Modifications génétiques – Êtes-vous prêt pour le monde selon CRISPR-Cas9 ?

La technologie génétique CRISPR, apparue en 2012, permet de jouer avec le vivant comme avec une pâte à modeler, décrit la journaliste Aline Richard Zivohlava dans son livre La Saga CRISPR, la révolution génétique qui va changer notre espèce. Elle revient sur cette technologie aussi dérangeante que porteuse d’espoir.

Pendant que notre attention passe de l’intelligence artificielle au métavers, une autre technologie au moins aussi importante se développe derrière les portes des laboratoires. Son nom CRISPR-Cas9 dit le « ciseau génétique » a fait la une des journaux lorsqu’un chercheur chinois, He Jiankui, l’a utilisé en 2018 pour éditer le génome de deux jumelles dans le cadre d’une fécondation in vitro. L’objectif : les protéger d’une contamination au VIH, étant donné que leur père était séropositif. Le résultat : les conséquences de cette mutation génétique sont incertaines, et pourraient potentiellement entraîner des complications de santé pour les jumelles et leur descendance. Dans une enquête au long cours, La Saga Crispr (Flammarion, octobre 2021), Aline Richard Zivohlava, rédactrice en chef au Figaro Santé, revient sur ce cas particulièrement dérangeant, mais aussi sur toutes les autres applications de cet outil « révolutionnaire », porteur de grands espoirs – mettre fin à certaines maladies génétiques et de grandes craintes bouleverser notre monde en changeant des espèces de manière permanente.

Vous qualifiez CRISPR dès les premières pages de votre livre de « révolutionnaire ». Vous dites que cette technologie va changer nos vies. En quoi est-elle si particulière ?

– Ce qu’il faut bien comprendre c’est que CRISPR ne vient pas de la planète Mars. Depuis les années 60, la science s’essaie à intervenir sur l’ADN. Mais il s’agissait jusqu’alors de technologies scientifiques très difficiles à mettre en œuvre et chères. CRISPR permet d’intervenir sur le génome beaucoup plus facilement. La technique peut être comparée à la manière dont on copie, colle, cherche et remplace des morceaux de texte sur Word. Sauf qu’il s’agit ici de copier, coller des morceaux d’ADN. C’est une technologie performante, rapide, et peu coûteuse. C’est précisément pour ces raisons qu’elle est révolutionnaire.

Mais concrètement, comment copie colle-t-on un gène si facilement ?

– On peut comparer CRISPR à une sorte de machine à coudre programmable. Une partie du système est un guide fait d’ARN (une molécule), qui place des marqueurs à l’endroit du génome qu’il souhaite modifier. L’autre partie est un « ciseau », une enzyme coupeuse, qui s’appelle CAS9. Son rôle est de couper l’ADN là où se trouvent les marqueurs. Une fois coupé, un processus naturel de réparation de L’ADN se met en place. C’est une forme de raboutage peu précis, mais suffisant pour inactiver un gène. On peut ainsi utiliser CRISPR pour supprimer le gène d’un champignon qui le fait noircir lorsqu’il est manipulé. L’autre utilité de CRISPR est de rajouter une caractéristique génétique à une espèce. Dans ce cas, la réparation est différente : on insère une autre séquence d’ADN au niveau de la coupure.

Un peu comme un OGM ?

– Cela pourrait s’apparenter à un OGM, mais ce n’est pas tout à fait un OGM car on travaille in situ dans les cellules, on ne met pas d’ADN étranger. La différence est importante, pour le business notamment. Les acteurs de ce secteur voudraient commercialiser leurs plantes et animaux sans qu’elles soient catégorisées comme des OGM.

Le nombre d’expérimentations liées à CRISPR décrites dans votre livre est assez vertigineux… Est-ce une technologie qui s’est développée particulièrement rapidement ?

– Tout est allé particulièrement vite, en effet. La technologie est apparue en 2012, il y a déjà des êtres humains génétiquement modifiés sur Terre. Comme c’est une technique relativement peu coûteuse, tout le monde s’est lancé. C’est aussi une technologie très novatrice, donc en tant que scientifique expérimenter CRISPR permet d’exister. Les deux inventrices de CRISPR (la Française Emmanuelle Charpentier et l’Américaine Jennifer Doudna) ont eu le prix Nobel de chimie en 2020, ce n’est pas rien…

L’expérience de He Jiankui sur des embryons humains a suscité l’effroi de l’opinion publique et de la communauté scientifique. En revanche, les expérimentations sur les animaux le zoo CRISPR comme vous le nommez se multiplient sans trop de bruit. Pourquoi les scientifiques cherchent-ils à modifier génétiquement des animaux ?

– Pour plusieurs raisons. D’abord dans le cadre de recherche fondamentale pour améliorer la santé humaine. Des scientifiques ont par exemple testé un traitement sur des chiots atteints de myopathie, une maladie musculaire dégénérative rare, qui touche également l’Homme. Ils sont parvenus à ralentir la maladie en éditant la section du gène à son origine. Ce sont des expérimentations très riches d’espoir pour la santé humaine. Il y a aussi des expérimentations pour l’élevage. Mais il faut rester prudent car il reste de nombreuses incertitudes juridiques. Si les animaux sont considérés comme des OGM, il y a peu de chance qu’ils soient acceptés. Cela provoque beaucoup d’oppositions. Mais ce n’est pas impossible que cela existe dans certains pays comme en Chine ou aux États-Unis où les OGM sont plus acceptés. Il y a d’ailleurs pléthore d’exemples tous plus spectaculaires les uns que les autres dans la littérature scientifique. Des chercheurs essaient par exemple de produire des bovins sans cornes pour qu’ils soient plus facile à gérer dans les élevages, d’autres travaillent sur des cochons du troisième sexe pour qu’ils aient des caractéristiques masculines au niveau du développement musculaire tout en étant moins agressifs…

Il y a aussi des entreprises qui songent par exemple à développer des chats hypoallergéniques…

– Il y a des startups qui se positionnent là-dessus. Mais soyons prudents sur l’état réel de leurs avancées. Ce n’est pas parce que vous avez l’idée d’éviter la protéine présente dans la salive des chats à l’origine des allergies, que vous allez y parvenir. Il faut encore faire de la recherche fondamentale, des expérimentations sur animaux… On n’y est pas. Mais il y a effectivement énormément de perspectives de business avec CRISPR. Tous les chercheurs de cette saga ont créé des startup…

Cette effervescence s’accompagne-t-elle de discussions éthiques et juridiques ?

– Il y a beaucoup d’attention et de nombreux rapports sont publiés. La bagarre juridique sur les OGM repart de plus belle. Tous les États se demandent en ce moment comment considérer CRISPR. Les interventions sur l’humain suscitent évidemment beaucoup de discussions. Notamment depuis les expérimentations du chercheur He Jiankui en 2018. La plupart des pays notamment la France interdisent formellement la modification génétique d’embryons humains. Toutefois ce n’est pas exclu que ces interdictions s’allègent.

À l’été 2021, l’Organisation mondiale de la santé a publié un rapport sur l’édition du génome humain. Sans surprise, son comité d’experts condamne l’expérience du chercheur chinois, mais il envisage clairement l’édition du génome humain pour se débarrasser de la maladie de Huntington (une affection neurodégénérative héréditaire et incurable, Ndlr).

Certains scientifiques songent carrément à supprimer des espèces grâce au forçage génétique (Gene drive). Pouvez-vous expliquer ce concept ?

– C’est quelque chose de très important et c’est le principal danger posé par la technologie CRISPR à mes yeux. Le forçage génétique consiste à permettre la transmission très rapide d’un gène au sein d’une espèce animale à reproduction sexuée. Il sert par exemple à rendre une espèce stérile et donc à terme à la supprimer. Certains l’envisagent pour éradiquer les moustiques qui transmettent le paludisme. Bill et Melinda Gates via leur association Stop Malaria financent notamment ces expérimentations. La technologie fonctionne bien en laboratoire, mais nous n’avons aucune idée des interactions que cela pourrait susciter dans l’environnement. N’importe quel écologue vous dira que les éléments d’une biosphère sont en interaction. Si vous supprimez une espèce, une autre plus dangereuse peut apparaître. Un exemple illustre bien cela. À la grotte de Lascaux, des micro-organismes abîmaient les peintures. Donc on a badigeonné de formol les murs pour les tuer. Cela en a tué une bonne partie, sauf deux familles qui ont par conséquent proliféré et se sont avérées encore plus destructrices…

Commentaire :

Si l’association de Bill & Melinda Gates finance ces expérimentations qui peuvent « rendre une espèce stérile », nous voilà totalement rassurés ! La liste des partenaires et des soutiens de « Malaria No More » comprend aussi entre autres la Fondation Rockefeller, Facebook, Google, Novartis, Sanofi, la PATH de Gates, le CDC, l’OMS, l’USAID, l’UNICEF, Star/Disney, la Time Warner, le Mécanisme de financement mondial de la Banque mondiale, et beaucoup d’autres. Que du beau monde !

Quand on joue avec la Nature et que l’on se prend pour Dieu, la crainte pourrait bien se transformer en frayeur généralisée, avec un retour de bâton cosmique qui ne distinguera pas les bons des méchants.

 

yogaesoteric
20 mai 2022

 

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