L’espace-temps dans… le temps et l’espace (I)

Les physiciens modernes ont confirmé de façon presque dramatique l’une des idées de base de la spiritualité, qui exprime le fait que tous les concepts que nous utilisons pour décrire la nature sont en fait limités et ne sont pas des traits essentiels de la réalité, tel que nous sommes tentés de les considérer, mais des créations du mental ; parties d’un plan et non pas du territoire. A chaque fois qu’on étend le domaine de nos expériences, les limites de notre mental rationnel deviennent évidentes et alors il faut modifier et même abandonner certains de nos concepts antérieurs qui nous semblent désormais erronés.

Nos notions sur l’espace et le temps constituent des traits de base sur la carte de notre réalité. Elles servent à ordonner les choses et les événements du milieu environnant et c’est pour cela qu’elles ont une importance capitale non seulement dans notre vie quotidienne, mais aussi dans la tentative de comprendre la réalité à travers la science et la philosophie. Il n’existe plus de loi de la physique qui ne nécessite pas les concepts d’espace et de temps dans sa formulation. La profonde modification de ces concepts de base apportée à la théorie de la relativité a été l’une des plus grandes révolutions dans l’histoire de la science.

La physique classique a été fondée sur les deux notions considérées de manière absolue, celle d’un espace tridimensionnel indépendant des objets matériels qu’il contient et qui se subordonne aux lois de la géométrie euclidienne, et celle du temps considéré comme une dimension séparée qui, à nouveau, a été conçue comme se déroulant indépendamment du monde matériel. En Occident, la notion de temps et d’espace a été profondément enracinée dans les esprits des philosophes et des scientifiques qui les ont considérées comme de véritables propriétés incontestables de la nature.

La croyance que la géométrie est inhérente dans la nature et non une partie du système que nous utilisons pour décrire la nature, trouve son origine dans la philosophie grecque. La géométrie démonstrative a été le trait général de la mathématique grecque et elle a eu une profonde influence sur la philosophie grecque. Sa méthode de partir des axiomes considérés comme incontestables et d’en dériver des théorèmes par la méthode de la raison déductive est devenue caractéristique pour la pensée philosophique grecque ; c’est pour cela que la géométrie a été considérée le centre des activités intellectuelles et a formé la base de l’entraînement philosophique. Sur la porte de l’académie de Platon à Athènes, on dit qu’il était gravée l’inscription : „L’entrée est permise ici seulement si vous maîtrisez la géométrie.” Les grecs considéraient que leurs théorèmes mathématiques étaient l’expression des vérités éternelles et exactes sur le monde réel et, dans leur vision, ces formes géométriques étaient des manifestations de la beauté absolue. Ils ont considéré la géométrie comme étant la combinaison parfaite de la logique et de la beauté et croyaient qu’elle est d’origine divine. D’où le dicton de Platon : „Dieu est un géométricien parfait.”

La géométrie ayant été considérée comme étant une révélation de Dieu, il était implicitement évident pour les grecs que le paradis devait avoir une forme géométrique parfaite. Cela veut dire que les étoiles et les autres corps célestes devaient avoir un mouvement circulaire. Pour présenter cette image de manière encore plus géométrique, ils ont pensé fixer une série de sphères cristallines concentriques qui se déplaçaient comme un tout, ayant la Terre au centre.

Durant les siècles suivants, la géométrie sacrée a continué à exercer une influence puissante sur la science et la philosophie de l’ouest. „Les éléments d’Euclide” a constitué le texte standard dans les écoles européennes jusqu’au début de ce siècle et la géométrie euclidienne a été considérée la vraie nature de l’espace pendant plus de deux milliers d’années. Il a fallu le génie d’Einstein pour faire en sorte que les scientifiques et les philosophes réalisent que la géométrie n’est pas toujours inhérente dans la nature, mais elle est imposée par le mental. Henri Margenau décrit ainsi cet aspect :
„Ce que la théorie de la relativité reconnaît en particulier est que la géométrie est… une construction de l’intellect. C’est seulement lorsque cette découverte sera unanimement acceptée, le mental pourra se sentir libre de maîtriser les nouvelles notions sur l’espace et le temps, devenant capable de surveiller le fil des possibilités disponibles pour les définir et sélectionner les formulations qui sont conformes aux observations.”

La philosophie orientale, contrairement à la grecque, a toujours soutenu que l’espace et le temps sont des constructions du mental. Les sages orientaux les ont traité aussi comme les autres concepts intellectuels, c’est-à-dire comme étant relatifs, limités et illusoires. Dans les textes bouddhistes, par exemple, nous trouvons les affirmations suivantes :
„BOUDDHA nous a enseigné, ô moines, que… le passé, le futur, l’espace physique et les êtres humains ne sont rien d’autre que des noms, des formes de pensées, des mots du langage usuel, étant uniquement des réalités superficielles.”

C’est pourquoi, dans l’Orient lointain, la géométrie n’a jamais atteint le statut qu’elle a eu dans la Grèce antique, ce qui ne veut pas dire que les Indiens et les Chinois en savaient moins. Ils l’ont utilisé avec sagesse pour bâtir les autels avec une forme géométrique précise, pour mesurer les terres, pour réaliser les cartes célestes, mais jamais pour déterminer les vérités abstraites et éternelles. Cette attitude philosophique est aussi reflétée dans le fait que l’ancienne science orientale et le yoga, en général, n’ont pas trouvé nécessaire d’adapter la nature par un schéma avec des lignes droites et des cercles parfaits. Les remarques de Joseph Needham au sujet de l’astrochimie chinoise sont très intéressantes :

„Les astronomes chinois n’ont jamais ressenti le besoin d’une exploration géométrique – les systèmes composants de l’organisme universel ont suivi leur propre TAO, chacun selon sa nature, et leur mouvement peut être transposé dans la forme essentielle « non représentationnelle » de l’algèbre. Par cela, les chinois ont été libéré de l’obsession des astronomes européens qui considéraient le ciel comme la plus parfaite figure […] n’expérimentant pas du tout la prison médiévale des sphères cristallines.”

Par cela, les anciens philosophes et les scientifiques orientaux avaient déjà anticipé l’attitude qui est désormais basée sur la théorie de la relativité – le fait que nos notions sur la géométrie ne sont pas des propriétés absolues et immuables de la nature, mais des constructions intellectuelles. Ashvaghosha affirme dans ce sens : „Il faut clairement comprendre que l’espace n’est rien d’autre qu’une particularisation et il ne représente pas une existence réelle en lui-même… l’espace existe seulement en relation avec notre conscience qui particularise.”

La même chose s’applique aussi à l’idée du temps. Les sages orientaux et les yogis considéraient les deux notions, tant celle d’espace que celle du temps, comme des états de résonance particulière de la conscience avec certaines énergies subtiles. En étant capables de transcender ce stade commun par la méditation, ils ont réalisé le fait que les notions conventionnelles et superficielles d’espace et de temps ne représentent pas la vérité ultime. Les notions raffinées d’espace et de temps, comprises suite aux expériences spirituelles, semblent être similaires aux notions de la physique moderne, telles qu’elles sont exemplifiées par la théorie de la relativité.

Quelle est alors cette nouvelle vision sur l’espace et le temps qui dérive de la théorie de la relativité ? Elle est basée avant tout sur la découverte du fait que toutes les mensurations spatiales et temporales sont relatives. Cette relativité des spécifications spatiales n’a représenté rien de nouveau. Il était bien connu déjà avant Einstein que la position d’un objet dans l’espace peut être définie de façon relative par rapport à un autre objet. Cela se fait d’habitude à l’aide de trois coordonnées et le point où ces coordonnées sont mesurées peut être nommé le point de localisation de „ l’observateur”.

Pour illustrer la relativité de telles coordonnées, imaginons deux observateurs flottant dans l’espace et observant un parapluie de côtés opposés. L’observateur A voit le parapluie de la gauche et légèrement penchée de sorte que son bout supérieur soit plus près de lui. L’observateur B, d’autre part, voit le parapluie à sa droite de sorte que le bout inférieur, donc celui d’en bas, soit plus près de lui. En étendant cet exemple bidimensionnel à trois dimensions, il devient clair que toutes les spécifications spatiales  – la „gauche”, la „droite”, le „haut”, le „bas”, l’„oblique” etc. – dépendent des positions des observateurs et qu’elles sont ainsi relatives. Cela était connu bien avant la théorie de la relativité. En ce qui concerne le temps, la situation dans la physique classique est complètement différente. L’ordre temporel de deux événements a été considéré indépendant de tout observateur. Les spécifications concernant le temps – comme „avant”, „après” ou „simultanément” – ont été considérées comme ayant un sens absolument indépendant du système de coordonnées.

Einstein a reconnu que les spécifications temporelles aussi sont relatives et dépendent de l’observateur. Dans la vie quotidienne, l’impression que nous pouvons arranger les événements dans une unique séquence temporelle est donnée par le fait que la vitesse de la lumière, de 300.000 km/seconde, est si grande en comparaison à toute autre vitesse que nous pouvons expérimenter, que nous pouvons considérer qu’on observe les événements au moment même où ils se produisent. Cependant, cette affirmation est incorrecte. La lumière a besoin d’un certain temps pour voyager d’un événement à l’observateur. Normalement, ce temps est si court que la propagation de la lumière peut être considérée comme étant presque instantanée ; et lorsque l’observateur se déplace à une vitesse plus grande par rapport avec le phénomène observé, le temps écoulé entre le déroulement de l’événement et son observation joue un rôle prépondérant dans l’établissement de la séquence des événements.

Einstein a montré que dans un tel cas, les observateurs qui se déplacent avec des vitesses différentes vont ordonner différemment les événements dans le temps. Deux événements qui semblent se produire simultanément pour l’un des observateurs, peuvent se dérouler dans des séquences temporelles différentes pour l’autre. Pour des vitesses habituelles, les différences sont si petites qu’elles ne peuvent pas être détectées, mais lorsque les vitesses s’approchent de celle de la lumière, elles donnent naissance à des effets nettement mesurables. Dans la physique des énergies hautes où les événements sont des interactions entre des particules qui se déplacent à des vitesses proches de celle de la lumière, la relativité du temps est bien établie et a été confirmée par de nombreuses expériences.

La relativité du temps nous force aussi à abandonner le concept newtonien de l’espace absolu. Un tel espace était considéré comme s’il contenait une configuration définie de matière à chaque moment ; désormais, cette simultanéité est vue comme étant un concept relatif, dépendant du stade de mouvement de l’observateur, cela n’étant plus possible de définir un tel moment donné pour tout l’univers. Un événement lointain qui se déroule dans un certain moment pour l’un des observateurs peut se dérouler plus tôt ou plus tard pour l’autre. Pour cette raison, ce n’est pas possible de parler d’un „univers à un moment donné” de façon absolue ; il n’existe pas d’espace absolument indépendamment de l’observateur.

La théorie de la relativité nous montre ainsi que toutes les mesures impliquant l’espace et le temps perdent leur signification absolue et nous forcent à abandonner les concepts classiques d’un espace et d’un temps absolu. L’importance fondamentale de ce pas en avant a été clairement exprimée par Mendel Sachs : „La vraie révolution qui est venue avec la théorie d’Einstein […] a été l’abandon de l’idée que le système de coordonnées spatio-temporelles a une signification objective en tant qu’entité physique séparée. A la place de cette idée, la théorie de la relativité soutient que les coordonnées spatiales et temporelles sont seulement des éléments du langage qui est utilisé par un observateur pour décrire le milieu environnant.”

Cette affirmation de la part d’un physicien contemporain montre l’étroite affinité entre les notions de l’espace et du temps de la physique moderne et celles soutenues par les sages orientaux qui disaient, comme nous l’avons montré antérieurement, qu’à part leurs énergies spécifiques, l’espace et le temps „ne sont rien d’autre que des noms, des formes de la pensées, des mots du langage usuel.”

Une fois que le temps et l’espace ont été menés au rôle subjectif d’éléments appartenant au langage d’un observateur particulier utilisés pour décrire la nature du phénomène, chaque observateur décrira le phénomène de façon différente. Pour abstractiser quelques lois naturelles, universelles dans leurs descriptions, ils ont dû formuler ces lois de sorte qu’elles aient la même forme dans tous les systèmes de coordonnées, pour tous les observateurs se trouvant dans des positions arbitraires et dans des mouvements relatifs. Cette nécessité est connue comme le principe de la relativité et a constitué, en fait, le point de départ de la théorie de la relativité. Il est intéressant que le germe de la théorie de la relativité a été contenu dans un paradoxe qui a préoccupé Einstein alors qu’il n’avait que 16 ans.

Il a essayé d’imaginer comment apparaîtrait un rayon de lumière pour un observateur qui voyagerait le long de celui-ci à une vitesse égale, et a conclu qu’un tel observateur allait voir le rayon de lumière comme un champ électromagnétique oscillant en avant et en arrière sans se déplacer, sans former une onde. Un tel phénomène est cependant inconnu dans la physique. Cela a fait en sorte que le jeune Einstein a considéré que quelque chose qui est perçu par un observateur comme étant un phénomène électromagnétique bien connu nommé onde de lumière, pourrait apparaître comme étant un phénomène contradictoire pour les lois de la physique pour un autre observateur, et il se peut que celui-ci ne l’accepte pas. Dans les années qui ont suivi, Einstein a réalisé que le principe de la relativité peut être satisfait aussi dans la description des phénomènes électromagnétiques seulement si toutes les spécifications spatiales sont relatives.

Fragment tiré du livre „Espace – Temps et au-delà d’eux par le yoga”.

Lisez ici la deuxième partie de cet article.

 

yogaesoteric
2017

Also available in: Română

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