Irresistible : Comment les nouvelles technologies rendent les gens dépendants

 

Certains comportements peuvent entraîner une dépendance. Ces addictions comportementales ont des mécanismes très proches des pratiques addictives basées sur la consommation de substances psychoactives.

La dépendance aux jeux de hasard et d’argent est une des addictions comportementales les plus courantes, de même que la cyberaddiction, les achats compulsifs, les addictions sexuelles, les troubles du comportement alimentaire… Il existe, en milieu de travail, 2 types d’addiction comportementale : le workaholisme (dépendance au travail) et la technodépendance (internet, courriels, téléphone portable…).

Workaholisme

Le terme de workaholisme existe depuis les années 70. Mais déjà au début du XXe siècle, la « névrose du dimanche » était décrite par un élève de Freud. Les « drogués du travail » ont peur de l’inactivité, qui les met face à leurs émotions et à leurs angoisses. Ce sont également des personnes en recherche de défis permanents : un travail hyper-sollicitant leur procure dans un premier temps plaisir et satisfaction, mais à terme les rend dépendants.

Certains contextes organisationnels visant l’efficacité à tout prix, et/ou la culture de l’excellence, peuvent expliquer le phénomène. Sont également évoqués des objectifs fixés trop élevés ou des contextes particuliers de précarité professionnelle (menace de fermeture d’entreprise, plan de restructuration, fusion d’entreprise avec réduction de personnel, travail temporaire et recherche de stabilité professionnelle…).

Le workaholisme peut entraîner des conséquences sur le travailleur lui-même et/ou sur son entourage professionnel ou familial. Il peut être à l’origine de stress, de symptômes de surmenage et d’épuisement professionnel pour le travailleur. Le workaholisme peut générer une pression professionnelle exagérée pour les collaborateurs.

Technodépendance

L’usage professionnel des nouvelles technologies d’information et de communication (NTIC) est maintenant courant dans les entreprises. Ces outils technologiques permettent un gain de temps lors de la réalisation de certaines tâches : échanges de données, recherche d’information, messagerie électronique, outils de gestions et de transactions commerciales…

Toutefois, chez certaines personnes se développe une dépendance à ces technologies. Actuellement, les conséquences de la technodépendance sont étudiées essentiellement chez les adolescents et les adultes jeunes. L’apparition de troubles musculosquelettiques, de perturbation du sommeil et de problèmes relationnels est relevée dans plusieurs études. En milieu de travail, l’utilisation d’outils de communication mobile (smartphones, ordinateurs portables…) peut rompre la frontière entre vie professionnelle et vie privée. Enfin, d’après une expertise collective menée en 2011 par l’Inserm et l’IFSTTAR (Institut français des sciences et technologies des transports, de l’aménagement et des réseaux), téléphoner tout en conduisant multiplie par 3 le risque d’être impliqué dans un accident matériel ou corporel.

Comment tous les gens peuvent être victimes d’addiction comportementale au numérique

Au moment où vous lisez ces lignes, des milliers de personnes d’une intelligence diabolique travaillent à concevoir des produits auxquels vous ne pourrez pas résister.

L’attention est une ressource précieuse que des entreprises convoitent. C’est pourquoi elles cherchent à faire de leur mieux pour s’assurer qu’on prête attention à leur produit plutôt qu’à celui d’un concurrent.

Avec l’essor des appareils mobiles et des réseaux sociaux, le contexte de l’addiction n’est plus limité chez soi. Partout, on est entourés de déclencheurs addictifs qui peuvent entraîner le stress, la dépression et l’insomnie.

Dans « Irresistible : The Rise of Addictive Technology and the Business of Keeping Us Hooked », le psychologue social Adam Alter explique l’apparition des comportements addictifs, les astuces psychologiques qui rendent les produits si irrésistibles et quelles stratégies adopter pour avoir une relation plus saine avec nos appareils.

Tous les gens sont vulnérables aux addictions

Pendant longtemps, on a pensé que l’addiction était principalement liée aux substances chimiques : l’héroïne, la cocaïne, la nicotine. Il y avait une fausse idée populaire selon laquelle les toxicomanes étaient immorales et faibles.

Au cours des dernières années, les comportements addictifs sont devenus plus communs, plus difficiles à résister et plus grand public. Des personnes développent des addictions cliniques aux jeux vidéo, aux plateformes de réseaux sociaux (Facebook, Instagram et Snapchat).

Ces nouvelles addictions n’impliquent aucune substance, mais elles produisent les mêmes effets parce qu’elles sont attirantes et bien conçues ; elles activent les mêmes régions cérébrales, et sont alimentées par certains des mêmes besoins humains fondamentaux : l’engagement social et le soutien social, la stimulation mentale et un sens de l’efficacité.

Une étude de 2011 a suggéré que plus de 40 % de la population souffrent d’une forme de dépendance liée à Internet (courriels, jeux, pornographie). Ce chiffre est certain d’avoir augmenté avec l’adoption des tablettes, smartphones et autres applications.

La Chine est devenue le premier pays à déclarer l’addiction à Internet comme un trouble clinique, l’étiquetant comme « la menace de santé publique numéro un » pour sa population d’adolescents. C’est un problème de masse dont les conséquences à venir demeurent inconnues.

Les ingrédients de l’addiction comportementale

La dépendance est essentiellement la volonté de s’engager dans un comportement immédiatement gratifiant malgré des conséquences négatives à long terme pour le bien-être physique, mental, social ou financier.

L’addiction comportementale se compose de six ingrédients :

– Des objectifs irrésistibles qui sont à la portée
– Une rétroaction positive et imprévisible
– Un sens du progrès incrémental et un sentiment d’amélioration
– Des tâches qui deviennent lentement plus difficiles au fil du temps
– Des tensions non résolues qui exigent une résolution
– Et de solides liens sociaux

En théorie, vous pouvez être accro à tout un tas de choses. Tant que cela parvient à répondre à un besoin profond et que vous le faites de façon compulsive en négligeant d’autres aspects de votre vie.

On est conçus de telles sortes que, tant qu’une expérience touche les bons boutons, les cerveaux libéreront le neurotransmetteur de la dopamine, ce qui déclenche un sentiment de plaisir intense à court terme. Si vous mettez quelqu’un en face d’une machine à sous, son cerveau ressemblera à celui d’une personne qui prend de l’héroïne.

Mais ce plaisir initial diminue progressivement lorsque le comportement se répète. Cela fait que les gens aggravent l’addiction en dépensant de plus en plus de temps en ligne, dans une tentative futile de retrouver cette première sensation de dopamine.

L’addiction n’est pas seulement une réponse physique ; elle est aussi une réponse psychologique à cette expérience physique.

Les usages technologiques ont évolué

Combien de temps pensez-vous passer par jour à regarder votre téléphone ? Kevin Holesh, un développeur, s’est posé la question alors il a conçu Moment, une application pour mesurer le temps que passe un utilisateur devant son écran.

Parmi les personnes qui ont téléchargé l’application, plus de 88 % utilisent leur téléphone plus d’une heure par jour, la moyenne étant de trois heures. L’utilisateur typique consulte son téléphone 40 fois en 24 heures. En 2008, avant l’ère des smartphones, c’était à peine 18 minutes par jour.

De façon troublante, cette relation moderne avec les téléphones a révélé un nouveau type de dépendance. Les chercheurs ont inventé le terme « nomophobie » pour décrire la peur d’être sans contact avec un téléphone portable (abréviation de « no-mobile-phobia »).

Pour beaucoup des gens, vérifier son téléphone est devenu un acte compulsif et contraignant puisque l’indulgence ne fait que soulager l’inquiétude soulevée. Une telle dépendance nous empêche de développer notre capacité à mémoriser ou à être créatif puisque le téléphone se charge de tout à votre place, il est intelligent après tout…

Les récompenses imprévisibles augmentent les chances de dépendance

Lorsqu’on est récompensés pour la réalisation d’une action simple, on peut commencer à développer une dépendance. Cela est particulièrement vrai si on ne sait pas quand cette action simple sera récompensée.

Plus la récompense plus imprévisible, plus la poussée de dopamine est grande. Ce même système de rétroaction peut être trouvé dans les médias sociaux. Le bouton « like » est un exemple parfait qui exploite nos vulnérabilités psychologiques.

L’apparition du bouton « like » (« j’aime ») remonte en 2008. Facebook l’a présenté comme une nouveauté pour fournir aux utilisateurs un moyen rapide et facile de donner à leurs amis des commentaires sur leurs contenus.

Chaque publication sur les réseaux sociaux est comme tirer sur le levier d’une machine à sous. Si vous n’avez pas le moindre like, ce n’est pas seulement douloureux, c’est aussi une condamnation publique : soit vous n’aviez pas assez d’amis en ligne, soit, pire encore, vos amis en ligne n’étaient pas impressionnés.

Les gens ne sont jamais vraiment sûrs de leur propre valeur, qui ne peuvent être mesurés comme le poids, la taille ou le revenu. Le like est devenu un indice de popularité, une forme de soutien social de base — l’équivalent en ligne de rire de la blague d’un ami en public — une validation qui cimente la vie sociale.

Il n’est donc pas surprenant que presque toutes les plates-formes de médias sociaux, y compris des sites comme LinkedIn et YouTube, comportent ces boutons de rétroaction addictifs.

Comme toute autre dépendance, les dépendances technologiques peuvent être surmontées. Il existe des solutions créatives et pratiques pour aider à briser le cycle.

Comment lutter contre l’addiction numérique

Ayez conscience de votre addiction. C’est le premier pas que vous pouvez faire pour reconnaître que votre problème existe. Prenez un moment, éteignez vos appareils et demandez-vous :

– Quelle est la technologie qui devient irrésistible dans ma vie ?
– Quels sont les bénéfices que vous tirez dans votre utilisation de ___ ?
– Comment aimeriez-vous que les choses soient différentes ?
– Comment votre utilisation de ___ affecte-t-il votre bien-être ?
– De quelle manière pensez-vous que vous pourriez faire mieux ?

Créez un environnement qui limite vos impulsions addictives en installant des applications utiles.

– Flux (Windows, Mac)| Twilight (Android) : pour couper la lumière bleue de vos écrans qui perturbe votre capacité naturelle à dormir.
– AbBlock Plus (Chrome, Firefox, Safari, Opera) : fini la pub ! Regagnez votre attention à chaque contenu que vous consultez.
– Freedom : retrouvez votre productivité en limitant le temps que vous passez sur des sites Web/Applications sans intérêt.
– Moment (iOS) : découvrez combien de temps vous passez sur votre téléphone.
– RescueTime (Windows, Mac, Android) : découvrez combien de temps vous passez sur différentes applications ou sites Web.

Désactivez toutes les notifications qui proviennent des machines. Gardez uniquement actives les notifications pour les personnes qui veulent vraiment votre attention (WhatsApp, Facebook et Messenger).

Limitez vos choix à l’écran principal. Lorsque vous débloquez votre téléphone, seules les applications vraiment utiles – comme les outils –  doivent figurer dans cet écran. Déplacez toutes les autres loin de la première page ou dans des dossiers.

Lancez vos applications en les tapant dans la barre de recherche. Cela vous oblige à faire un choix conscient, à faire une pause pour interroger la pertinence de votre besoin.

Dormez à l’écart de votre téléphone pour ne pas que vous soyez tenté de l’allumer. Mettez-le dans une autre pièce.

Évitez d’ouvrir plus de deux onglets sur votre navigateur Internet. Chercher à être multitâches est totalement contre-productif. Concentrez-vous sur une seule chose à la fois, vous serez beaucoup plus efficace.

Envoyez des messages audio plus souvent. Parfois, c’est plus rapide que de taper un message et puis c’est plus sympa !

 

yogaesoteric
27 janvier 2019

Also available in: English

Leave A Reply

Your email address will not be published.

This site uses Akismet to reduce spam. Learn how your comment data is processed.

This website uses cookies to improve your experience. We'll assume you're ok with this, but you can opt-out if you wish. Accept Read More