Les pays riverains de l’océan Arctique ont confronté leurs ambitions

 

Il serait exagéré de parler de Yalta du pôle Nord. Mais le sommet des cinq pays riverains de l’Arctique (Etats-Unis, Russie, Canada, Norvège et Danemark), qui se tenu au Groenland, à l’invitation de Copenhague, a été consacré à des revendications territoriales lourdes d’enjeux. Les eaux internationales de l’océan Arctique, d’une superficie d’environ 3,6 millions de kilomètres carrés, sont en effet supposées recouvrir des gisements d’hydrocarbures considérables. Ils renfermeraient rien moins que le quart des réserves mondiales encore à découvrir. L’équivalent de celles de l’Arabie saoudite. Des estimations sans doute excessives, qui s’appuient sur la seule étude menée dans ces eaux inhospitalières par l’US Geological Survey.

Redoutable défi technique

En outre, le propre des réserves de pétrole à découvrir est d’être… extrêmement hypothétique. Et aller chercher du pétrole par 3.000 mètres de fond quand la température descend à -50° C, alors que le record actuel de forage en eau profonde est de 2.200 mètres, représente un défi technique redoutable.

La réunion a été, surtout, l’occasion de présenter les arguments de chaque pays riverain étayant ses revendications territoriales. Le droit international accorde à chaque pays riverain une zone économique exclusive (ZEE) limitée à 370 km de ses côtes. Mais les Etats peuvent revendiquer une souveraineté sur des fonds sous-marins au-delà de cette ZEE, s’ils arrivent à prouver qu’ils constituent une extension géologique de leur plateau continental, selon la Convention de l’ONU sur le droit de la mer. Celle-ci a été ratifiée dans les années 1990 par tous les Etats riverains sauf les Etats-Unis, qui craignaient d’avoir les mains liées.

La Russie, dont le dossier géologique a été déjà débouté en 2001, a planté un drapeau au fond de la mer à la verticale du pôle, l’été 2017, pour symboliser ses prétentions sur la zone. Ce qui a autant de valeur juridique et politique que si c’était l’Afrique du Sud, a ironisé le chef de la diplomatie danoise, Per Stig Moeller.

Mais c’est peut-être le contrôle des routes maritimes du pôle qui constitue l’enjeu le plus important. Le fameux passage du Nord-Ouest reliant le Pacifique à l’Atlantique pourrait devenir navigable d’ici à dix ou vingt ans, selon les estimations, en raison du réchauffement climatique et de la fonte des glaces. Ce qui aiguise évidemment les appétits. Car cette voie mythique, jusqu’ici entièrement bloquée par la banquise dix mois sur douze, constituerait pour le commerce maritime une alternative extrêmement précieuse au canal de Panama, actuellement saturé, sans parler du cap Horn.

Rivalité Washington-Ottawa

Or le Canada considère cette voie comme faisant partie de ses eaux territoriales alors que, pour les Etats-Unis, il s’agit d’eaux internationales. Et cette divergence de vues risque de se transformer rapidement en sujet de crispation majeur entre les deux voisins nord-américains. D’autant que le Premier ministre conservateur canadien, Stephen Harper, a fait de la souveraineté du Canada dans l’Arctique l’une de ses priorités. Il a, d’ailleurs, depuis beaucoup de temps, multiplié les signaux en ce sens, avec l’annonce en août 2017 de la création d’un port en eau profonde à la pointe nord de l’île de Baffin et d’une base militaire sur l’île Cornwallis, deux points stratégiques du passage du Nord-Ouest. Ottawa compte, en outre, investir 7 milliards de dollars sur vingt-cinq ans dans la construction de plusieurs brise-glace.

Des initiatives clairement destinées à répondre non seulement au planter de drapeau russe, mais aussi aux visées de Washington.

 

yogaesoteric
11 mai 2019

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