Shudu, Lil Miquela : l’énorme potentiel des influenceurs virtuels
Lil Miquela est une influenceuse sur Instagram, et comme les autres influenceurs sur Instagram, elle donne des conseils concernant des vêtements à porter, des idées de sorties ou des choses à acheter. Mais elle n’est pas tout à fait comme les autres : c’est un CGI (pour « computer generated image »), une image de synthèse, qui compte plus d’un million d’abonnés (1,2 million exactement) sur son compte Instagram et semble préfigurer l’une des évolutions possibles de la publicité.
« Je ne suis pas un être humain », a concédé Lil Miquela dans un post sur Instagram, 2 ans après son apparition sur le réseau social.
De véritables caractéristiques humaines qui en font des substituts valables
Ryan Detert, CEO d’Influential, une société qui met en contact les marques avec des influenceurs sur les réseaux sociaux, explique qu’il a fait étudier sa personnalité par IBM Watson avant d’envisager une collaboration. « Elle est réellement sympathique et émotive, ce qui est drôle, car ce sont des caractéristiques humaines, mais elle les imite bien, avec la façon dont elle parle, la cadence, la ponctuation. Elle parvient donc bien à faire semblant d’être humaine », dit-il, expliquant qu’après tout, ce que les mannequins vendent, c’est surtout un idéal de beauté.
L’audience de Miquela est à 80 % féminine et jeune (entre 14 et 34 ans), et pour les marques qui veulent cibler ce type de clientèle, elle est une ambassadrice d’autant plus idéale, qu’il est très facile de la faire intervenir, et qu’elle confère bien plus de contrôle à ces marques qu’un être humain.
Des millions de dollars de revenus pour les créateurs
Le modèle numérique a été créée par Brud, une start-up californienne discrète spécialisée dans la robotique et l’intelligence artificielle, qui est également conceptrice de deux autres vedettes numériques d’Instagram, Blawko22 et BermudaisBae, et a conclu des partenariats avec des marques telles que Nike, Diesel ou Prada. Mais on ne sait pas exactement combien Brud perçoit pour cette collaboration. Selon TechCrunch, néanmoins, c’est en millions de dollars que cette somme devrait s’exprimer. Il y a quelque temps, Lil Miquela a commencé à publier sa propre musique, avec 3 morceaux sur Spotify, et des clips vidéos où on la découvre en train de se mouvoir, une nouveauté. Cette niche lui permettra certainement de toucher un nouveau public, mais aussi de générer un nouveau volant d’activités rémunérées.
Shudu est un autre mannequin numérique, un « supermodèle de synthèse » créé par le photographe britannique Cameron-James Wilson. Il est devenu viral lorsqu’il est apparu sur le compte de la marque de produits de beauté Fenty Beauty, dont la propriétaire n’est autre que la chanteuse Rihanna. Depuis, Wilson affirme qu’il croule sous les propositions de marques du monde de la mode qui veulent travailler avec « elle ».
Wilson a conclu un partenariat avec l’agence The Digitals pour promouvoir Shudu et d’autres CGI de sa conception.
La déclinaison du concept des mannequins virtuels a déjà débuté
La marque de luxe Louis Vuitton a elle aussi adopté les ambassadeurs digitaux, avec Lightning, l’héroïne du jeu vidéo japonais Final Fantasy.
Looklet, une startup suédoise, pousse le concept encore plus loin : elle propose un logiciel de stylisme qui permet d’utiliser les photographies de véritables mannequins (humains), et de modifier leur aspect en les « habillant » numériquement avec des photos de vêtements afin de fournir des illustrations pour les catalogues. De cette manière, les sociétés de prêt à porter s’épargnent les coûts et les contraintes d’une véritable séance de photos. « Avec de vrais modèles, vous avez toute la gamme de variables qui s’appliquent lorsque l’on travaille sur site avec quelqu’un. Plus besoin de coiffage, de maquillage ou de retouche. Exportez vos images instantanément. Réutilisez des vêtements, combinez des tenues et changez de modèles à l’infini dans notre logiciel de stylisme facile à utiliser », promet son site internet.
Les critiques ont aussi émergé
Mais cette formule a aussi ses détracteurs. Certains accusent aux créateurs de ces avatars de ne pas être assez transparents sur la nature artificielle de ces figures, et de maintenir le public dans le doute. Certains commentaires sur les photos du compte Instagram de ces influenceurs virtuels montrent que leurs auteurs n’ont pas perçu le caractère virtuel de ces figures. « On voit qu’elle est retouchée sur Photoshop » est une observation fréquente, par exemple.
Les utilisateurs de ces mannequins digitaux réfutent ces critiques, en soulignant que les humains sont d’une certaine manière entrés depuis longtemps en territoire artificiel : « Honnêtement, la plupart d’entre nous sommes devenus des sortes d’images de synthèse dans nos vidéos, lorsque nous nous présentons avec une certaine esthétique. La technologie aujourd’hui n’est guère différente de ce qui se passe en coulisses avec les outils de retouche photos », juge Detert.
Un avis que partage Wilson : « Compte tenu de mes 10 ans d’expérience dans le monde de la photographie, je sais qu’aucune campagne portant sur des produits de beauté n’est vraiment représentative de ce que les produits de maquillage donnent dans la vraie vie », explique-t-il. « Il est très rare que l’on voie une photo non retouchée sur du maquillage dans le cadre d’une campagne de publicité pour des produits de beauté. Je trouve qu’à partir du moment où l’on commence à retoucher quelque chose dans une photo, on pourrait tout aussi bien employer une image en 3D ».
D’autres critiques seront plus difficiles à écarter. Par exemple, pourquoi les internautes devraient-ils faire confiance à une figure qui n’existe même pas, et suivre ses recommandations ? Comment ces êtres virtuels peuvent-ils évaluer la douceur d’un tissu ? « Ce ne sont pas de vraies personnes, elles ne peuvent donc pas donner une recommandation totalement authentique », observe Adam Rivietz, cofondateur de la société de marketing d’influence #paid.
yogaesoteric
22 mai 2019
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