L’intelligence artificielle ou Dr. Jekyll et M. Hyde
Il est capable en quelques secondes de répondre à n’importe quelle question ; il peut expliquer un sujet complexe de manière simple et structurée ; il peut rédiger des articles ou des dissertations, écrire des œuvres de fiction ou des poèmes, voire des lignes de code informatique ; il pourrait même décrocher un diplôme universitaire. Il ?
Le robot conversationnel ChatGPT, nouvelle star de l’intelligence artificielle (IA).
Stanley Kubrick l’avait imaginé, avec le romancier Arthur C. Clarke, sous le nom de HAL 9000 dans son chef-d’œuvre, 2001 : l’odyssée de l’espace, qui a révolutionné le septième art et la science-fiction, en 1968. Cinquante-cinq ans plus tard, une jeune pousse californienne de San Francisco, OpenAI, épaulée par Microsoft, l’a réalisé, grâce au travail sur plusieurs années d’une équipe de chercheurs et d’informaticiens.
Un véritable phénomène de société
En accès libre – pour le moment –, ChatGPT est devenu un véritable phénomène de société. Au point que cet agent logiciel a attiré plus de 100 millions d’utilisateurs, deux mois seulement après son ouverture au grand public, le 30 novembre 2022. Les lycéens ne jurent plus que par lui pour… leurs devoirs à la maison. Les professeurs commencent à s’arracher les cheveux pour détecter les tricheries. Et une grande école comme Sciences Po Paris l’a strictement interdit à ses étudiants sous peine d’exclusion, « à l’exception d’un usage pédagogique encadré par un enseignant ».
Le résultat des requêtes, il est vrai, est bluffant. Les textes produits par l’intelligence artificielle sont de qualité, respectant la syntaxe et sans aucune faute d’orthographe. Même si le contenu est souvent fade et répétitif avec parfois des erreurs factuelles. Mais ces robots fascinent autant qu’ils inquiètent (Google et son concurrent chinois Baidu vont d’ailleurs lancer les leurs, baptisés respectivement « Bard » et « Ernie Bot »).
Leurs domaines d’application apparaissent en effet innombrables. Citons l’éducation (apprentissage et ressources pédagogiques), la santé (évaluation des symptômes et diagnostics médicaux), le droit (rédaction de contrats, recherche de jurisprudences), et bien sûr, la finance (détection de fraudes, contrôle de conformité, etc.). Avec, comme revers de la médaille, des milliers de suppressions d’emploi à la clé.
Pas à la hauteur
ChatGPT a été interrogé directement sur sa valeur ajoutée dans le domaine de la gestion de patrimoine. Voici sa réponse : « Les robots conversationnels peuvent fournir une réponse immédiate aux questions les plus courantes, libérant ainsi du temps pour que les conseillers se concentrent sur des tâches plus complexes. En outre, les robots peuvent travailler 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, offrant ainsi une disponibilité constante pour les clients ».
ChatGPT ne s’est pas montré à la hauteur, en revanche, lorsqu’on lui a posé des questions précises sur le Livret A et le Plan d’Epargne Logement (PEL). Selon lui, la rémunération du livret le plus populaire de France est imposable, alors que les intérêts ne sont soumis ni à l’impôt ni aux prélèvements sociaux. Quant au PEL, il n’a manifestement pas intégré les dernières évolutions réglementaires dans ses milliards de données…….
Dans son livre Cool Memories, Jean Baudrillard, philosophe et théoricien de la société contemporaine, disait que « la tristesse de l’intelligence artificielle, c’est qu’elle est sans artifice et donc sans intelligence ». Mais on est loin de 1997, lorsque le supercalculateur Deep Blue, spécialisé dans les échecs, a finalement battu le champion du monde de l’époque, Garry Kasparov, lors d’un match revanche.
L’évolution rapide de ChatGPT suggère peut-être l’aspect le plus dangereux : une cohorte d’utilisateurs en croissance exponentielle préfère utiliser l’intelligence des autres.
yogaesoteric
28 juin 2023
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