Techniques secrètes dans le yoga tibétain

par Adina Stoian

Les traditions spirituelles orientales nous apprennent que toutes les voies authentiques peuvent être divisées en trois catégories, selon la mesure dans laquelle les aspirants peuvent percevoir la Grâce Divine. La plus accessible est nommée ANAVOPAYA – la Voie Individuelle, dénomination sous laquelle on peut regrouper les religions (le soufisme, l’hindouisme, le bouddhisme, le christianisme), aussi que toutes les formes de yoga traditionnelles (HATHA YOGA, RAJA YOGA, KARMA YOGA, JNANA YOGA).

Pour les aspirants à la connaissance spirituelle qui sont intégrés sur ANAVOPAYA, le besoin d’un Guide spirituel (Maître, Modèle Divin) est unanimement considéré par toutes les traditions spirituelles comme absolument nécessaire. Ce Guide spirituel est le Canal Divin à travers lequel la Grâce de Dieu est déversée sur l’aspirant, il est celui qui défait les mystères de la voie et choisit pour l’aspirant les techniques et les procédés les plus adéquats, adaptés au niveau de conscience de celui-ci.

Les différentes étapes de l’évolution de l’aspirant sont ainsi marquées par certains moments particulièrement importants : les INITIATIONS que le Guide spirituel lui accorde. L’initiation consiste dans l’établissement d’une résonance continue, comme une porte d’accès, en permanence ouverte, entre l’aspirant et une certaine réalité spirituelle supérieure. Elle est considérée comme un investissement, comme un transfert de pouvoir entre le Guide spirituel et le disciple.

Le Guide spirituel évoque la Grâce Divine qui descend en lui et partage avec le disciple cette communion ineffable, jusqu’à ce que celui-ci arrive à réaliser seul l’évocation.

Les initiations dans le bouddhisme tibétain correspondent à son côté tantrique, hérité du tantrisme hindou. Il paraît qu’au Tibet bon nombre des aspects initiatiques originaires sont devenus seulement symboliques. Chaque aspect divin ou Bouddha est séparé dans les deux principes qui le forment : le masculin et le féminin. Les représentations envisagent justement de représenter la fusion entre ces deux principes, en présentant un couple dans une union sexuelle extatique (père et mère, YAB-YUM).

Le tantrisme est une voie spirituelle qui se sert davantage du corps que des études philosophiques, mais sa forme élevée, initiatique est réservée seulement aux disciples vraiment préparés, qui, en général, ont étudié pendant environ 20 ans les écritures traditionnelles, et en transformant leur existence selon les principes présentés.

Les tantriques tibétains, à l’image des yogis indiens, connaissent le corps énergétique de l’être humain, mais il n’étudient que cinq des sept centres de force, en ignorant les deux premiers (MULADHARA et SWADHISTHANA).

Le moine LAMA offre son corps comme nourriture aux démons

La pratique tantrique tibétaine implique aussi la soumission totale de la peur de la mort. Dans ce sens, on réalise des rituels extraordinaires, comme la pratique TCHÖD.

Après une longue et très sérieuse période de préparation intérieure et extérieure, le moine-LAMA qui a décidé de pratiquer le rituel nommé TCHÖD, étant plein d’amour et de compassion pour toutes les créatures de ce monde, décide d’offrir son corps comme nourriture aux démons. Il se retire dans un endroit solitaire, en passant plusieurs heures dans l’évocation des démons de l’endroit en question, les spectres, les fantômes, les vampires, les âmes errantes qui ne trouvent pas le repos dans le monde de l’au-delà. Ensuite, il visualise avec force qu’il coupe des parties de son corps, qu’il offre à ces entités. Comme Alexandra David Neel, auteur de plusieurs ouvrages sur la spiritualité tibétaine, le suppose, il faut beaucoup de force spirituelle pour revenir à la plénitude de ses facultés mentales après une telle expérience. Elle représente pourtant une modalité très puissante de purification et de destruction des attachements et de la peur.

Le programme de méditations lui suffirait pour des décennies de pratique

La pratique de ces techniques d’extase, conforme avec l’enseignement tibétain, comporte une retraite totale dans la solitude pendant au minimum trois ans, trois mois et trois jours, et souvent le temps consacré est bien plus long – sept, vingt ans…

Le moine-LAMA qui a reçu l’initiation de la part de son Guide spirituel dans ces techniques d’extase va se retirer dans l’isolement le plus total, il ne verra personne et ne parlera à personne pendant ce laps de temps. Il habitera dans une sorte de cabane où il ne peut ni s’asseoir, ni rester debout, en passant tout son temps en méditation dans la posture du lotus (PADMASANA). Ainsi, petit à petit, le sommeil sera conquis, se transformant en méditation. Le programme de visualisations et de méditations est si riche, qu’il pourrait lui suffire pour des décennies d’application et de pratique.

Il a la permission de sortir, très rarement, dans une sorte de petite cour intérieure, entourée par des barrières très hautes, pour prendre l’air et pour faire bouger ses jambes.

La nourriture lui est apportée et glissée dans cette cour par une sorte de canal qui passe au-dessous des barrières.

Dans l’Himalaya, le LAMA était souvent pratiquement emmuré dans une grotte pendant plusieurs années, en conservant dans les murs une petite ouverture pour aérer la pièce et pour recevoir la nourriture. La pratique spirituelle de ces lamas retirés était basée sur la visualisation créatrice et la force du mental de matérialiser des formes-pensée parfaitement représentatives au niveau mental. Par cette force immense il est même possible de matérialiser des êtres – nommés TULPA en tibétain– qui vivent et servent celui qui les crée. Alexandra David Neel parle d’une telle expérience au cours de laquelle a matérialisé un LAMA qui a aussi été vu par les autres et des difficultés qu’elle a rencontrées au moment où elle a voulu le dématérialiser. Cette force immense de la visualisation créatrice est toujours celle qui conduira graduellement aux transformations spirituelles du moine tibétain.

Une grande partie des enseignements du bouddhisme tantrique est inclue dans l’ouvrage „CHÖS DRUG” ou „le YOGA des six techniques”, que nous vous présentons brièvement:

Des rayons de lumière dans les couleurs de l’arc-en-ciel irradient à travers chaque pore de la peau

GTÙM-MÔ est l’obtention de la chaleur intérieure. En fait c’est la capacité d’acquérir le contrôle sur le système de thermorégulation du corps de manière à ce que celui-ci résiste aussi bien au froid qu’à la chaleur.

L’existence même des LAMAS tibétains prouve cette capacité latente de l’être humain qui peut être développée par entraînement, parce qu’ils vivent dans les grottes de montagne seulement habillés avec des robes en étoffe ou même nus, été comme hiver, sans aucun chauffage, alors que parfois la température peut descendre jusqu’à – 30°C !

Le titre de „REPA” offert à un LAMA peut être obtenu après avoir passé certains tests. Un d’eux est la réussite à l’épreuve du séchage des draps à l’aide de la chaleur corporelle. Ainsi, le LAMA doit-il passer une nuit froide d’hiver au bord d’un lac gelé pour sécher avec son corps trois ou plusieurs draps mouillés.

Le pouvoir de la chaleur intérieure est obtenue en visualisant le corps complètement vide à l’intérieur et ensuite graduellement rempli par VAJRA YOGHINI, la déesse suprême de couleur rouge comme le feu; des rayons de lumière dans les sept couleurs de l’arc-en-ciel irradient alors de chaque pore de la peau du moine LAMA à chaque expiration, comme des vagues. Il se sert de la respiration rythmée et de la respiration polaire, sur une seule narine, de la rétention à vide et de la visualisation des lettres de l’alphabet tibétain qui crée des résonances avec certaines énergies, pendant que le feu subtil monte au long de la colonne vertébrale, de centre de force en centre de force.

Un tourbillon de fumée monte sur la colonne vertébrale

SGYU-LÜS est la technique du corps illusoire (MAYA-KAYA). Il s’agit de ne pas considérer ton corps comme formé de matière, de chair et sang, mais comme étant une image, un rêve. La technique proprement dite de visualisation ressemble à la précédente, dans le sens qu’au long de la colonne vertébrale on visualise un tourbillon de fumée ou un brouillard qui remplit tout le volume du corps vide.

L’état de veille ne diffère plus de l’état de sommeil

RMI-LAM est la technique de l’état de rêve. Elle commence par la prise de conscience de l’état de rêve, en pressant avec les doigts les artères qui irriguent la zone du cou. On peut visualiser un point noir dans la zone du sexe, rouge dans la zone du plexus solaire et blanc au centre du front. Ensuite survient la transformation du contenu du rêve à volonté, ensuite on expérimente le rêve lucide et conscient, avec la possibilité d’intervenir dans le déroulement du rêve. La phase finale de cet état est celle où l’état de veille n’est plus différent de l’état de sommeil, dans le sens qu’il garde la même continuité supérieure de la conscience.

Le disciple entre lucidement dans le lotus du cœur

HÖD-GSAL est la technique de la lumière claire. Dominant l’illusion de la conviction que le monde est inerte et dense, en obtenant la continuité de la conscience entre l’état de veille et celui de rêve, l’aspirant est prêt à découvrir sa véritable nature essentielle, qui est la Pure Énergie ou la Lumière Claire. Elle est sans couleur, sans qualité, sans limite. Toutes les lumières en tirent leur origine. La reconnaissance ou l’intuition de la présence de cette Lumière Claire a lieu exactement au passage entre l’état de veille et celui du sommeil, lorsque le disciple ne subit plus la perte de conscience, comme les gens ordinaires, mais qu’il entre en toute constance et en toute lucidité dans le lotus du cœur (le centre du cœur – ANAHATA CHAKRA), dans lequel cette Lumière Divine Essentielle est reflétée. C’est le moment où survient le dédoublement, la séparation du corps de rêve par rapport au corps physique.

La mort se trouve être une expérience semblable au rêve

BARDO – les techniques qui libèrent de l’obligation des réincarnations successives. Tous les tibétains se préparent durant toute leur vie pour ce moment particulièrement important où l’on quitte ce monde, , et les moines encore plus, en apprenant des techniques pour garder la continuité de la conscience au moment de la mort. Les tibétains disent que l’état intermédiaire qui survient dès que nous avons quitté le corps physique ressemble à une sorte de rêve, sauf qu’il est un peu plus consistant. Il correspond à ce que les occidentaux appellent le Purgatoire.

Dans la tradition tibétaine il existe six mondes (LOKA) où les âmes peuvent vivre d’après les lois de ceux-ci : le monde des dieux (DEVAS), celui des démons (ASURAS), celui des gens (NARA), celui des animaux (TRISAN), celui des esprits inférieurs (PRETA) et celui des esprits infernaux (HUNG).

L’état intermédiaire entre deux incarnations englobe quatre des six étapes du BARDO: la première correspond à l’agonie, CHIKHAI; CHÖNYD – visions des mondes de l’au-delà; SIDPA, l’état transitoire du moment de la renaissance et KYENAY, celui de l’incarnation dans un de ces mondes. Le BARDO englobe encore deux états : MILAN, celui des rêves conscients et TINGEZIN SAMTAN, celui de l’état d’extase atteinte dans les méditations.

La tradition tibétaine dit que pour ceux qui n’ont pas réussi à atteindre l’état de Libération pendant leur vie, le moment de la mort est leur dernière chance. Pendant 49 jours, un moine LAMA parle et guide systématiquement l’esprit du décédé pour surpasser toutes les épreuves de ce moment, qui se trouve finalement être un état qui existe seulement dans sa conscience, de même que le rêve.

Successivement, six lumières claires apparaissent au défunt, chacune accompagnée par une alternative – six lumières diffuses et ternes. Devant ses yeux apparaissent les cinq Bouddha de la compassion qui l’invitent à les suivre.

Cependant, si le défunt préfère la lumière terne et diffuse à la place de la lumière claire, fait qui montre ses orientations égoïstes, les mêmes Bouddhas lui apparaissent, cette fois-ci en montrant leur forme terrifiante qui le punira, en le rejetant dans un monde inférieur. Alors la personne en question, se servant de son corps de rêve, illusoire, le corps de l’existence dans le BARDO, va errer influencé par les vents terribles du KARMA dans le monde obscur des ombres, ressentant le regret et la tristesse infinie d’avoir manqué une chance spirituelle exceptionnelle.

Mais s’il entre dans un des six mondes clairs, qui est en fait la Lumière de sa Conscience, il entrera dans le corps de béatitude de la divinité correspondante à cette lumière (SAMBHOGA-KAYA) continuant de vivre l’état de libération, NIRVANA.

La conscience peut être transférée dans tout autre corps vivant, mort, humain, non-humain

PHO-WA, la technique du transfert de la conscience, permet d’éviter le stade intermédiaire du BARDO. La pratique de cette méthode est gardée absolument secrète et implique le contrôle parfait des autres cinq méthodes antérieurement exposées. Brièvement, PHO-WA est basé sur le même phénomène de visualisation créatrice. On visualise le corps vide où VAJRA YOGINI descend. On visualise le canal subtil médian rouge, on accumule de l’énergie à la base de la colonne vertébrale, en conscientisant tous les centres de force de l’être. Ensuite, la conscience est projetée hors du corps par l’ouverture du sommet du crâne, en émettant avec force deux cris (MANTRA). Ainsi la conscience peut être transférée dans n’importe quel corps, vivant ou mort, humain ou non-humain. Au moment où le LAMA veut quitter ce monde, il n’a rien d’autre à faire que de transférer sa conscience dans le corps de la vacuité nirvanique, DHARMA-KAYA.

Article extrait de la revue YOGA MAGAZIN n° 7

Lisez aussi:
Le grand Guide spirituel tibétain Padma-Sambhava (I)

yogaesoteric
2009

Also available in: Română

Leave A Reply

Your email address will not be published.

This site uses Akismet to reduce spam. Learn how your comment data is processed.

This website uses cookies to improve your experience. We'll assume you're ok with this, but you can opt-out if you wish. Accept Read More