Le vaccin contre la polio contaminé par le virus SV40 dans les années 50 et 60 pourrait provoquer certains cancers

En avril 2001, plus de 60 scientifiques réunis à Chicago ont mis en joue leur ennemi commun : un virus de singe qui a contaminé les premiers vaccins contre la polio entre 1955 et 1963 et qui serait carcinogène. L’affaire est de taille, car on estime qu’à l’époque, plus de 100 millions de personnes, dont entre 10 et 30 millions d’Américains, ont reçu ces vaccins contaminés. Voici le résumé d’une très longue histoire.

En 1955, grâce au Dr Jonas Salk, les humains ont enfin une arme contre la polio, un fléau mondial qui touche à l’époque des centaines de milliers de personnes et en tue des milliers. En 1960, alors que les cas de polio sont en chute libre, une chercheuse du National Institutes of Health découvre que le vaccin Salk est contaminé par un virus de singe – le vaccin est issu de cultures faites sur des tissus rénaux de singes asiatiques – qui se révèle carcinogène chez des animaux de laboratoire. Le SV40 (Simian Virus 40) est isolé l’année suivante et l’agence américaine de santé publique demande alors, discrètement, aux compagnies pharmaceutiques de débarrasser le vaccin de cet intrus. Cependant, elle n’exige pas le rappel des stocks déjà en circulation, soit plus d’une année d’approvisionnement.

La position des autorités médicales américaines n’a pas changé entre 1961 et 2001 : oui, le vaccin a été contaminé par le SV40, mais il n’est pas présent dans les tumeurs humaines (ou en infime quantité et les analyses donnent des résultats contradictoires) et les nombreuses études menées sur les populations exposées au vaccin contaminé n’ont jamais pu démontrer une augmentation des cas de cancer.

Voilà qui fait bondir le camp adverse, composé de nombreux scientifiques qui étaient fort sceptiques avant de commencer leurs travaux sur le SV40. Selon eux, ce virus est présent dans les tumeurs, en très petites quantités certes, mais il est redoutable. En effet, de plus en plus de travaux établissent un lien entre le SV40 et certains cancers du cerveau, du mésothéliome (habituellement relié à une exposition à l’amiante) et des os. Le lien n’est pas direct, mais ces chercheurs sont convaincus que le SV40 joue un rôle-clé et qu’il faut élucider son mode d’action pour, non seulement soigner les personnes atteintes de ces types de cancer, mais aussi mettre au point un vaccin qui, en neutralisant le SV40, court-circuiterait la carcinogénèse.

Au moment de la conférence en avril 2001, plus de 60 travaux provenant de 30 laboratoires différents étayaient cette hypothèse. Il semble que la détermination de ces chercheurs oeuvrant partout dans le monde ait fait plier le National Cancer Institute des États-Unis : non seulement l’organisme a émis un avis reconnaissant la possibilité que le virus SV40 soit associé au cancer chez l’homme1, mais il a aussi décidé de financer des travaux dédiés à la mise au point d’un vaccin contre le SV40.

Cette longue histoire ne s’arrête cependant pas là. En effet, aux États-Unis, des dossiers internes des Laboratoires Lederle (le principal fabricant du vaccin contre la polio) ont été rendus publics dans le cadre d’un litige n’ayant pas de rapport avec le virus SV40. Or, ces documents jettent un doute sérieux sur les mesures prises pour éviter la contamination du vaccin Sabin (virus atténué administré par voie orale) qui fut approuvé en 1962, soit sept ans après celui de Salk (virus tué administré par injection). Voilà un point qui, s’il est prouvé un jour, éluciderait un mystère récurrent dans la saga du SV40 : comment se fait-il qu’on détecte ce virus dans les tumeurs de personnes nées après 1963, soit après que tous les lots de vaccins Salk contaminés aient été utilisés ?

Certaines personnes ne se posent plus la question : les parents d’un enfant mort à 2 ans et demi d’un cancer au cerveau poursuivent Lederle. L’analyse de la tumeur de leur fils a révélé la présence du SV40; il avait été immunisé contre la polio en 1997 à l’aide d’un vaccin Sabin. La mère d’un enfant immunisé de la même façon en 1968 songe aussi à poursuivre la compagnie pharmaceutique : opéré à 2 ans pour un cancer du cerveau, son fils, qui a maintenant 33 ans, vit avec elle et requiert une assistance quotidienne.

yogaesoteric
22 octobre 2019



Also available in: English

Leave A Reply

Your email address will not be published.

This site uses Akismet to reduce spam. Learn how your comment data is processed.

This website uses cookies to improve your experience. We'll assume you're ok with this, but you can opt-out if you wish. Accept Read More