles, avec les mêmes citations, se retrouvent dans tous les journaux. C’est toute la qualité de l’information qui s’en trouve amoindrie », se plaignaient des collègues journalistes lors du congrès de la de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ) en 2001.

Il vient un temps où tout le monde se fie sur tout le monde. Il est alors facile qu’une fausse information se trouve à entrer dans l’engrenage et se répande comme une traînée de poudre, créant ainsi de grands ravages qu’il sera difficile de réparer.

Quand tout le monde fait confiance à tout le monde, faute de temps pour vérifier si le journaliste ou les sources citées sont dignes de confiance, la porte est ouverte à l’abus de confiance. Les propriétaires, tout comme les autorités, groupes et pouvoirs en place sont conscients de ces lacunes et s’en servent pour permettre ainsi l’abus de pouvoir, la manipulation des masses, bref de faire avancer leur cause par la duperie.

Pour éviter de se conformer

Pour le lecteur, l’auditeur, tout cela ne semble guère rassurant. Rien n’assure les gens qu’ils ne peuvent être victime, de temps à autre, d’abus de confiance de la part des médias. Mais peut-être est-ce leur faute, en bout de ligne, s’ils se laissent prendre au piège ?

Car il est assez paradoxal que, dans un monde où les journalistes font partie des professions auxquelles les gens font le moins confiance, ces mêmes journalistes occupent une place considérable dans l’établissement des opinions, donc de la formation de la réalité !

Peut-être les gens doivent-ils blâmer le manque d’options. Outre les médias, pour avoir une idée concrète, une opinion éclairée sur un sujet, que leur reste-t-il ? Il ne reste que l’expérience personnelle sur le terrain, ce qui est très limitatif.

Bien entendu, il existe encore des journalistes intègres qui, comprenant bien le mécanisme pervers dans lequel s’engouffrent de plus en plus les médias occidentaux, ne se laissent pas piéger et font leur métier avec le plus de rigueur possible. Mais malheureusement, avec les mécanismes décrits plus hauts, ils se font de plus en plus rares, car seuls les jeunes journalistes sachant se conformer à cette nouvelle dynamique sont embauchés ou promus.

L’espoir permis grâce Internet

Toutefois, avec l’arrivée d’Internet, il est maintenant possible de multiplier ses sources d’information et de rester vigilant. Et comme le souligne Jean-Paul Marthoz, Internet joue déjà un rôle fort intéressant dans la décentralisation de l’information.

« Les médias américains ont perdu le monopole qui fut un moment le leur. Lors de la première Guerre du Golfe, CNN servait de référence obligée à tous. (…) Lors de la guerre en Iraq de 2003, la polyphonie a été la règle (…) Malgré le conformisme de la majorité de leurs médias, les Américains qui voulaient en savoir plus ont pu, cette fois, sortir de leur insularité (en s’abreuvant de médias étrangers). Les sites des quotidiens britanniques, The Guardian et The Independent, qui offraient une couverture plus critique de la guerre, ont été pris d’assaut », expose-t-il.

La naissance de nombreux médias citoyens, c’est-à-dire des sites de nouvelles où l’internaute peut lui aussi rapporter la nouvelle, faire ses propres enquêtes et les publier, donne accès à de nouvelles sources d’information. Cependant, leur visibilité n’étant pas encore aussi forte que celle des médias traditionnels, lesquels ont su se bâtir une large fenêtre sur le web, on doit encore attendre pour voir s’ils sauront se montrer comme une véritable alternative.

Il y a aussi ce phénomène nouveau, où chaque citoyen peut posséder son propre média, grâce, notamment, aux blogues. « Quand leur auteur a du talent, certains blogues peuvent acquérir une véritable influence. Aux États-Unis, ils forment de plus en plus de véritables groupes de pression électroniques capables, on l’a vu pour les blogues de droite, de faire tomber un journaliste vedette comme Dan Rather (pour avoir appuyé la diffusion d’un reportage mensonger) ou, pour les blogues de gauche, de forcer à la démission le sénateur républicain Trendt Lott, pris en flagrant délit de propos racistes », exposent Denis Pingaud et Bernard Poulet, dans leur article Du pouvoir des médias à l’éclatement de la scène Publique.

Cependant, cette cacophonie grandissante que l’on retrouve sur Internet laisse plusieurs auteurs et chercheurs perplexes. « Face à la saturation provoquée par la multiplication infinie, et infiniment répétitive, des sources d’information, augmente le risque d’une confusion croissante entre la vérité et la manipulation », font valoir Pingaud et Poulet.

Il est aussi utile de se questionner sur les limites que pourrait avoir Internet dans le futur. Lorsque l’on voit comment la Chine et d’autres pays autocratiques ont réussi à contrôler l’espace Internet sur leur territoire, en interdisant l’accès à de nombreux sites n’allant pas dans le même sens que le régime, rien ne garantit qu’on sera ici protégés contre le même type d’abus de pouvoir gouvernementaux…

Sortir du conformisme social

Pour terminer, rappelons-nous que c’est en connaissant d’abord comment fonctionnent les médias et quelle est leur mécanique interne, en sachant comment se forge l’information quotidienne, en comprenant comment les journalistes recueillent l’information et comment ils la traitent, en comprenant que les reportages ne ressassent, la plupart du temps, que des opinions mises en perspective avec d’autres opinions, ce qui éloigne généralement le public des faits, qu’on est en mesure de distinguer le vrai du faux.

C’est ainsi qu’il est possible de se prémunir contre les informations biaisées, l’abus de confiance, voir la manipulation médiatique.

On peut alors éviter d’avaler tout cru ce qui est rapporté et ainsi éviter se faire avoir par cette véritable conspiration que sont devenus le « politiquement correct » et le conformisme social où tout le monde va dans la même direction, une direction décidée, et soulignons-le à gros traits pour le garder toujours en mémoire, par les élites de la société.

 

yogaesoteric
21 novembre 2018

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