Le millet, substitut du blé ? (2)

 

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Effets secondaires

Les céréales contiennent des facteurs antinutritionnels, c’est-à-dire des substances qui nuisent à l’absorption et à l’utilisation par l’organisme de nutriments importants, comme les protéines et les minéraux.

Phytates

Les phytates sont présents naturellement dans toutes les céréales. Ils ont la propriété de se lier aux minéraux tels le calcium, le fer et le zinc et de les rendre moins biodisponibles. La quantité de phytates contenue dans le millet est comparable aux autres céréales. Lorsque le grain est décortiqué ou moulu, la proportion de phytates ainsi que la quantité de minéraux sont substantiellement réduites. Le millet, sous sa forme raffinée, a donc moins d’impact négatif sur l’absorption du fer et du zinc.

Substances goitrogènes

Comme leur nom l’indique, ces composés causent l’apparition du goitre en interférant avec la production des hormones thyroïdiennes. L’impact nutritionnel des composés goitrogènes est très faible dans les pays industrialisés où l’on ne retrouve à peu près plus de déficience en iode, contrairement à certains pays où l’alimentation est très peu variée. La substance goitrogène du millet entier se nomme thionamide. Comme celle-ci se retrouve dans l’endosperme et le son, le décorticage et les traitements du grain à la chaleur ont pour effet d’en réduire considérablement la teneur.

Inhibiteurs de trypsine

Inhibiteurs de trypsine. Ces inhibiteurs ont été isolés dans le millet perlé. Ils peuvent nuire à l’assimilation (digestibilité) des protéines par le corps. Heureusement, ils sont désactivés par la chaleur et, en nutrition humaine, le millet est toujours consommé cuit.

Histoire du millet

Le terme « millet » est un diminutif de « mil », qui dérive du latin millium, lequel signifie « mille » par allusion aux nombreux grains de la plante. Le mot est apparu dans la langue française en 1256. « Mil » est encore largement employé en Afrique. Au Québec, ce dernier mot désigne la phléole des prés, une graminée cultivée pour le foin et appartenant à un tout autre genre botanique.

On appelle « millet », de façon générique, plusieurs plantes cultivées et sauvages dont les grains servent dans l’alimentation humaine en Asie et en Afrique, ou dans l’alimentation animale en Europe et en Amérique du Nord. Dans diverses régions, on nomme « millet » le sarrasin, le maïs ou le sorgho. Toutefois, de façon générale, le mot désigne le millet perlé (Pennisetum glaucum), qui représente 50 % de toute la production mondiale, ainsi que le millet commun (Panicum miliaceum L. subsp. miliaceum) et le millet des oiseaux (Setaria italica), qui comptent pour 30 %, et enfin l’éleusine (Eleusine coracana) qui représente environ 10 % de la production.

Le millet perlé

En Afrique, on fabrique de nombreuses boissons maltées à partir du sorgho et du millet. Ces « bières » sont considérées comme des boissons nutritives plutôt qu’enivrantes. De courte conservation et peu alcoolisées, elles sont riches en vitamines, en protéines et en minéraux.

Le millet perlé a été domestiqué il y a environ 4.000 ans dans ce qui est aujourd’hui le cœur du Sahara. Tolérant aux conditions extrêmes du désert, il y a remplacé le blé et l’orge dont la culture a été confinée aux régions côtières de l’Afrique, où l’eau était plus abondante. Sixième céréale en importance dans le monde, il constitue une nourriture de base en Afrique et en Asie, tandis qu’en Europe et en Amérique, où sa culture reste marginale, on le destine essentiellement aux animaux d’élevage.

Le millet commun

Le millet commun est originaire de Chine. Sa domestication, qui a précédé celle du froment, est très ancienne. Il était déjà cultivé il y a 8.000 ans ou 9.000 ans en Grèce et en Chine. Dans ce dernier pays, il faisait partie des cinq plantes sacrées et, pendant longtemps, il a dominé le riz. Jusqu’à la fin du Moyen Âge, il a joué un rôle important dans l’alimentation des Européens, particulièrement dans le centre et l’est, avant d’être graduellement remplacé par la pomme de terre. Aujourd’hui, sur ce continent de même qu’en Amérique, on ne l’y cultive plus que comme fourrage, contrairement à l’Asie, où il constitue une céréale de base. Comme pour le millet perlé, des centaines de variétés locales ont été sélectionnées et sont encore cultivées de nos jours.

Les autres millets

D’autres types de millet ont été domestiqués en Amérique, en Australie, en Afrique, en Asie et en Europe durant la préhistoire. Pendant des millénaires, les petits grains de ces diverses espèces botaniques ont permis à des multitudes de survivre, de se développer et de s’épanouir. Certaines espèces ont disparu ou sont retournés à l’état sauvage tandis que d’autres constituent encore la base de l’alimentation dans des régions d’Afrique ou d’Asie où le sol ingrat ne permet d’obtenir aucune autre céréale. C’est notamment le cas du millet des oiseaux et de l’éleusine.

Pour aller plus loin : jardinage biologique

Comme toutes les céréales, le millet exige de grandes surfaces pour sa culture et n’est donc guère adapté au petit potager familial. On peut toutefois le cultiver comme engrais vert, particulièrement dans les platebandes qui recevront des pommes de terre l’année suivante. En effet, on a récemment découvert qu’il agissait contre le nématode des lésions (un ver microscopique qui attaque les légumes à tubercules et à racines) et permettait de protéger la récolte de l’année qui suit et de limiter le recours aux nématicides chimiques. Semer à la volée quand il ne risque plus de geler (fin mai, début juin dans le sud du Québec). On peut également cultiver quelques plants seulement de cette plante spectaculaire qui est généralement considérée, en Occident, comme une plante ornementale.

Écologie et environnement

Dans les pays asiatiques et africains, et particulièrement leurs régions les plus pauvres, le millet et son grand cousin, le sorgho, constituent une nourriture de subsistance pour des millions de personnes. De culture facile, peu exigeants, résistants à la sécheresse (le millet est la plus résistante de toutes les céréales), biodiversifiés et, par conséquent, adaptés aux nombreuses niches écologiques qui caractérisent ces régions du monde, ils sont en outre riches en protéines, hydrates de carbone et lipides, tout en étant peu ou pas allergéniques.

Or, dans la province d’Anda Pradesh, dans le sud de l’Inde, où vivent 75 millions de personnes, un programme de développement international menace ces cultures traditionnelles. On propose en effet de les remplacer par des cultures d’exportation (coton, soya et riz), dont les besoins en eau de même qu’en engrais et pesticides chimiques sont beaucoup plus élevés et risquent de poser des problèmes importants de pollution, tout en entraînant une érosion de la biodiversité génétique des variétés locales de millet et de sorgho. Ce programme prévoit en outre le déplacement de 20 millions de paysans pour lesquels on n’a prévu aucune solution de rechange en terme d’emploi et de revenus.

Enfin, des ONG se demandent de quoi se nourrira la population locale, qui bénéficie pour l’heure d’une nourriture saine, nutritive (particulièrement riche en tryptophanes et en cystine) et goûteuse, tandis que les cultures que l’on prévoit établir sont destinées à l’alimentation animale et à la fabrication d’alcool à usage industriel.

Pour toutes ces raisons, près de 140 groupes venus de tous les coins de l’État ont formé la Coalition de défense de la diversité d’Andra Pradesh afin de défendre leur volonté de préserver les cultures traditionnelles qui permettent de nourrir adéquatement la population sans épuiser les sols, plutôt que de s’orienter entièrement vers des cultures d’exportation polluantes, qui ne sont source de devises que pour quelques rares privilégiés et privent une grande partie de la population de travail, de revenus et de nourriture.

 

yogaesoteric
20 novembre 2018

 

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