Un nouveau modèle cosmologique : symétrie CPT au Big Bang

Un nouveau modèle cosmologique vient d’être proposé par des physiciens du Perimeter Institute for Theoretical Physics : l’existence d’un Univers miroir au nôtre peuplé d’antimatière et remontant le temps. Sa force réside non seulement dans une certaine élégance, avec le retour de la symétrie fondamentale CPT mais aussi dans l’explication évidente de la présence de matière et l’absence d’antimatière dans notre Univers. La seule nouvelle physique que le modèle introduit est une nouvelle espèce de neutrinos, stériles et de très grande masse, qui est à même d’expliquer la matière noire…

Latham Boyle, Kieran Finn, et Neil Turok ont publié leur théorie dans la prestigieuse revue Physical Review Letters. Notre Univers, avec son expansion spatiale, sa flèche du temps toujours orientée dans le même sens et sa composition en matière semble violer une symétrie fondamentale, la symétrie CPT (Charge Parité Temps) qui dit que les lois physiques doivent être inchangées lorsque l’on inverse le temps, l’espace et les propriétés des particules. Boyle et ses collègues en réfléchissant à cette particularité de l’Univers dans son ensemble en sont venus à imaginer que le Big Bang était le point de départ non seulement de notre Univers, mais aussi d’un anti-univers symétrique, composé exclusivement d’antimatière, et avec un temps s’écoulant dans l’autre sens. Ce modèle symétrique par CPT s’avère en outre une alternative à l’existence d’une phase inflationnaire dans les tous premiers instants qui suivirent le Big Bang. Boyle, Finn et Turok montrent que leur modèle peut expliquer l’évolution cosmique primordiale sans inventer de nouvelle physique. L’anti-univers qui émerge du Big Bang dans le sens temporel négatif se comporterait comme une réflexion dans un miroir de notre Univers. Dans ce modèle symétrique par CPT, le temps et l’espace s’écouleraient de manière continue à travers le Big Bang.

Les physiciens n’ont pas encore testé si certaines observations qui sont bien expliquées par l’inflation (comme l’homogénéité à très grande échelle) seraient aussi bien expliquées par leur modèle d’Univers symétrique par CPT. Mais leur modèle symétrique introduit naturellement l’existence de neutrinos stériles très massifs (3 neutrinos dits « droits » (c’est à dire une hélicité de +1 : le vecteur de leur spin est toujours orienté dans le sens de leur mouvement), a contrario des neutrinos “classiques” que nous connaissons et qui sont tous « gauches » (hélicité de -1, spin orienté en opposition au mouvement). Les physiciens montrent que l’un de ces trois neutrinos droits hyperlourds devrait nécessairement être stable et ils évaluent sa masse à 4,8 108 GeV très exactement, soit environ 500 millions de fois la masse d’un proton, pour que ces neutrinos puissent correspondre à la quantité de matière noire présente dans l’Univers. Les physiciens évoquent même la possibilité que de tels neutrinos hyperlourds puissent être à l’origine de rayons cosmiques ultra-énergétiques comme ceux détectés récemment.

Et il y a également d’autres conséquences prédites par ce nouveau modèle dans le secteur des neutrinos du fait de l’existence de 3 neutrinos « droits » hyperlourds dont un stable : selon Boyle et ses collègues, les neutrinos « classiques » devraient forcément être leur propre antiparticule, donc des neutrinos de type Majorana, et le neutrino le plus léger de ces trois neutrinos légers « classiques » devrait même avoir une masse nulle. La somme des masses des trois neutrinos légers devrait être selon eux égale à 0,05 eV (dans le cas d’une hiérarchie des masses normale) et 0,10 eV (dans le cas d’une hiérarchie de masses inversée). La bonne nouvelle, c’est que toutes ces prédictions vont pouvoir être testées. Des expériences sont déjà en cours depuis de nombreuses années pour tenter de détecter la décroissance double-béta sans neutrinos dans certains éléments radioactifs, ce qui signerait sans équivoque que les neutrinos seraient leur propre antiparticule et donc leur nature de type « Majorana ». De même, la mesure de la masse totale des trois neutrinos légers est activement poursuivie, notamment par des observations astrophysiques.

Boyle, Finn et Turok donnent enfin une dernière prédiction de leur modèle, elle aussi testable par l’observation : l’absence d’ondes gravitationnelles primordiales (qui devraient être issues de la phase inflationnaire primordiale). Les traces de telles ondes gravitationnelles sont recherchées de manière indirecte en mesurant la polarisation des ondes électromagnétiques du rayonnement diffus cosmologique.

Il va de soi que si une seule de ces différentes prédictions se trouve finalement fausse, ce modèle cosmologique est à mettre au panier. En attendant son infirmation ou non, ce modèle reste intéressant comme une alternative qui permet de donner quelques réponses à des grandes questions, sans pour autant modifier drastiquement la physique existante.

 

yogaesoteric
17 juin 2022

 

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