La synchronicité, qu’est-ce ?
par Jean Moisset
Mystère des coïncidences
Vous demandez à des personnes au hasard dans la rue si elles connaissent les coïncidences, elles vous répondront par l’affirmative. En revanche, si vous les interrogez sur la synchronicité, pas une sur cent saura de quoi il s’agit.
Selon les dictionnaires, une coïncidence correspond à des événements qui se produisent ensemble par hasard, c’est-à-dire à la suite d’un concours de circonstances. Mais, certaines de ces coïncidences, que Jung a nommées synchronicités, sont plus complexes et chargées de sens en laissant une profonde et troublante impression au témoin. La synchronicité serait une véritable création d’une connexion entre l’esprit et la matière, entre le psychisme intérieur de l’observateur et le monde extérieur objectif.
Aperçu historique
Les coïncidences intéressaient déjà les hommes dans l’Antiquité gréco-romaine. Elles étaient considérées comme des présages et l’on pensait qu’il pouvait exister un lien caché entre les signes observés et les événements futurs. Les oracles et prophéties étaient fréquemment pratiqués à l’époque pour connaître l’avenir.
Les images transcendantales de Platon, la « sympathie de toutes les choses » de Pythagore ainsi que les visions unitaires de Plotin et Héraclite sont proches de la pensée de Jung.
D’autre part, la conception du hasard chez les chinois montre que ceux-ci connaissaient la synchronicité qui pour eux signifiait : « influence écho – les choses ayant des échos entre elles ».
L’idée de synchronicité existait également chez les indiens d’Amérique avec les calendriers Aztèques et le cas des Naskapis, « les rêveurs du Labrador ».
L’astrologie constitue un bel exemple de synchronicité entre d’une part la position des planètes à la naissance d’une personne et, d’autre part, le caractère ainsi que la destinée de celle-ci, même si la plupart des scientifiques sont très réservés à ce sujet.
Kepler, astronome-astrologue eut une grande influence sur Jung et le physicien Pauli qui ont mis au point le principe de synchronicité.
La doctrine des arcanes et la théorie des signatures du médecin-alchimiste Paracelse s’apparentent à une conception de la synchronicité, selon Jung.
Cependant, les deux grands précurseurs du psychologue suisse furent Leibniz avec sa théorie des monades, et Schopenhauer qui considérait que le secret du monde réside dans l’unité fondamentale des êtres.
On retiendra encore Bachelard (intuition de l’instant), les surréalistes, et surtout, Kammerer avec sa théorie de la sérialité.
Après la découverte de l’inconscient individuel de Freud, Jung, qui fut son disciple préféré avant leur rupture, fonda la psychologie analytique basée notamment sur l’idée de l’inconscient collectif et des archétypes pouvant expliquer, comme on le verra, la création des synchronicités.
Les coïncidences simples
Dans la multitude de faits vécus ou d’informations perçues, il se produit naturellement des coïncidences de temps en temps, c’est-à-dire des rencontres fortuites ou des événements simultanés présentant une ressemblance. De telles coïncidences sont en général d’une grande banalité et explicables par le calcul des probabilités.
Ainsi, vous rencontrez des voisins ou des amis pendant vos vacances ou vous remarquez en parlant à un inconnu que vous avez un ami commun. Autres exemples : vous pensez à votre cousine Céline qui vous téléphone tous les mois environ, et elle vous appelle à ce moment-là ; vous prononcez un mot et vous l’entendez au même moment à la télévision.
La loi des séries
La loi des séries ou sérialité a été étudiée par le biologiste Kammerer. Elle peut être définie comme la répétition d’événements, choses, ou symboles identiques ou analogues dans le temps et/ou dans l’espace, par exemple :
– l’annonce le même jour de plusieurs accidents de même nature ;
– une suite d’événements vécus par personne, soit heureux (période de chance), soit défavorables (série noire) ;
– la répétition de faits inopinés semblables. Ainsi, vous êtes invité à dîner et la maîtresse de maison vous sert un plat. Or, l’avant-veille, vous aviez déjà mangé ce plat chez vous et la veille chez des parents.
– au loto, la sortie d’un même numéro plusieurs tirages de suite (sérialité dans le temps) ou de plusieurs numéros voisins au même tirage (sérialité dans l’espace).
Les coïncidences et la sérialité font partie de notre jardin secret. Pour nous-même, elles paraissent avoir une grande importance, mais il n’est pas toujours facile d’en faire partager l’intérêt par les autres. Cette observation est valable également pour la synchronicité.
Les coïncidences signifiantes ou synchronicités
Il nous arrive parfois de rencontrer une coïncidence présentant un caractère mystérieux, nous laissant un sentiment troublant et indéfinissable. Il s’agit d’une sorte de « clin d’œil » du destin que Jung a appelé synchronicité. On dit alors que la coïncidence est chargée de sens, qu’elle est signifiante. Celle-ci se caractérise également par le fait que le psychisme de la personne est plus impliqué que dans le cas d’une simple coïncidence, et, qu’en outre, la probabilité de sa survenue est plus faible. Nous nous sentons alors prendre une certaine importance dans l’immense univers habituellement indifférent à notre modeste personnage.
Jung définit comme suit la synchronicité : coïncidence temporelle sans lien causal entre un état psychique donné et un ou plusieurs événements extérieurs objectifs offrant un parallélisme de sens avec cet état subjectif du moment, l’inverse pouvant aussi se produire.
Un exemple
Je demeure à Nice depuis quelques mois et, en ce moment, je souffre d’un torticolis très douloureux. Voilà longtemps que je n’ai pas eu une telle crise, la dernière remontant à l’époque où j’habitais Paris.
Ce matin, je me souviens de mon docteur parisien qui m’avait soigné pour une arthrose cervicale. Je vais faire quelques achats avenue Jean Médecin et, soudain, je tombe nez à nez avec ce praticien qui se trouve à Nice à l’occasion d’un congrès.
Non seulement, je pense à mon médecin parisien et je le rencontre une heure après à Nice, mais cela se passe avenue Jean Médecin.
Différentes catégories
Il existe plusieurs catégories de synchronicités en dehors de la définition de base ci-dessus.
On observe des synchronicités décalées dans le temps (prémonitions, dans le cas du futur) ou dans l’espace (clairvoyances) et qui ne peuvent être vérifiées qu’après coup. De même des synchronicités ont lieu par identité de pensée instantanée entre deux personnes sans événement extérieur objectif (télépathie).
Notons également des synchronicités à présage consistant dans la perception de signes symboliques (souvent des nombres) par une personne, annonçant la survenance prochaine d’événements favorables ou désagréables selon l’interprétation qu’elle en fait et dont elle ignore souvent la nature exacte.
Enfin, il existe des synchronicités multiples, historiques, et généalogiques ou familiales, en particulier chez les jumeaux.
Explication de la synchronicité
Comment expliquer de telles synchronicités ?
Selon Jung, il existerait un inconscient collectif situé dans une autre dimension hors de l’espace-temps, à la fois mémoire de l’humanité et âme de l’univers, sorte de supraconscience cosmique à laquelle nous serions reliés par notre inconscient personnel.
Dans cet inconscient collectif se constitueraient des « centres d’énergie psychique potentielle » appelés archétypes. Ceux-ci sont neutres et ne deviennent bons ou mauvais qu’en contact de la conscience de l’individu.
Le rôle des archétypes
Bien qu’ils soient insaisissables en eux-mêmes, on peut classer les archétypes de la façon suivante d’après les idées de Jung :
Les archétypes correspondant à des structures du psychisme : la personna (moi), l’ombre (inconscient personnel), l’anima (côté féminin complémentaire contenu dans l’inconscient de l’homme) ou l’animus (situation inverse).Les archétypes représentant des thèmes, mythes, images symboliques ou rêves de l’humanité, ou encore des modèles de comportement instinctif. Dans un inventaire hétéroclite, citons parmi les principaux : le cosmique, l’ange gardien, le paradis, le conte de fées, le diable, l’enfer, la nuit, la mère, le père, la grand-mère, le vieux sage, le héros, l’homme fort, le séducteur, la femme fatale, la femme idéale, l’enfant, la famille, la bête, la naissance, la mort, l’amour, la haine, l’inceste, etc.
Autres archétypes importants : les nombres, le Soi.
Situés à la lisière de l’esprit et de la matière, les archétypes catalyseraient (c’est-à-dire créeraient par leur seule présence), le cas échéant, des synchronicités par une relation en miroir entre un état psychique et l’univers objectif extérieur. Celui-ci renverrait à la personne un reflet de ses préoccupations, ou bien de sa situation présente ou future, sous forme d’événements marqués de symboles synchronistiques.
Conditions propices à la manifestation de la synchronicité
Certaines circonstances sont propices à l’émergence de synchronicités, par exemple : les états médiumniques, mystiques, ou modifiés de conscience, les liens affectifs et empathiques très étroits (cas des jumeaux), les situations dramatiques, les maladies graves, les difficultés sociales et familiales, les troubles psychiques, la recherche spirituelle, les créations artistiques, les découvertes scientifiques, les présages d’événements heureux ou malheureux, une aide ou protection archétypale… Rappelons enfin les coïncidences généalogiques et les rétrosynchronicités historiques (cas de Lincoln – Kennedy, Saint-Louis – Louis XVI, Napoléon – Hitler, entre autres).
Une hypothèse aux conséquences importantes
Le concept de la synchronicité, sorte de hasard signifiant et créateur, aurait de grandes conséquences sur notre vision de l’homme et de l’univers.
Les êtres, les choses et les événements se trouveraient reliés de façon acausale et sous-jacente entre eux par le sens et la ressemblance (au lieu de cause à effet), et avec la totalité de l’univers.
La plupart, sinon l’ensemble des phénomènes PSI et mystiques, qui seraient en fait des synchronicités, pourraient être expliqués. Pas de transmission d’information ou d’énergie physique, mais efflorescence, ou bien corrélation, identité ou unité instantanée et fugitive entre les êtres et/ou les choses.
Une nouvelle approche de l’énigme de la vie et de la mort deviendrait possible.
La non-séparabilité des particules en physique quantique serait une forme de synchronicité.
Des coïncidences fondamentales dans l’univers
De surprenantes coïncidences de type anthropique viendraient confirmer que l’univers semble avoir été conçu de manière à permettre la présence de la vie et de la conscience. Citons-les :
– coïncidences des constantes et conditions initiales de l’univers (masse et charge des particules, forces fondamentales, taille des atomes, vitesse de la lumière, formation du carbone et de l’oxygène, etc.) ;
– coïncidences entre nombres atomiques et astronomiques ;
– coïncidences entre les nombres inventés par l’homme et ceux résultant de l’observation de l’univers.
Enfin, la synchronicité nous donnerait accès à une réalité intemporelle dépassant les contingences mentales et biologiques dans lesquelles nous sommes enfermés.
Elle transcenderait le monde des formes et phénomènes qui nous maintient dans la causalité. Comme une sorte de flash, elle éclairerait l’unité cachée entre, d’une part nous-même et, d’autre part, les êtres, les choses et le Tout, un peu comme les NDE ou EMI (expériences de mort imminente).
yogaesoteric
16 janvier 2020
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