Oumuamua : l’objet interstellaire est-il un vaisseau extraterrestre ?
Oumuamua, dont le nom hawaïen signifie « messager venu de loin et arrivé le premier », n’a pas fini de faire parler de lui. D’abord pris pour une comète venue d’une autre étoile, puis pour un astéroïde, l’hypothèse de la comète est de nouveau privilégiée. Cependant, l’objet interstellaire n’a pas le comportement d’une comète venant de dégazer. Dans ce cas, si ce n’est ni un astéroïde, ni une comète, qu’est-ce que c’est ? Oumuamua est-il le messager d’une autre étoile ?
Quelques semaines après la découverte de « Oumuamua », une première salve d’observations suggérait que le premier objet interstellaire jamais détecté dans notre Système solaire était un astéroïde de forme inhabituelle, plus long que large (entre 6 et 10 fois), un peu comme un cigare. Un objet cylindrique venu d’une autre étoile… ? Mais, ne serait-ce pas Rama, le vaisseau spatial décrit dans le roman de science-fiction Rendez-vous avec Rama, d’Arthur C. Clarke. Pour tenter de le savoir, des chercheurs ont donc mis 1I/2017 U1 « sur écoute », voici un an, à l’affut d’éventuelles émissions radio qui proviendraient de l’intérieur… Mais cela n’a rien donné, l’objet était silencieux.
Alors, exit l’hypothèse d’un vaisseau (ou d’une sonde) venu d’ailleurs ? Non, une nouvelle étude (consultable sur arXiv) relance le débat quant à la vraie nature de Oumuamua. S’agit-il d’un objet naturel expulsé d’un autre système planétaire ou d’un artefact envoyé par une civilisation extraterrestre pour découvrir s’il y a de la vie ailleurs dans la galaxie ? Les deux auteurs n’excluent pas cette possibilité.
L’énigme de l’excès d’accélération de Oumuamma
Dans leur article, les deux astrophysiciens du Harvard Center for Astrophysics, Shmuel Bialy et Abraham Loeb, n’affirment pas que Oumuamua est un vaisseau spatial mais ils posent la question (d’ailleurs, le titre de leur article est : La pression de rayonnement solaire peut-elle expliquer l’accélération particulière de Oumuamua ?). Tous deux restent très intrigués par « l’excès d’accélération » de l’objet observé lors de sa traversée de notre Système solaire.
Mais avant de continuer, un rapide rappel des faits s’impose : 1I/2017 U1 est passé au plus près de notre étoile, le 9 septembre (à 0,25 UA, soit un quart de la distance Terre-Soleil). Le 14 octobre, il était au plus proche de la Terre (0,15 UA)… Et ce n’est que cinq jours plus tard, le 19 octobre, que Robert Weryk et son équipe l’ont découvert sur les relevés du télescope Pan-STARRS-1, installé sur le volcan Haleakalā, à Hawaii. Quelle émotion ce fut pour l’équipe de mettre la main sur le premier objet de ce type ; en effet, les astronomes attendaient ce moment depuis des décennies… Et voici qu’enfin, sous leurs yeux, venant de la direction de la Lyre, quelque chose qui ressemble à une comète ou un astéroïde venu d’ailleurs fait son apparition.
Revenons à cette accélération. Pourquoi se comporte-t-il ainsi, faisant fi surtout des interactions gravitationnelles avec le Soleil et les planètes, contrairement à ce que s’attendaient à observer les astronomes. Dans une étude publiée au début de l’été 2018, l’explication était que cela était dû à un léger dégazage. Finalement, l’énigmatique Oumuamua serait une comète et non un astéroïde. Mais une comète atypique car les recherches n’ont révélé aucune trace d’une queue cométaire (c’est d’ailleurs pour cette raison qu’après sa découverte, il fut postulé que c’est un astéroïde). Ce serait une comète sans glace (ou presque). Bref, un objet qui n’est pas sans rappeler Phaéton ou encore 9969 Braille. Fin de l’histoire ? Pas tout à fait.
« Si Oumuamua était en fait une comète, pourquoi alors n’a-t-il pas eu tendance à dégazer quand il était au plus près de notre soleil ?, interrogent Shmuel Bialy et Abraham Loeb qui ne veulent pas en rester là. Or, Oumuamua ne montre aucun signe d’activité cométaire, pas de queue de comète, ni aucune émission de gaz ou ligne d’absorption. Et si le dégazage était responsable de l’accélération, alors les couples associés auraient entraîné une évolution rapide de la rotation de Oumuamua », pointent-ils. Mais rien de semblable n’a été observé. Pour comprendre ce qu’il s’est passé, les deux astrophysiciens ont donc procédé à des modélisations.
Oumuamua est-il un objet naturel ou artificiel ?
Selon leurs calculs, Oumuamua aurait bénéficié d’un effet de « voile solaire ». « Nous expliquons l’excès d’accélération de Oumuamua loin du soleil comme étant le résultat de la force que la lumière du soleil exerce sur sa surface. Pour que cette force puisse expliquer l’excès d’accélération mesuré, l’objet doit être extrêmement fin, de l’ordre d’une fraction de millimètre, et de plusieurs dizaines de mètres en surface. Cela rend l’objet léger pour sa surface et lui permet d’agir comme une voile légère » écrivent-ils. Et si tel était le cas, ils indiquent que l’objet interstellaire pourrait survivre à un long périple dans la galaxie, sans trop de dommages, sur une distance de l’ordre de quelque 16.000 années-lumière.
Alors, qui est vraiment Oumuamua ? Pour les chercheurs, quand bien même l’objet interstellaire ne serait pas un vaisseau extraterrestre qui explore les étoiles et leurs planètes dans une partie de la galaxie, l’humanité devrait s’intéresser à la recherche de débris – ou épaves – de sondes extraterrestres. Après tout, de telles missions pourraient exister et d’ailleurs, plusieurs Terriens songent à en envoyer, à commencer vers la plus proche voisine de la Terre, Proxima b. Justement, en plus d’être titulaire de la chaire d’astronomie à Harvard, Abraham Loeb est le président du Conseil consultatif du projet de voile solaire de Breakthrough Starshot.
yogaesoteric
16 novembre 2018
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