Histoire d’Angkor Vat, le célèbre temple d’Angkor

Ses élégantes tours en bouton de fleur se dressent harmonieusement vers le ciel. Des douves de 1,5 kilomètres entourent ce temple aux dimensions colossales, combinant toute la finesse de l’art khmer à l’ingéniosité architecturale. Une large et majestueuse allée de pierres nous invite à pénétrer les successives enceintes de ce temple mythique, sous le regard d’imposants lions et serpents nagas qui veillent sur ce sanctuaire. Symbole du règne d’un puissant roi soleil qui laissa une empreinte plus que visible dans l’histoire khmer, Angkor Vat est le temple le plus célèbre et le plus visité du site archéologique d’Angkor au Cambodge. Quelle est l’histoire de cet exceptionnel temple et de celui qui en ordonna la construction?

Suryavarma II, usurpateur et fondateur d’Angkor Vat

Temple Angkor Vat – Cambodge

Tout commence en 1107, lorsque Dharanindravarman I monta sur le trône du royaume d’Angkor suite au décès de son frère. L’empire khmer vit alors une période de troubles et de guerre civile. Or, le nouveau roi se trouve bien en peine de remettre de l’ordre au sein de son empire. Ce monarque peu ambitieux allait devoir affronter cinq ans plus tard son audacieux neveu. Bien décidé à régner, rêvant de dominer le vaste empire Khmer, le jeune homme lança une offensive contre son oncle. Il remporta une victoire écrasante sur le roi au terme d’une journée de bataille. Quant au roi Dharanindravarman I, il fut tué par son neveu alors qu’il était à dos d’éléphant. Selon une inscription retrouvée sur une stèle, Suryavarma aurait tué son oncle comme un « Garuda sur une montagne aurait tué un serpent ».

L’usurpateur se fit couronner vers 1113 et devint le roi Suryavarma II. Ce monarque allait exercer l’un des règnes les plus ambitieux de l’empire khmer. Exceptionnellement long, son règne perdura jusqu’en 1150. A l’époque, le royaume Khmer dominait l’actuel Cambodge ainsi que le royaume de Lopburi situé dans l’actuelle Thaïlande et le sud du Laos. Au début de son règne, le roi s’employa à solidifier son empire et à rétablir l’ordre, le royaume ayant vécu une longue période de troubles pendant près de 50 ans. Il s’employa également à établir de bonnes relations avec la Chine impériale en envoyant des émissaires à la cour de la dynastie Song entre 1116 et 1120.

Mais Suryavarma II rêvait de conquêtes. Il lança plusieurs offensives contre les Dai-Viets dans l’actuel Vietnam en 1128, 1132 et 1138. Mais ces campagnes s’avérèrent être un échec. Il entra en conflit avec les Chams du royaume de Champa (situé dans l’actuel centre du Vietnam). En 1145, il défit les Chams lors d’une bataille navale et mit à sac la capitale royale. Il semblerait que Suryarvarma II se soit éteint peu après, vers 1150. Si le bilan de ses conquêtes militaires semble mitigé, ce roi a en revanche laissé derrière lui un héritage de taille, le temple Angkor Vat.

Armée khmer – Bas reliefs d’Angkor Vat

Construction d’Angkor Vat – Un temple consacré au dieu Vishnu


Le culte de Vishnu était au coeur du règne de Suryavarma II. Ce roi usurpateur se devait d’assoir sa légitimité. Et quoi de mieux pour cela que de s’associer à un dieu ? Il se fit en s’associant au dieu Vishnu, donnant ainsi une dimension sacrée à son règne. Le choix de Vishnu n’est d’ailleurs pas innocent. Vishnu est le dieu souvent invoqué par les rois en cas de guerre. En choisissant Vishnu, le message était clair ; Suravarman II était bien décidé à imposer son pouvoir et à étendre les frontières de son royaume. Le souverain poussa cette association avec le dieu Vishnu jusque dans la mort. Son nom postume était en effet Paramavishnuloka, un nom identifiant le roi au dieu Vishnu.

À Angkor, chaque nouveau règne est un recommencement et chaque nouveau monarque s’attache à construire son ou ses propres temples. Suryavarma II allait ainsi lui aussi construire un temple hindouiste. Ce temple sera dédié à Vishnu et se devra d’être grandiose. Ce sera Angkor Vat. Comme tous les autres temples, il fut construit selon les règles architecturales khmers mais à une bien plus grande échelle. Angkor Vat se devait d’être à la hauteur de l’ambitieux monarque.

Vishnu est un dieu très populaire dans l’art khmer. Il y est largement représenté sur les bas-reliefs d’Angkor. Doté de quatre quatre bras, il porte une conque, une boule représentant la terre et deux armes, un bâton et un disque. Sa monture est un Garuda, le roi des oiseaux. Dans la mythologie hindouiste, Vishnu a un rôle de protecteur. Quelque soit le danger, Vishnu descent sur terre sous la forme la plus adaptée pour combattre le mal. Il apparait ainsi sous plusieurs avatars qui reflètent l’évolution biologique de l’homme selon la doctrine hindouiste. Il prit par exemple la forme de Matsya, le poisson qui sauva les hommes du déluge ou bien de Kurma, une tortue qui servit de support à la montagne Mandara pendant le « baratage de la mer de lait ».

Ce gigantesque temple recouvre une surface de 1,3 km par 1,5 km (douves comprises). Le nom Angkor Wat signifie littéralement « la ville qui est un temple ». Construit de 1113 jusqu’environ 1150, Angkor Vat est un temple montagne qui offre une exceptionnelle représentation du mont Meru avec ses cinq tours et ses immenses douves symbolisant l’océan cosmique. Visiter Angkor Vat constitue ainsi une accession symbolique du Mont Meru où vivent les dieux. L’ascension du niveau le plus élevé, où se trouvent les cinq tours, était sans doute réservée au roi au aux prêtres.

Comment Angkor Vat fut construit?

Bassins d’eau sacrée – Temple d’Angkor Vat

Comme tous les autres temples Khmers, Angkor Vat fut construit en pierre, un matériau destiné à durer pour l’éternité. La pierre utilisée pour la plupart des temples d’Angkor était le grès extrait du mont Kulen situé à une vingtaine de kilomètres. Les immenses douves du temple n’avaient pas seulement une fonction symboliques, elles occupaient aussi une fonction indispensable à la survie du temple : l’eau entourant le temple permettait de réguler le niveau d’eau qui, trop élevé pendant la saison des pluies et se retirant pendant la saison sèche, menaçait de faire bouger les fondations du temple.

A l’inverse des autres temples khmers orientés vers l’est, le temple est tourné vers l’ouest. En raison de cette orientation inhabituelle, les premiers chercheurs pensaient que le temple symbolisait la fin d’un cycle (le soleil se couchant à l’ouest). Ils en ont conclu qu’Angkor Vat pouvait être le mausolée du roi Suryavarma II. Néanmoins, cette idée fut plus tard rejetée par les historiens. Angkor Vat serait avant tout un temple où l’on révérait Vishnu ainsi que l’esprit de Suryavarma II qui avait « rejoint le paradis de Vishnu ». Quant à son orientation vers l’ouest, elle s’expliquerait par le fait que Vishnu était le souverain des territoires de l’Ouest.

Si le temple nous apparait aujourd’hui gris, il faut imaginer Angkor Vat autrefois recouvert de couleurs. On trouve encore aujourd’hui quelques traces de peinture rouge dont les pigments ont résisté aux assauts du temps. En revanche, les couleurs comme le blanc ou bleu ont disparu. Selon les chercheurs, les murs étaient autrefois recouverts de peinture blanche tandis que les toits étaient dorés. Angkor Vat devait sans aucun doute être spectaculaire.

Plafond du temple d’Angkor Vat – On peut encore apercevoir des traces de peinture rouge

Splendeur de l’art khmer et épopées hindouistes

L’immensité d’Angkor Vat et la beauté de ses magnifiques bas-reliefs font de ce temple l’apogée de l’art khmer hindouiste. Ces bas-reliefs content de très populaires récits mythologiques hindouistes comme le Ramayana (les bas-reliefs y décrivent la bataille de Lanka), le barattage de la mer de lait et le récit épique Mahabharata. Vishnu, le dieu auquel Angkor Wat est dédié, joue un rôle essentiel dans cet épisode de la mythologie hindouiste. On peut aussi y admirer une procession royale menée par Suryavarma II ainsi qu’une version du paradis et des enfers où les pêcheurs subissent des tortures aussi horribles qu’imaginatives.

Le Ramayana, récit mythologique

Bas-relief contant un épisode du Ramayana, la bataille de Lanka (le royaume du démon Ravana) – Angkor Vat.

Le Ramayana est la légende qui a le plus pénétré l’art et la culture des pays de l’Asie du sud-est. Le récit est d’ailleurs toujours présent au sein de la culture cambodgienne et est même interprété au ballet royal du Cambodge. On considère que la composition du Ramayana eut lieu entre 200 avant notre ère et 200 après J.C. Le récit a évolué et donné lieu à de nombreuses variantes. La version du poète Valmiki est celle qui prévaut dans l’art khmer. Ce récit met en scène les aventures du héro Rama et de l’enlèvement de sa femme Sita par le démon Ravana, captivé par sa beauté. Rama était un des multiples avatars de Vishnu. Il était descendu sur terre pour combattre le démon Ravana. Pour secourir Sita, Rama et son frère Laksmana s’allièrent à Hanuman, singe blanc demi-dieu à la force exceptionnelle et dirigeant une armée de singes. La bataille contre le démon Ravana fit rage mais l’armée de singes triompha. Sita put enfin être délivrée au bout de 14 années de captivité. Le couple retourna dans son royaume. L’histoire aurait pu s’achever là mais Rama, rongé par le doute, se mit à questionner la fidélité de son épouse. Pour prouver son innocence, elle invoqua la déesse de la terre lui demandant d’émerger de la terre si elle s’était fidèlement conduite. La déesse apparut et emmena Sita avec elle. Elle laissa derrière elle un Rama désemparé et plein de remords. Il continua à gouverner sans joie son royaume pendant plusieurs années avant de réintégrer le paradis sous sa forme divine, celle du suprême dieu Vishnu.

Le barattage de la mer de lait ou la soif d’immortalité

Cet étonnant récit mythologique raconte la quête des dieux pour maintenir leur immortalité. L’amrita est un nectar d’immortalité qui est créé par l’océan cosmique (la mer de lait) à chaque cycle de création d’un monde nouveau. Or, lors d’un de ces cycles, le précieux liquide n’a pas été produit. Les dieux décidèrent donc de baratter l’océan cosmique pour produire eux-mêmes l’amrita. Mais pour cela les dieux durent s’allier aux asuras, des êtres démoniaques. Vishnu leur promit une part du nectar en échange de leur aide. En réalité, Vishnu n’avait aucunement l’intention de les laisser boire la liqueur d’immortalité. Les dieux allèrent chercher un serpent géant à cinq têtes, Vasuki, et s’en servir de corde pour le barattage. Le serpent se retrouva ainsi enroulé autour de la montagne Mandara qui servait de baratte. Vishnu prit la forme d’une tortue, Kurma, qui servait de socle pour empêcher la montagne de sombrer dans l’océan. Pendant 1000 ans, les dieux et asuras firent tourner la montagne. Puis le nectar apparut enfin. Les asuras tentèrent de s’en emparer mais Vishnu prit la forme d’une femme d’une grande beauté qui troubla les asuras au point d’en oublier la liqueur. Les dieux en burent la totalité, ne laissant pas une goutte aux asuras.

Le Barattage de la mer de lait. On peut y voir les asuras tirant le corps du serpent Vasuki – Bas-relief d’Angkor Vat

Les devatas, nymphes célestes

Les murs d’Angkor Vat offrent également des bas-reliefs et des linteaux aux motifs végétaux. Ils sont très adroitement sculptés et finement ciselés. Enfin, ce temple abrite 1832 devatas ! Tantôt parées de bijoux, de coiffures élaborées et de superbes costumers, elles sont un témoignage de l’art raffiné des khmers. Egalement appelées Apsaras, elles sont des divinités féminines pouvant être décrites comme des nymphes, des courtisanes célestes qui charment les dieux par leur danse et leur chanson. Elles naquirent du barattage de la mer de lait.

Une deveta du temple Angkor Vat

Un temple aujourd’hui menacé

Dédié à Vishnu, le temple fut ensuite converti au bouddhisme lorsque le royaume Khmer devint bouddhiste. Le temple d’Angkor Wat continua à être utilisé par des moines bouddhistes aux XVème et XVIème siècle. Parmi les quelques statues que l’on peut encore voir à Angkor Vat, certaines sont des représentations de Bouddha. Mais cet héritage exceptionnel est aujourd’hui menacé par l’érosion qui met notamment en péril les sculptures extérieures sujettes aux intempéries. Certaines fresques sont également victimes de la « maladie du grès » qui menace de faire tomber des parties des bas-reliefs. Il faut également lutter contre les infiltrations en protégeant les toits où s’infiltre l’eau, en rebouchant les fissures et en consolidant le grès des parties extérieures du temples. La végétation protégeait autrefois les temples à présent exposés à la pluie.

yogaesoteric
19 novembre 2017

Also available in: Română

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