L’art du mensonge politique
« Faut-il tromper le peuple pour son bien ? » Jonathan Swift (1667-1745) pose la question dans son pamphlet L’Art politique du mensonge (1). Nous la reprendrons ici sous la forme voisine : « Faut-il tromper les électeurs pour leur bien ? »
Le mensonge en politique est un art qui consiste à « faire croire au peuple des faussetés salutaires ». Art délicat qui obéit selon Jean-Jacques Courtine (2) à cinq principes :
• soustraire les mensonges à toute vérification possible,
• ne jamais outrepasser certaines bornes du vraisemblable (mais on peut aller toujours plus loin, jusqu’aux limites du fantastiques, voire du surnaturel…),
• faire varier les illusions à l’infini (une nouvelle illusion détourne l’attention et empêche de procéder à un examen critique d’une précédente illusion, la succession des illusions rend les croyances naturelles…….)
• rationaliser la production des contrefaçons politiques en instituant une « société de menteurs », qui peut prendre la forme de « groupe de menteurs », voire de « secte de menteurs »,
• contrôler de près chacun des menteurs qui doivent tous, dire toujours la même chose, de façon invariable… et avec la plus grande conviction.
La lois du mentir-vrai
Les lois du « mentir-vrai » sont une question qui traverse la réflexion politique depuis La République de Platon et Le Prince de Machiavel. La question centrale demeure celle-ci : Faut-il cacher la vérité au peuple pour son bien ou le tromper pour son salut ? Dans chacun des cas, la vérité est battue.
Les trois contrefaçons politiques
Il existe une typologie qui comprend trois contrefaçons politiques :
• le mensonge de calomnie, qui cherche à diminuer les mérites d’une personne publique,
• le mensonge d’addition qui cherche à les augmenter de façon excessive, disproportionnée, hors de propos…….
• le mensonge de translation qui essaie de transférer un mensonge d’une personne à une autre.
L’art du mensonge est l’art complexe du glissement, du détournement, de la manipulation. Il occupe un « juste milieu », usant d’une technique subtile de dosage : les mensonges politiques sont toujours fabriqués avec des faits partiellement vrais, incomplets, utilisés hors contexte. C’est pourquoi ils parviennent à tromper si facilement.
Références :
1. SWIFT Jonathan, L’Art du mensonge politique, Jérôme Millon éditeur, 1993. Le texte a été publié en 1733.
2. COURTINE Jean Jacques, Le mentir vrai, Préface à L’Art du mensonge politique de Jonathan SWIFT, Jérôme Millon éditeur, 1993.
yogaesoteric
25 septembre 2023