L’amour conscient
En parlant de l’amour conscient, Gurdjieff affirme que le mobile est le désir que l’objet aimé arrive à ses propres perfections innées, sans que celui qui aime tienne compte des conséquences possibles que cela engendre. “Tout ce qui compte c’est qu’elle devienne parfaite en elle-même, moi, je ne compte pas”, dit l’amant conscient. “Je peux même allez en enfer si cela peut lui permettre d’aller au paradis”. Et le paradoxe d’un tel amour est qu’il évoque nécessairement la même chose comme réponse. Ce qui veut dire, conformément au principe universel de la résonance, que l’amour conscient donne naissance à l’amour conscient.
Mais pourquoi ce phénomène est-il si rare parmi les gens?
La première raison est que la plupart d’entre eux ne sont que des personnes qui désirent être aimées, mais non pas aimer. La deuxième est que la perfection est rarement considérée comme le produit de l’amour adulte, bien que rien d’autre ne puisse élever l’amour au-dessus de ces niveaux puérils et animalesques. La troisième est que l’homme ne sait même pas lorsqu’il est plein du désir d’aimer, quel pourrait bien être l’objet de son amour; la quatrième raison est que l’amour conscient n’apparaît jamais au hasard. Il doit toujours être l’objet d’un choix conscient et d’une ferme décision de faire des efforts dans ce but.
De même que le Bushido et les autres ordres de chevaliers ne sont pas apparus accidentellement, l’amour conscient non plus ne peut apparaître et se développer seul. Tous les degrés de noblesse ont été des œuvres d’art et l’amour conscient, de même, doit être une œuvre d’art. Celui qui veut s’engager dans cette voie doit donc commencer à faire son apprentissage, et peut-être un jour il arrivera à la maîtrise. Avant tout, il doit purifier son désir d’aider, parce qu’il devra rejeter tout désir personnel, toute préjugé.
Il contemple le visage aimé: “Quel genre de femme est-elle?” Ici il y a un mystère : une voie s’ouvre vers la perfection, le parfum qui prend naissance est adorable. De quelle façon cette possibilité pourrait être réalisée pour la gloire de son amoureuse et de Dieu, son Créateur? Arrivés à ce point, nous devons nous demander: serais-je capable de cela? Si je suis sincère, je dois répondre évidemment: NON. Un homme qui ne sait pas traiter tel qu’il faut les chiens et les chevaux, une femme qui ne sait pas cultiver des fleurs, comment pourrait-ils éveiller les perfections endormies dans l’être aimé? Une humilité et une tolérance à toute épreuve seront nécessaires dans ce sens. Si je ne suis pas sûr de ce qu’il serait le mieux pour elle, je dois la laisser libre de suivre ses propres tendances, et pendant tout ce temps je vais étudier ce qu’elle est et ce qu’elle peut devenir, ce dont elle a besoin, ce que son âme demande sans savoir avec quel nom, assez éloigné pour trouver elle-même la chose désirée. Apprendre à prévoir pour elle, à partir d’aujourd’hui, ses besoins de demain, sans penser une seconde de plus aux difficultés que cela pourrait représenter pour moi. Mais quel contrôle et quelle discipline de soi cela demande! Entrez dans cette forêt enchantée, vous, qui osez! Les dieux s’aiment consciemment, les amants conscients deviennent des dieux.
Sans honte, les gens se vanteront d’avoir aimé, qu’ils aiment ou qu’ils espèrent d’aimer. Comme si l’amour était suffisant pour couvrir leurs pêchés. Mais l’amour, tel que nous avons vu, lorsqu’il n’est pas question d’amour conscient, c’est-à-dire qui veut devenir aussi bien sage, que capable de servir son objet, ne dépend que des affinités favorables ou défavorables. Dans les deux cas, il est également inconscient, c’est-à-dire sans contrôle. Être dans un tel état d’amour est certainement aussi dangereux pour les deux. Parce que nous sommes alors traversés par l’énergie cosmique qui poursuit ses propres finalités, tout à fait indifférentes aux nôtres et nous voilà chargés avec cette force. C’est de la dynamite que nous véhiculons à partir de ce moment, sans prendre aucune mesure de précaution. Devons-nous être surpris du nombre d’accidents qui se produisent? Reconnaissons, donc que, sans pouvoir et sans connaissance, l’amour est démoniaque. Sans connaissance il peut détruire son objet. Qui n’a jamais entendu des femmes “très aimées” disant de leurs “amants”: “Il me rend malade, il me tue”. Et sans pouvoir, l’amant devient l’être le plus malheureux, parce qu’il ne peut pas faire ce qu’il désire et ce qu’il sait qu’il devrait faire pour le bien de sa femme.
Les gens devraient prier que l’expérience de l’amour sans sagesse et sans force leur soit refusée, ou, s’ils ne peuvent faire autre chose que d’aimer, alors qu’ils prient que la sagesse et que la force divine guide leur amour.
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