Les expériences au seuil de la mort (5)

Par Alain Moreau

Lisez la quatrième partie de cet article

L’élément central de la NDE, rappelons-le, est la décorporation. L’OBE (ou expérience extracorporelle) a été étudiée dans un contexte de recherche parapsychologique. Or, on trouve dans les témoignages d’OBE un grand nombre de traits caractéristiques des récits de NDE.

Dans une étude portant sur 339 cas d’OBE – celle de G. Gabbard, S. W Twemlow et F. C. Jones –, on a noté que l’expérience a été perçue comme plus réelle qu’un rêve dans 94% de ces cas. De plus :

– 37% des sujets ont perçu un bruit au début de l’expérience et ont rapporté la présence d’êtres « non-physiques ».
– 30% ont vu une lumière blanche et brillante.
– Dans le tiers des cas, la présence de guides ou d’aides a été ressentie.
– 26% des sujets se sont perçus dans un tunnel.
– 14% ont eu la perception d’une frontière.

Si 35% des sujets ont éprouvé un sentiment de peur au cours de l’expérience, 72% ont éprouvé des sentiments positifs tels que joie, liberté, paix et tranquillité.

La différence essentielle avec les NDE, note Jean-Pierre Jourdan, est que, avant leur OBE, 79% des sujets se trouvaient dans un état de calme et de repos mental et physique. 36% rêvaient, 27% méditaient et 23% seulement se trouvaient dans un état de stress.

L’état de calme mental est mentionné 20 fois plus souvent par les sujets ayant eu plusieurs OBE, ceux n’en ayant eu qu’une se distinguant par l’état de stress dans lequel ils se trouvaient. 10% seulement des 339 sujets s’étaient trouvés en situation de mort imminente.

L’étude de Twemlow et Jones, portant sur Robert Monroe, a montré, lors de l’enregistrement EEG d’une expérience, une identité de fréquence entre les deux hémisphères et une évolution temporelle de celle-ci : autour de 10 Hertz (ondes alpha) avant et après l’expérience, 4-5 Hertz (transition thêta-delta) au moment supposé de l’OBE. On a observé « au même moment une variation d’amplitude au niveau occipital, celle-ci augmentant à droite tout en diminuant dans l’hémisphère gauche ».

Avec le même sujet psi, Charles Tart (1967) a constaté que les OBE se produisaient dans des états entre veille et sommeil, avec présence d’ondes alpha.

Palmer (1979) nota que, sur vingt sujets, les trois ayant rapporté les OBE les plus vivantes eurent plus de 30% d’ondes thêta (4 à 7 Hertz). Twemlow et Gabbard ont cependant conclu qu’il n’existait pas de corrélation entre l’OBE et un état psychophysiologique précis. La plupart des sujets étaient tout au plus entre deux stades : entre veille et sommeil léger, entre sommeil léger et profond… On a pu observer, chez des sujets doués, une augmentation de la fréquence « ventilatoire ».

Les ressemblances notées entre OBE et NDE n’ont rien d’étonnant : il s’agit, fondamentalement, de la même expérience, à savoir l’extériorisation du corps astral, la seule différence étant celle-ci : lors de la NDE, cette extériorisation a lieu au moment de la mort proche, la conscience finissant par réintégrer cependant l’enveloppe corporelle.

Parmi les divers éléments permettant d’éliminer de façon radicale l’anoxie cérébrale comme facteur déclencheur d’une NDE, il y a ce fait : pour vivre une expérience de type NDE, il n’est pas nécessaire de frôler la mort, de nombreuses personnes ayant expérimenté la décorporation en dehors de tout contexte « mortel ». En outre, certaines personnes, rares il est vrai, peuvent provoquer le phénomène par un acte de volonté.

On n’observe cependant pas – ou très rarement ? –, dans les cas d’OBE (sans contexte mortel), certains éléments caractéristiques des NDE, tels que le bilan panoramique de la vie. Cela se comprend aisément, la vie n’étant pas menacée à ce moment-là. N’oublions pas que le « bilan de la vie » fait partie de la séquence d’évènements qui suivent la mort, celui-ci se déclenchant automatiquement lorsque la mort biologique ou transition est sur le point de se produire (ou s’est produite).

Les personnes vivant ce type d’expériences extracorporelles sont, pour la majorité d’entre elles, convaincues d’avoir expérimenté un état de conscience caractéristique de celui de « l’Après-vie », indépendant des contingences cérébrales, en d’autres termes : la séparation de la conscience (ou « corps astral ») du corps physique. Quelques personnes ayant connu cet état ont cependant élaboré une théorie psychologique afin de rendre compte de ces perceptions. En Angleterre, nous avons le cas de Susan Blackmore, et en France celui de Catherine Lemaire.

IV. La théorie de Susan Blackmore :

Susan Blackmore vécut une OBE à la suite d’une séance de relaxation où elle eut l’impression de survoler les bâtiments de son université. S’étant rendue compte que les tuiles et les cheminées alors perçues ne correspondaient pas à la réalité, elle finit par conclure que son expérience, comme celle des autres « décorporés », était le fruit d’une construction imaginaire et onirique, renvoyant à la capacité du cerveau à fabriquer des mondes illusoires dotés d’une « réalité » trompeuse.

En fait, l’expérience OBE de Susan Blackmore eut lieu en fumant du cannabis, lorsqu’elle était étudiante à l’Université d’Oxford. Elle vit son corps sous elle, mais, chose curieuse, elle put parler avec son corps physique. Elle répondit ainsi aux questions que lui posait un ami se trouvant dans la chambre. Elle perçut une corde ou un fil argenté, légèrement brillant(e) et vibrant (e), qui partait du cou du corps jusqu’au nombril du double. Elle se déplaça en dehors de la pièce, sa corde et elle traversant avec facilité les murs et un autre étage de chambres avant le toit. Elle visita Paris et New York, et survola l’Amérique du Sud. Le jour suivant, lorsqu’elle étudia le toit des maisons qu’elle avait survolées, elle les trouva de couleur grise et non rouge comme lors de sa « vision ». De plus, elle constata l’absence d’un étage entier de pièces qu’elle s’était vue traverser, ainsi que l’absence de la rangée de cheminées. 

Dans son analyse du cas Susan Blackmore, Ian Wilson conclut que celui-ci n’a « rien de commun avec une expérience de quasi-mort ». En réalité, cette expérience est bien une OBE. Les arguments fallacieux de Ian Wilson pour étayer sa conviction sont les suivants :

1° A un moment donné, Susan Blackmore vit que tout lui semblait « indistinct, comme enrobé d’ouate » :

Ian Wilson met cette description en opposition avec le fait qu’au contraire le « quasi-mort » voit et entend tout ce qui se passe dans le monde physique, avec une grande clarté. En réalité, il n’y a pas de réelle opposition car la perception « nébuleuse », à un moment donné, de Susan Blackmore, peut très simplement être due à un effet secondaire sur la conscience « astrale » séparée du corps. La drogue, en effet, n’a pas seulement des effets négatifs sur le cerveau physique, elle a aussi des répercussions néfastes sur le corps astral. Voyez un peu plus loin ce que William Buhlman dit à ce sujet.

2° Le plus mauvais argument de Ian Wilson concerne celui relatif à la corde d’argent :

Alors que Susan Blackmore, écrit-il, « dit que son corps ressemblait à un double de son corps physique, possédant même un nombril relié à son corps physique par une corde ou un fil d’argent, on a vu que le sujet quasi mort se trouve, lui, incapable de dire quoi que ce soit sur la nature du corps que sa conscience habite ».

« Puisqu’on aborde ce thème, il peut être utile de noter qu’une “ corde d’argent ” entre le “ corps spirituel ” et le corps physique est un aspect régulièrement rapporté par les faux médiums spiritualistes depuis au moins un siècle, mais n’a pas d’équivalent dans l’ensemble des témoignages de quasi-mort. Ainsi, si George Ritchie avait possédé une telle “ corde d’argent ” le reliant à son corps physique, il s’en serait sûrement servi pour trouver son chemin et revenir à son corps dans l’hôpital de Camp Berkeley. Mais ni lui, ni aucun autre sujet crédible de quasi-mort n’a rapporté quoi que ce soit de semblable ». (I. Wilson)

Or, Ian Wilson se contredit lui-même en précisant, en note, que l’on trouve, dans le livre de Peter et Elizabeth Fenwick (Londres, 1995), des cas de personnes ayant aperçu un tel cordon !

Il s’empresse cependant d’ajouter que « dans la majorité des témoignages d’expérience de quasi-mort, aucun cordon de ce type n’est mentionné ». Notons qu’il est absurde de qualifier de « faux médiums spiritualistes » ceux ayant constaté la présence de la corde d’argent lors de leurs expériences extracorporelles. D’authentiques sujets OBE, comme Sylvan Muldoon et Raymond Réant, par exemple, ont constaté l’existence de ce « cordon »… Il est vrai, cependant, que dans la majorité des cas de NDE ou OBE, cette « corde » n’est pas perçue, ce qui ne signifie pas, je m’empresse de le préciser, qu’elle n’existe pas, une raison x empêchant sa perception.

Le sujet NDE, écrit Ian Wilson, se trouve incapable de dire quoi que ce soit sur la nature du corps que sa conscience habite. Pourtant, certains sujets de Raymond Moody ont fait état de l’identité de forme entre leur corps physique et leur nouveau corps. Ainsi, une femme fit cette déclaration :

« Je me sentais une forme corporelle complète, j’avais des bras, des jambes, et tout le reste – et pourtant j’étais dépourvue de poids. »

Une autre dame déclara avoir toujours un corps. Elle remua les jambes et remarqua que l’une était plus chaude que l’autre. Les propriétés de ce corps sont les suivantes : possibilité de traverser les obstacles matériels et absence de poids (sensation de « non-pesanteur »). Ce corps spirituel est parfois comparé à un nuage sphérique ou sans contour précis, mais il « affecte aussi, bien souvent, l’aspect général du corps physique ». Il « s’agrémente même de membres : projections ou apparences suggérant des bras, des jambes, une tête, etc. ». Parmi les termes descriptifs employés, se trouvent : un « nuage », un « brouillard », « une sorte de fumée », « une vapeur », « une transparence », « une nuée colorée », « une fumerolle », « un centre énergétique »…

Autres caractéristiques mentionnées dans les écrits de NDE :

– Absence de temps.
– Pensée plus rapide et plus lucide que dans l’existence physique.
– Vision et audition considérablement aiguisées, plus parfaites que dans l’existence physique. L’ouïe correspond en fait à une forme de communication directe de conscience à conscience (perception directe des pensées de l’entourage).
– Absence d’infirmités (comme dans le cas d’un homme partiellement amputé d’une jambe et qui s’est retrouvé « entier » en état de décorporation).

3° Alors que Susan Blackmore, écrit Ian Wilson, « se disait en mesure de communiquer avec Kevin depuis le plafond et voyait son corps physique répondre à sa question, “ Sue, où es-tu ? ” (…), les sujets quasi morts se disent très frustrés d’être séparés du monde vivant (…), de sorte qu’ils ne peuvent se faire voir ni entendre de ceux qu’ils peuvent clairement voir et entendre de “ l’autre côté ” ».

Or, s’il est vrai que normalement, lors de la décorporation, le corps physique est totalement inconscient, les annales de la « métapsychique » comprennent le recueil de certains cas témoignant, dans cet état, d’une certaine activité du corps physique. Le cas classique, à ce sujet, est celui de Mademoiselle Sagée (ou Saget), dû au témoignage de la baronne Julie de Güldenstubbe, et rapporté par Alexandre Aksakof et Gabriel Delanne, d’après Dale Owen. Cette institutrice originaire de Dijon, qui enseigna en 1845 et 1846 au pensionnat de Neuwelcke, institut pour jeunes filles nobles, près de Volmar, en Livonie, aurait été perçue en « double exemplaire » alors qu’elle donnait ses cours : une « Sagée » écrivait avec un morceau de craie au tableau noir, alors que l’autre imitait les mouvements de la première.

André Dumas a rapporté qu’on « la vit à la fois cueillir des fleurs dans le jardin et se trouver dans un fauteuil, où elle apparut soudain ». Mais, à ce moment, dans le jardin, ses mouvements étaient plus lents et plus lourds. Deux élèves plus hardies auraient touché l’apparition dans le fauteuil et auraient rencontré une résistance comparable à celle qu’offrirait un léger tissu de mousseline ou de crêpe. Ces manifestations avaient principalement lieu « à des moments où elle était très occupée ou très appliquée à sa tâche ». Lorsqu’elle reçut son congé, par suite de ces faits bizarres qui effrayaient élèves et parents, on apprit qu’elle avait été, déjà, de 16 à 32 ans, institutrice dans 18 établissements, et que les mêmes phénomènes avaient provoqué son renvoi.

Ainsi, c’est à tort que Ian Wilson assimile le témoignage de Susan Blackmore à un fantasme de décorporation sous l’influence de la drogue. Contrairement à ce qu’il écrit, une telle conclusion n’apparaît pas très clairement. Cependant, la conclusion de Susan Blackmore, qui a vécu une réelle OBE, est tout aussi erronée en ce qui concerne sa propre expérience et celle des autres sujets ayant expérimenté une décorporation. Afin d’expliquer la sensation de quitter le corps chez les sujets NDE, Susan Blackmore évoque notamment, nous l’avons vu, des hallucinations consécutives à l’anoxie cérébrale. Or, nous avons déjà vu que cette explication ne peut, pour plusieurs raisons, être valable. En voici une supplémentaire :

Allan Pring, un Anglais aiguilleur du ciel, qui vécut une NDE, avait auparavant connu une anoxie cérébrale lors d’exercices de privation d’oxygène, alors qu’il était pilote de la R. A. F. Il a expliqué, écrit Ian Wilson, « que la désorientation associée aux hallucinations par manque d’oxygène est très différente de l’état de l’esprit lors d’une expérience de quasi-mort ».

« Tandis que, dans la première situation, les pilotes perdent plus ou moins conscience et tentent de se poser sur les nuages, le souvenir que Pring garde de son expérience de quasi-mort est celui d’un événement très “ réel ”, vécu dans un état très éveillé : ce souvenir est resté limpide comme du cristal dans son esprit pendant plus de quinze ans ». (I. Wilson)

Que penser de la théorie de la construction imaginaire et onirique, par le cerveau, de mondes illusoires dotés d’une réalité trompeuse, pour expliquer les OBE et les NDE ? Cette interprétation est dénuée de fondement. Si la conscience « astrale », une fois extériorisée, peut produire des « apparences réelles », la « substance astrale » étant « plastique », il n’existe pas de mondes « virtuels » cérébraux. Ce n’est pas dans le cerveau que tout cela se passe ! Il existe de nombreux récits de sujets OBE décrivant le même type de perceptions (descriptions de « l’Après-vie », facultés du corps psychique, etc.). Cette particularité ne permet pas de réduire ces récits à des constructions imaginaires. Ces descriptions renvoient à une réalité objective (l’Univers super-lumineux), même si celle-ci n’est pas perceptible par nos organes sensoriels.

William Buhlman observe que les expériences extracorporelles « ne peuvent être prouvées que par celles et ceux qui en font » :

« Les conclusions auxquelles sont parvenus de nombreux chercheurs du haut de leur tour d’ivoire sont complètement archaïques et dénuées de sens à la lumière même d’une seule expérience personnelle. Bien des gens tentent désespérément de faire concorder cet état de conscience sans pareil avec la façon dont ils se représentent la réalité. Ainsi, par exemple, plusieurs érudits ont conclu que les expériences de sortie hors-corps sont en fait des rêves lucides ; leurs conclusions coïncident de façon fort opportune à leurs conceptions traditionnelles de l’esprit ».

Lisez la sixième partie de cet article
 

 



yogaesoteric

8 octobre 2019 

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