La lettre d’Albert Pike à Mazzini (2)

 

Lisez la première partie de cet article

D’autre part, nous n’avons pas à nous préoccuper d’état de transition du groupe indien ; car ses prêtres sont d’ores et déjà dans la vraie lumière.

C’est pourquoi, à l’heure marquée dans le livre des cieux, c’est à dire quand le catholicisme romain aura atteint son dernier maximum d’adeptes par la réunion des orthodoxes ou schismatiques, il trouvera en face de lui plus d’un milliard de catholiques lucifériens.

La question se résume, en conséquence, à ceci : il faut que nous soyons prêts, lorsque nous nous trouverons être un milliard et plus, faisant enfin flotter haut nos étendards, à produire l’explosion qui fera sauter le Temple d’Adonai ; alors, en d’autres termes, la superstition devra être tellement impuissante et ruinée, que ses adeptes viendront d’eux-mêmes se fondre dans nos rangs, – et les miracles éclatants qui ouvriront leurs yeux nous sont promis, – et que, s’il reste à ce moment encore quelques prêtres obstinés à vouloir prêcher le dieu-Mauvais, leur extermination s’exécutera sans aucune difficulté.

Comment donc tout doit-il être dirigé pour que nous parvenions graduellement et paisiblement à cette échéance inéluctable ?

La tactique est variable, selon que nous manœuvrons en pays où domine l’élément catholique romain ou bien en pays où domine l’élément protestant, pour parler ici du groupe chrétien.

L’œuvre principale est celle qui a pour but de transformer les catholiques romains en libres-penseurs déistes. Nous devons nous y appliquer de toutes nos forces ; car ce sera la transition du plus grand nombre. L’expérience a démontré que peu nombreuses sont les âmes privilégiées qui s’arrachent d’un seul bon à l’abîme de l’obscurantisme pour prendre leur vol hardi dans l’éther des divines et vivifiantes lumières.

Pour cela, il faut conquérir les sièges du gouvernement de ces peuples ; tout est là. Soit dans les républiques, soit dans les états monarchiques, nous devons faire promulguer des lois, annihilant partout l’influence des prêtres de la superstition et de leurs auxiliaires, les moines qui se mêlent au peuple et les nonnes qui entretiennent les âmes dans l’erreur, en se couvrant du manteau d’une trompeuse bienfaisance. Il faudra, d’une part, au moyen de la presse dont nous inspirons les écrivains, montrer combien est avilissante pour la dignité humaine l’aumône des mauvais catholiques, et cela en faisant ressortir que l’individu a droit au bien-être par des réformes sociales et non par des secours d’une routinière charité, et, d’autre part, au moyen des parlements législateurs ou n’importe comment, disperser les congrégations impopulaires, ruiner adroitement celles que des préjugés profanes à ménager encore, en un mot, faire disparaître tout ce qui est moine ou nonne.

Dans l’ordre intellectuel, spécialement, il faut obtenir des pouvoirs publics la neutralité de l’école, afin que le prêtre ni aucun de ses auxiliaires n’y pénètrent plus désormais; ensuite, on arrivera à détourner les parents de la pensée, qu’ils pourraient avoir dans les premiers temps de la neutralisation, de faire donner à leurs enfants l’enseignement catholique romain en dehors de l’école neutralisée. En effet, empêcher que les nouvelles générations aient l’intelligence oblitérée par le mensonge des mauvais dogmes est un point capital. Mais il faudra, en même temps, prendre des mesures sérieuses pour que l’enseignement officiel reste neutre et ne tombe pas dans l’athéisme; la neutralité nous suffit, c’est à dire l’étouffement de toute tendance à insinuer dans les jeunes cerveaux les faux dogmes adonaites.

Il existe, en effet, en l’âme humaine un sentiment inné qui pousse l’individu vers un idéal divin, qui lui fait comprendre instinctivement l’existence d’un être suprême, surnaturel facteur, organisateur et moteur de l’univers. Ce sentiment, en le laissant librement s’épanouir, c’est à dire sans le diriger criminellement vers la superstition, religion du dieu-Mauvais, flottera d’abord dans la demi-lumière d’un déisme vague, mais non contaminé par le souffle empesté du catholicisme romain ; puis quand l’heure sera venue ou le Dieu-Bon se montrera, seul vraiment digne des adorations de l’humanité, c’est à lui qu’iront toutes les aspirations indécises des enfants devenus hommes ; et ainsi, en éloignant d’Adonai l’enfance et l’adolescence, nous vouerons à Lucifer, par le seul fait du penchant de la nature, la maturité des nouvelles générations.

Il est donc de nécessité absolue que l’instituteur nettement athée soit éliminé de l’école, s’il s’y introduisait après que nous en aurons chassé le prêtre adonaite, et que les livres d’instruction, mis entre les mains des enfants, tout en étant expurgés des dogmes menteurs du catholicisme romain, posent en principe, mais sans définition précise, l’existence d’un être suprême.

Pendant que les nouvelles générations seront ainsi formées, il faudra combattre l’adonaisme dans les esprits, par toutes sortes de publications démontrant combien est à la fois monstrueuse et ridicule l’idée de la divinité, telle que les prêtres de la superstition la représentent. Dans cette lutte, on ne devra pas négliger le pamphlet, la satire, la moquerie, qui frappent les masses bien mieux que les dissertations savantes. N’oublions jamais ce que Voltaire a fait à notre cause, en couvrant de ridicule le catholicisme romain. Mais ce n’est pas pour le plaisir de plaisanter et de rire qu’il convient d’adopter cette excellente tactique : en discréditant les dogmes mensongers et le culte adonaite, nous discréditerons les ministres de cette religion détestable ; nous arriverons peu à peu à faire déserter ses églises.

En effet, nous ne devons pas compter uniquement sur le résultat des lois obtenues ; car, lorsque nous serons parvenus à faire priver totalement le clergé catholique romain des subventions octroyées par les Etats, il obtiendra des compensations pécuniaires par les sommes qu’il soutirera directement aux fanatiques demeurant dans une crédulité incurable. Or, on ne diminuera le nombre de ces malheureux exploités, qu’en discréditant toutes institutions du catholicisme romain; il faut que les individus ayant le moindre bon sens en arrivent à se considérer eux-mêmes comme ridicules chaque fois qu’ils auraient la faiblesse de recourir aux sacrements de la superstition; de la sorte, par crainte des railleries, ils se déshabitueront d’entretenir les prêtres imposteurs.

Il sera bon de donner alors toute latitude aux charlatans de la pire espèce, à la lie des faux devins, dont le vil métier est une escroquerie évidente ; la presse inspirée par nous établira des comparaisons entre ceux-ci et les ministres d’Adonai, et les confondra dans la même moquerie et la même réprobation.

D’autre part, par tous les moyens législatifs ou autres, on restreindra le recrutement du sacerdoce catholique romain. On accomplira une œuvre salutaire en donnant aux jeunes prêtres la connaissance réelle de la vie sociale (..). Il sera nécessaire d’avoir des femmes sûres, qui se dévoueront à les initier aux bienfaits du Dieu-Bon. Les résultats à obtenir seront fructueux ; car il se produira de deux choses l’une : ou le prêtre adonaite, une fois qu’il aura goûté aux joies suaves que la barbarie papale lui interdit, se retirera du clergé et sera alors la démonstration publique de ce que la nature condamne le célibat systématique et absolu ; ou bien, il demeurera dans la caste sacerdotale, et alors il sera à nous secrètement, non comme allié, mais comme tout à fait nôtre, et il nous rendra les plus précieux services pour miner le temple d’Adonai.

De n’importe quelle façon et en toute circonstances, il faut le vide autour du prêtre catholique romain, et il faut encore que ce clergé, devenant de plus en plus méprisé, honni, conspué, soit diminué en nombre, sans s’arrêter à aucune considération pour obtenir ce résultat. D’une part, on multipliera les sociétés de plaisirs citadins ou champêtres, les cercles, les fêtes non religieuses, etc. ; d’autre part, on préconisera hardiment et partout, comme on le ferait pour une doctrine, ce mot d’ordre anticatholique-romain : « Pas de prêtres à la naissance ! pas de prêtre au mariage ! pas de prêtre à la mort ! » et l’on favorisera la création de toute association de solidaires établie avec ce programme.

Enfin, on signalera, à grand bruit, comme un scandale, tout fait dont un prêtre adonaite sera l’auteur et qui sera de nature à discréditer la corporation sacerdotale ; que s’il s’agit cependant d’un fait non mauvais par lui-même, mais seulement en contradiction avec la cruelle loi de chasteté prétentieusement revendiquée par le papisme, voulant faire croire que son clergé est au-dessus de la nature, dans ce cas, il conviendra de n’ébruiter la chose que si l’auteur de l’infraction aux règlements ecclésiastiques n’est pas jugé capable de devenir notre agent secret.

Voilà la marche à suivre, pour l’ensemble de tous les pays du groupe chrétien.

En particulier, nous devons arrêter un moment nos regards sur l’Italie. Là, la franc-maçonnerie, tout en suivant à la lettre la ligne de conduite que nous venons de tracer, aura le devoir, en outre, de travailler, avec la plus grande activité et sans jamais se lasser, à l’abrogation de la loi qui vient être votée il y a trois mois et sur laquelle le Chef d’Action Politique a appelé notre attention.

On commencera par attaquer à outrance le système des deux souverainetés dans un même pays, dans la même capitale ; on fera ressortir l’inconvénient résultant d’un double corps diplomatique, dont la moitié sera accréditée auprès d’un italien tiaré en état de conspiration permanente contre sa propre patrie. Cette campagne de la maçonnerie italienne devra être secondée par la maçonnerie des pays ayant un ambassadeur auprès du pontife de la superstition romaine; on déposera des motions pour la suppression de ces ambassades; on insistera sur ce point, que le fait de l’existence des ambassades auprès dudit pontife dépend uniquement de la magnanimité de l’Italie qui a bien voulu reconnaître à un chef de la secte, désormais sans territoire, le caractère et les prérogatives du souverain.

Ensuite, on attaquera l’inviolabilité si imprudemment octroyée aux congrégations ecclésiastiques formant la haute administration spirituelle du siège suprême de la superstition romaine. On suscitera des conflits entre l’autorité politique nationale et n’importe quels chefs relevant de l’autorité pontificale. On ne négligera aucune occasion d’exciter le peuple contre la personne même de l’occupant de ce siège maudit, afin que, s’il venait à sortir de son Vatican, il y ait des troubles. Il faudra habituer l’opinion publique italienne à considérer comme un embarras dangereux la présence du pape dans le pays.

Lorsque l’opinion publique sera mûre pour accepter l’expulsion du pape votée par un parlement à majorité maçonnique, il conviendra qu’un des nôtres dépose un projet de loi dans le sens que voici :

« Art. 1 – L’Italie ne reconnaît aucune religion d’Etat.
« Art. 2 – L’Eglise chrétienne, précédemment dite catholique, pour continuer à avoir le droit au libre exercice de son culte, devra être exclusivement italienne en Italie.
« Art. 3 – Ses évêques sont autorisés à se réunir en conseil général national et à nommer l’un d’entre eux Patriarche pour la Péninsule, la Sardaigne et la Sicile.
« Art. 4 – Le pape actuel est éligible à cette dignité, à la condition qu’il renoncera à toute direction supérieure chrétienne autre que celle de l’Eglise d’Italie.
« Art. 5 – Le Patriarche chrétien d’Italie n’ayant aucunement le caractère de souverain, nul ambassadeur étranger ne peut être accrédité auprès de lui.
« Art. 6 – Le Sacré-Collège des cardinaux cesse d’exister, ainsi que les Congrégations dites du Saint-Office, du Concile, de la Propagande, des Rites, de l’Index, des Indulgences, et, en un mot, tout comité supérieur ecclésiastique fonctionnant en vue d’une administration universelle soit spirituelle soit financière.
« Art. 7 – Les titres de Cardinal et d’Archevêques sont abolis; tous les Évêques sont sur le même pied vis-à-vis du pouvoir civil, à l’exception du Patriarche, qui est le premier évêque italien et qui, dans les cérémonies officielles de l’Etat, prendra place entre les présidents de Cours de Cassation et le président de la Cour des Comptes.
« Art. 8 – Chaque évêque administre son diocèse sous le contrôle de l’Etat ; les Évêques n’ont à se référer au Patriarche qu’en ce qui concerne les questions d’ordre purement spirituel ou liturgique.
« Art. 9 – Tout acte du Patriarche, qui sera commis en violation de la présente loi, entraînera sa destitution immédiate et son bannissement.
« Art. 10 – Tout évêque, qui sera reconnu complice du Patriarche violateur de la loi, encourra la peine de l’emprisonnement en forteresse, cinq ans à dix ans, et sera, en outre, dégradé en présence du peuple assemblé sur la place publique ou parvis de la cathédrale de son diocèse.
« Art. 11 – Une Commission Centrale des Cultes, composée d’autant de membres laïques qu’il existe de diocèse, et dont les membres seront nommés par le Parlement, centralisera tous les rapports des autorités civiles sur les actes d’administrations ou autres relatifs aux diocèses et formera un conseil supérieur permanent chargé de trancher tous les différents entre les Évêques et leurs subordonnés ecclésiastiques, à l’exception des questions d’ordre purement spirituel ou liturgique restant soumises à la seule juridiction suprême du Patriarche.
« Art. 12 – Les Curés seront élus par les fidèles, votant au scrutin secret, et demeurant attachés inamoviblement à leur paroisse ; les Curés actuels, déclarés éligibles par la présente loi, mais non imposée aux fidèles, seront soumis, dans six mois à dater de ce jour, à la confirmation de leur fonction et titre par le libre suffrage de leurs paroissiens.
« Art. 13 – Les Évêques seront nommés par le patriarche sur la présentation du gouvernement choisissant trois candidats; néanmoins, les Évêques actuels, qui accepteront le présent règlement de la question religieuse, resteront en fonctions; tout évêque non-acceptant redeviendra simple prêtre, sera pourvu d’un vicariat de paroisse rurale par son successeur à la direction du diocèse, et restera à jamais inéligible à une Cure. »

En même temps que ce projet de loi sera déposé à la Chambre des députés d’Italie, une copie, qui en aura été envoyée au préalable, dans tous les pays infectés de catholicisme romain, aux journaux rédigés par les nôtres, sera aussitôt publiée partout, avec de vifs éloges. Un concert d’articles célébrera la sagesse des libéraux italiens, en leur attribuant le mérite d’avoir trouvé une si bonne solution de la question religieuse. On s’appliquera à mettre en lumière l’absurdité de la situation existant jusqu’alors : combien il est mauvais pour l’Italie d’avoir un de ses citoyens conspirant contre la patrie, en tant que chef irréductible d’une religion se prétendant universelle et faisant profession de se placer au-dessus des autorités légitimes du pays ; combien il est mauvais pour les autres nations d’avoir chacune un véritable Etat organisé dans l’Etat, avec tout un personnel de prêtres, en réalité fonctionnaires dépendant d’un souverain étranger.

Les journaux inviteront les députés progressistes de leur pays à présenter promptement un projet de loi semblable, affranchissement du joug extérieur le clergé national de ce culte dit catholique, et le constituant en sacerdoce libre d’une religion dont les fidèles n’auront, avec ceux pratiquant le même culte en une autre contrée, rien de commun que la croyance. Une grande agitation sera ainsi créée dans les divers pays ou les adeptes du catholicisme romain sont en nombre, et, par les moyens légaux, au moyen d’une entente générale émanant de la franc-maçonnerie, on procédera à un morcellement de la religion malfaisante.

Ces évènements ne s’accompliront ni dans vingt ans ni dans trente ans. On les provoquera lorsque le catholicisme romain sera déjà tout à fait discrédité, lorsque les vieilles femmes et quelques fous incurables seront seuls à former sa clientèle de partisans, et lorsqu’une notable partie de son clergé nous sera secrètement acquise.

Lisez la troisième partie de cet article

yogaesoteric
5 juillet 2019

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