L’« œuvre positive » de la colonisation (2)

 

Lisez la première partie de cet article


« Le journal français l’Echo des mines avait rapporté en 1896 que le fer qui a servi à la construction de la tour n’est pas n’importe lequel. Il a fait l’objet d’un choix minutieux. Il vient de mines algériennes et a été fabriqué dans les forges et usines de Pompey Fould-Dupont en Lorraine, Gustave Eiffel l’a choisi notamment en raison de ses propriétés mécaniques. Pour illustrer l’intensité de l’activité minière, à cette époque, il y a lieu de noter que la production des minerais de fer a enregistré en Algérie une moyenne de 400.000 tonnes par an depuis 1875 pour culminer en 1928 à 2.006.092 tonnes. Le prix de la tour Eiffel, avec l’ornementation et les nécessités architecturales, a atteint les 5 millions de francs, tandis que la tour métallique a coûté à elle seule 3,405 millions de francs de l’époque. Le minerai provenant d’Algérie représente plus de 68% du prix de la tour ! (…) »

Un autre site confirme s’il en était besoin la pureté et la provenance du fer nécessaire à la construction de la Tour Eiffel. On lit :

« Le fer qui a servi à la construction de la tour n’est pas n’importe lequel, bien sûr. Il a fait l’objet d’un choix minutieux. Il a été acheté à une usine de Meurthe-et-Moselle et vient de mines algériennes. La question de l’origine du fer de la tour Eiffel nous amène donc en voyage… Lorsque Gustave Eiffel passe commande pour 8.000 tonnes de fer puddlé, ce dernier se tourne vers des fournisseurs de minerai. La qualité demandée par Eiffel est à récupérer en Algérie, dans les mines de Zaccar et de Rouïna, deux sites distincts. Les mines du Zaccar sont en Algérie, à Miliana. La mine est surprenante, son entrée n’est qu’un simple trou de deux mètres de diamètre, à flanc de coteaux de la montagne. L’étaiement laisse à désirer, la galerie finit par arriver à un puits de plus de 10m de profondeur. C’est au fond de ce puits que commencent les galeries d’extraction. Ces galeries sont équipées de chemin de fer et de wagonnets dans lesquels sont versées les roches. Tirés à main d’hommes, ils sont ensuite vidés dans une fosse qui tombe sur des terrasses à ciel ouverts. C’est de ces terrasses que l’on récupérait les pierres avant chargement et envoi en Lorraine. Il faut signaler que ce site n’est pas un site industriel, c’est la raison pour laquelle il n’y a aucun équipement comme des hauts-fourneaux. C’est juste un site d’extraction. Rouïna est une ville d’Algérie, assez proche de Miliana. Durant l’occupation française la mine de Rouïna était équipée d’infrastructure sidérurgique de pointe, avec entre autre un haut-fourneau à moyenne température. Le minerai qui en était extrait était broyé et acheminé dans ces fonderies d’Algérie ou de France. »

L’auteur nous explique ensuite que la civilisation a pacifié (trois pages) les escarmouches intertribales (en prenant un cas sur la multitude) c’est comme si on rapportait les escarmouches de lorrains de Bretons entre eux comme connaissent tous les peuples, à l’instar des guerres dites de trente ans, de cent ans en Europe où les serfs en nombre veillaient au confort des nobles.

Pour lui, Dieu fait alors appel aux Européens pour sauver les Africains. Ce qu’il firent avec un sabre dans un main et un goupillon de l’autre si on en réchappe pour donner l’extrême onction ou être converti en étant sauvé par l’église. Pour lui c’est une bénédiction qu’il y ait eu ce sabre et ce goupillon et la guerre d’épouvante pour sauver ceux qui restent des génocides européens pour les faire rentrer à tout prix dans le giron de la vraie religion tout en faisant des sous-hommes taillables et corvéables.

La colonisation n’est donc apparemment pas plus à l’origine de la puissance industrielle de l’Occident qu’elle n’est la cause du sous-développement de l’Afrique. En clair, malgré toute la rapine les pays européens du Sud, l’auteur avoue que les pays du Nord sont plus développés. Naturellement, il n’attribue pas ce retard économique à une déficience scientifique économique, la cause – fausse au demeurant – est le boulet colonial.

L’auteur martèle à la suite de son renfort Jacques Marseille, que les colonies était un poids mort pour la métropole – chiffres discutables à l’appui – et que quand elle s’en est débarrassée la France s’est développée. La question que nous lui posons est la suivante : Pourquoi la France est restée dans un pays qui lui coutait cher ? Pourquoi fallait-il ensuite une guerre – évènements d’Algérie pendant longtemps – qui a duré huit ans, une guerre qui a laissé des cicatrices dans l’imaginaire algérien qui ne s’est pas remis d’un tsunami qui a eu lieu un matin de juillet 1830, qui s’est perpétué pendant 132 ans de malheur et de désolation et terminé avec l’extermination d’un million des meilleurs enfants ? Pourquoi a-t-il fallu huit ans de guerre pour qu’il y ait délestage, qu’il y ait 30.000 soldats français morts pour une cause perdue d’avance malgré toutes les tentatives de « troisième force du MNA, des Bellounis, de Sahara mer intérieure »…

On est en droit de s’interroger pourquoi la propagande coloniale a-t-elle donné l’illusion aux Français nés en Algérie, qu’ils étaient là pour l’éternité en tant que colons ne faisant rien pour considérer les Algériens comme des citoyens à part entière qui avaient droit à la dignité au lieu et place du Code de l’indigénat qui leur a été infligé ?

La détresse réelle des rapatriés européens et des harkis – considérés bien plus tard comme des sous hommes par un ténor du parti socialiste n’avaient pas vocation à rester en France parce que pour de Gaulle, ce n’était pas la patrie de leur père, cette détresse, ils la doivent au pouvoir colonial et pour certains à leur certitude qu’ils appartenaient à une race supérieure, ne pouvant concevoir d’avoir des concitoyens algériens comme eux dans une République algérienne libre et équidistantes des espérances religieuses. L’OAS n’a fait qu’élargir le fossé entre les communautés, et les 200.000 Français d’Algérie qui sont restés, en définitive, sur le million ont compris qu’ils n’avaient à craindre que leur avenir était en Algérie. Certains même reviennent d’une façon discrète et sont étonnés de voir comment les Algériens sont avenants dans leur accueil au point que certains regrettent d’être partis.

Certains parmi ces français d’Algérie eux se sont battus côte à côte avec les autres Algériens pour la liberté et l’indépendance de l’Algérie. Il eut été plus sage pour la France de n’être jamais venue en Algérie ou au mieux partir à partir du moment où les dépenses de la colonie étaient insupportables pour la colonie et l’empêchaient d’avoir le niveau de la Suède si elle n’avait pas perdu 132 ans à supporter une colonie qui n’a fait que prendre !!

Ce que fut « l’œuvre positive » de l’Algérie pour la France

Sans rentrer dans le détail de tout ce qu’a fait l’Algérie pour la France durant un compagnonnage de 132 ans, on se souvient de quelques « moments » par exemple ce que l’auteur « oublie pieusement » d’écrire que – la France fut accompagnée dans toutes les querelles qu’elle a faites au monde – par les Algériens qui payèrent le prix du sang en vain. Non content de prendre les matières premières, le pouvoir colonial « s’empare de la force vive pour guerroyer de par le monde et offrir de la chair à canon algérienne. Mieux encore, en période de paix ce sont les tirailleurs béton qui ont participé à la reconstruction de la France, les trente glorieuses, les constructions des autoroutes, des bâtiments, des usines et tous les métiers indignes des Français ont été le lot des émigrés sans reconnaissance aucune. Dans son texte, l’auteur va jusqu’à s’apitoyer sur le sort des peuples africains, il oublie que c’est grâce à la colonisation que ces peuples sont clochardisés pour reprendre l’expression de Germaine Tillon. Qui sait s’ils n’auraient pas évolué différemment s’ils n’avaient pas été tenus soigneusement en marge du progrès et de la connaissance? Quand on pense qu’en 132 ans la colonisation a formé en Algérie moins d’un millier de personnes aucune pratiquement dans les sciences et la technologie.

Le président Ferhat Abbas a déclaré lors d’une réunion avec les cadres formés alors que la guerre d’épouvante battait son plein, “ nous avons formé en cinq ans plus que le système éducatif colonial en 132 ans en cadres techniques et scientifiques ” ».

La reconnaisse des Algériens pour les « Justes »

Cependant, le peuple algérien de par sa culture, son identité et son espérance religieuse n’est pas ingrat, il n’oublie pas les « Justes », toutes celles et ceux qui l’on accompagné pendant ces 132 ans d’épreuve. Dans ce cadre, si l’éducation ne fut permise aux Algériens qu’à dose homéopathique, – on a été des voleurs de feu pour reprendre l’élégante formule de Jean El Mouhouv Amrouche. On ne peut pas être reconnaissants aux maîtres, ces hussards de la République qui prirent beaucoup de risques pour venir devant les Algériens et les éduquer. On associe dans le même hommage le dévouement de beaucoup de médecins qui comprirent leur mission en soignant la détresse des Algériennes et des Algériens. On ajoute enfin le dévouement de tous les Européens d’Algérie qui ont cru en la nécessité de l’indépendance de l’Algérie qu’ils considèrent à juste titre comme leur pays pour s’y être battus, Claudine et Pierre Chaulet, à Daniel Timsit, à Fernand Yveton, à Maurice Audin, à Henri Maillot à Maurice Leban, l’abbé Berenguer et tant d’autres qui se dévouèrent à en mourir pour l’Algérie.

On n’oublie pas d’ajouter que dans ce long et douloureux compagnonnage il y eut des Français qui défendirent la cause algérienne, comme Frantz Fanon, Francis Jeanson, Jean-Paul Sartre. Ils se dévouèrent sans retenue. Ce pays grandirait en affirmant qu’à côté de Saint Arnaud qui avait « les états de service d’un chacal » à en croire Victor Hugo, des Berthezène, des Bugeaud. La nostalgérie n’a pas d’avenir devant la réalité de la colonisation qui fut globalement négative et malheureuse pour les indigènes.

En terminant cette analyse, on retient le nouveau concept de colonisation heureuse voilà qui nous perturbe quant à la définition du bonheur ! Les 6 millions d’Algériens qui sont passés de vie à trépas, victimes de l’oeuvre d’épouvante, de l’évangélisation forcée d’un autre enragé, le cardinal Lavigerie, des famines organisées et par-dessus tout de la torture tout au long de ces cent trente-deux ans témoignent de cette colonisation heureuse ; non, la réconciliation n’est pas pour demain avec ces envahisseurs imbus de la certitude d’appartenir à la race des élus qui veulent le bonheur des Algériens à tout prix, même à celui de les exterminer…

 

yogaesoteric
24 juin 2018

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