Une vaste étude nutritionnelle internationale confirme l’importance de ne pas trop diminuer le gras

The Lancet publie une étude analysant, auprès d’une vaste cohorte internationale (plus de 7 ans de suivi médian, 135.000 personnes, 18 pays), l’impact de divers apports en macronutriments (glucides, protéines, lipides) sur le risque cardiovasculaire et la mortalité.

Cette étude, nommée PURE (Prospective Urban Rural Epidemiology), montre qu’une alimentation trop riche en glucides (sucres simples, ou « rapides », et sucres complexes, ou « lents » : plus de 60 % des apports caloriques) est associée à une augmentation de 28 % du risque de décès prématuré toutes causes confondues.

A contrario, une alimentation relativement riche en lipides, saturés ou insaturés (plus de 30 % de l’apport calorique, en particulier via des graisses polyinsaturées) est associée à une réduction de 23 % de la mortalité globale et une réduction de 21 % du risque d’AVC, sans impact sur la mortalité cardiovasculaire.

En conséquence et en théorie, les auteurs en déduisent que le remplacement isocalorique de glucides (à hauteur de 5 % des kcal ingérées chaque jour) par des lipides (en particulier polyinsaturés) pourrait être associée à une réduction du risque de décès prématuré de 11 % et du risque de mortalité non cardiovasculaire de 16 %.

Ces résultats incitent les auteurs (canadiens, indiens, chinois, etc., mais pas français) à recommander une révision des recommandations nutritionnelles qui incluent une faible part de lipides et une part importante de glucides, comme les recommandations européennes, canadiennes et américaines.

Notons cependant qu’en France, les recommandations nutritionnelles en vigueur sont au diapason des résultats et préconisations de cette étude.

Par ailleurs, selon un article associé également publié dans The Lancet, l’étude PURE permet de confirmer les bienfaits de la consommation de fruits et légumes : l’ingestion quotidienne d’environ 400 g de fruits et de légumes est en effet associée à une réduction de 22 % du risque de mortalité globale.

 

Confirmation de l’intérêt de l’enrichissement de l’alimentation en lipides insaturés au détriment des glucides.

Une étude épidémiologique menée dans 18 pays aux habitudes alimentaires très différentes

PURE (Prospective Urban Rural Epidemiology) est donc une étude visant à étudier les relations entre les macronutriments, le risque cardiovasculaire et la mortalité.

Pendant dix ans (2003-2013), les équipes en charge de PURE ont recruté 135 335 personnes âgées de 35 à 70 ans dans des pays de niveaux de développement et de cultures alimentaires très variés (dont, par exemple, l’Inde, la Chine, l’Iran, le Zimbabwe, le Canada, mais pas la France).

La durée de suivi médiane a été de 7,4 ans (5,3 – 9,3 ans). Les apports nutritionnels ont été mesurés à l’aide de questionnaires validés propres à chaque pays.

Pendant la durée de l’étude PURE, 5.796 décès et 4.784 accidents cardiovasculaires graves ont été observés.

Pour chaque type de macronutriment, les participants ont été classés en quintiles (20 % de l’échantillon total) en fonction du pourcentage d’énergie quotidienne apporté par ce macronutriment.

Pour mémoire :
– les glucides comportent deux catégories de sucres : les sucres simples, également appelés « sucres rapides », dont l’ingestion fait fortement monter l’index glycémique (fruits, confiseries, sodas, sucres en poudre, pain blanc, etc.), et les sucres complexes, ou sucres lents, dont l’ingestion fait moins monter l’index glycémique (pain complet, céréales complètes, pâtes, pommes de terre, etc.).
– les lipides comportent également plusieurs catégories : les lipides (ou acides gras) saturés (graisses animales, huile de palme, charcuterie, etc.), les lipides insaturés (mono-insaturés – huile d’olive, noix, avocat, cacahuètes – ou polyinsaturés – huiles végétales de soja, maïs, tournesol, noix…), habituellement conseillés pour une alimentation « saine ». Il existe aussi des acides gras dits « trans » : ce sont des graisses hydrogénées qui ont été créés par les industriels pour favoriser la stabilité de leurs produits (gâteaux, soupes, etc.), mais qui favorisent les dépôts d’athérome.

Des critères d’évaluation liés à la mortalité et au risque cardiovasculaire

Les critères d’évaluation primaires de PURE étaient la mortalité globale et certains accidents cardiovasculaires graves : maladie cardiovasculaire fatale, infarctus non fatal, AVC et insuffisance cardiaque.

Les critères secondaires étaient l’ensemble des infarctus du myocarde, les AIT et AVC peu sévères, ainsi que la mortalité cardiovasculaire et non cardiovasculaire.

L’étude publiée dans The Lancet détaille les relations entre maladie cardiovasculaire et mortalité globale d’une part, et la consommation de glucides et de matières grasses totales, saturées et insaturées (mono- et poly-).

L’analyse a été menée globalement (les 18 pays) mais également en divisant les pays en deux groupes :
– ceux où les glucides apportaient environ 70 % de l’énergie (dits « asiatiques »)
– et ceux où les lipides apportaient environ 70 % de l’énergie (dits « non asiatiques »).

Une consommation élevée de glucides est associée à une augmentation de la mortalité globale

Globalement, un apport élevé en glucides simples ou complexes (plus de 60 % de l’apport calorique total) était associé à une augmentation du risque de décès toutes causes confondues de 28 % entre le premier et le dernier quintile (intervalle de confiance à 95 % : 1,12-1,46, p=0,0001).

Néanmoins, aucune augmentation du risque cardiovasculaire ou de la mortalité cardiovasculaire n’a été observée en lien avec la consommation de glucides.

Lipides : un effet protecteur possible sur la mortalité globale, en particulier pour les formes insaturées

Dans l’étude PURE, une consommation globale de matières grasses totales de l’ordre de 30 % de l’apport calorique (premier quintile) était associée une réduction de 23 % de la mortalité toutes causes confondues entre le premier et le dernier quintile (IC 95 % : 0,67-0,87, p<0,0001).

Celle de matières grasses saturées était associée à une réduction de la mortalité globale de 14 % (IC 95 % : 0,76-0,99, p<0,0001).

Enfin, celle de matières grasses insaturées était associée à une réduction de 19 % (graisses monoinsaturées, IC 95 % : 0,71-0,92, p<0,0001) et 21 % (graisses polyinsaturées, IC 95 % : 0,71-0,89, p<0,0001).

 

Lipides : sans effet sur la mortalité cardiovasculaire, mais possible protection vis-à-vis des AVC

Dans l’étude PURE, la consommation de matières grasses (totales, saturées ou insaturées) n’était pas significativement associée avec une variation significative du risque d’infarctus ou de mortalité cardiovasculaire.

Néanmoins, une consommation plus élevée de graisses saturées était associée à une réduction de 21 % du risque d’AVC entre le premier et le dernier quintile (IC 95 % : 0,64-0,98, p=0,0498).

Une modélisation de la substitution partielle des glucides par des lipides polyinsaturés

Dans leur article de The Lancet, l’équipe de l’étude PURE a cherché à connaître l’impact théorique du remplacement isocalorique d’une partie des glucides (à hauteur de 5 % des kcal ingérées chaque jour) par des lipides polyinsaturés.

Dans ce cas, l’étude prédit une réduction du risque de décès prématuré de 11 % (IC 95 % : 0,82-0,97) et du risque de mortalité non cardiovasculaire de 16 % (IC 95 % : 0,76-0,94).

Ce possible effet protecteur n’est pas retrouvé lorsque le modèle envisage le remplacement isocalorique des glucides par des matières grasses monoinsaturées ou saturées, ou par des protéines.

Ces remplacements théoriques restent sans effet sur le risque d’accidents cardiovasculaires sévères. Néanmoins, un remplacement partiel des glucides par des matières grasses saturées serait associé à une réduction de 20 % du risque d’AVC (IC 95 % : 0,69-0,93), réduction qui n’est pas retrouvée en cas de remplacement par des protéines ou d’autres types de lipides.

Une étude qui dépasse le cadre habituel des cohortes nutritionnelles

L’intérêt de l’étude PURE est d’avoir, plus que les études de ce type menées précédemment, inclus des patients dont l’apport calorique glucidique est plus élevé que dans les pays occidentalisés : 52 % des participants de l’étude PURE avait un apport calorique glucidique supérieur à 60 % et 25 % dépassaient même les 70 % (pour une valeur située entre 40 et 50 % dans les pays occidentalisés). Pour la plupart de ces participants, le riz blanc et le pain blanc étaient les sources principales de glucides.

Une analyse des paramètres biologiques relevés pendant l’étude PURE (Mente A et al, 2017) a montré qu’une forte proportion de glucides dans l’apport calorique est associée à des taux sanguins plus élevés de triglycérides et de cholestérol LDL, et à une réduction des taux de cholestérol HDL.

Des résultats qui valident l’approche française, plutôt que celles d’autres pays qui incitent à baisser les lipides plutôt que les glucides

Les recommandations nutritionnelles américaines, canadiennes et européennes conseillent une alimentation dont moins de 30-35 % de l’énergie provient de lipides (dont moins d’un tiers est de type saturé). Les résultats de l’étude PURE remettent en question ces recommandations et suggèrent que la substitution d’une partie de l’apport calorique glucidique par un apport lipidique pourrait avoir un effet bénéfique sur la mortalité prématurée.

C’est justement ce qu’a fait la France : les recommandations nutritionnelles, mises à jour fin 2016 par l’Anses préconisent un apport de 35 à 40 % de lipides, de 40 à 55 % en glucides et de 10 à 20 % de protéines (cf. page 16 du rapport). De plus, la recherche d’une réduction importante de la consommation de graisses saturées (dans l’optique d’une réduction du taux sanguin de cholestérol LDL), comme préconisé aux Etats-Unis et au Canada (part recommandée de lipides : 20 à 30 % seulement), pourrait avoir un impact négatif sur le risque d’AVC.


Une analyse complémentaire sur la consommation de fruits et de légumes

Également publié dans The Lancet, un article analyse l’impact de la consommation de fruits et de légumes dans l’étude PURE. En résumé, l’impact positif de la consommation de fruits et de légumes sur la mortalité globale (une réduction de 22 % du risque relatif) et non cardiovasculaire était observé lorsque cette consommation atteignait trois à quatre portions par jour (soit entre 375 et 500 g), sans effet supplémentaire pour une consommation plus élevée.

Seule la consommation de fruits semble associée à une réduction de la mortalité cardiovasculaire. À noter, pour les légumes, la consommation de légumes crus était beaucoup plus fortement associée à une réduction de la mortalité globale que celle de légumes cuits. Là aussi, cela rejoint les recommandations françaises de consommation quotidienne de plusieurs portions, dans l’idéal 5, de fruits et légumes par jour.

En conclusion : confirmation de l’intérêt de ne pas trop baisser les matières grasses, en particulier insaturées

Les auteurs de l’étude PURE concluent en se prononçant pour un régime alimentaire dont l’apport calorique glucidique se situerait entre 50 et 55 % du total quotidien et l’apport lipidique autour de 35 % (mais en gardant la recommandation de limiter la contribution des graisses saturées à moins de 10 % de l’apport calorique total), ce qui est très proche des recommandations françaises. Ils mettent également en garde contre les régimes trop drastiques, hypo- ou hyper-, que ce soit pour les glucides ou les lipides.

Pour aller plus loin

L’article du Lancet sur l’impact des glucides et des lipides dans l’étude PURE

Dehghan M, Mente A, et al. « Associations of fats and carbohydrate intake with cardiovascular disease and mortality in 18 countries from five continents (PURE): a prospective cohort study. » Lancet. 2017 Aug 28.

L’article complémentaire sur l’impact de la consommation de fruits et de légumes dans l’étude PURE

Miller V, Mente A, Dehghan M, et al. « Fruit, vegetable, and legume intake, and cardiovascular disease and deaths in 18 countries (PURE): a prospective cohort study. » Lancet. 2017 Aug 28.


Une analyse complémentaire sur les paramètres biologiques dans l’étude PURE

Mente A, Dehghan M, et al. « Association of dietary nutrients with blood lipids and blood pressure in 18 countries: a cross-sectional analysis from the PURE study. » Lancet Diabetes Endocrinol 2017.


Les recommandations nutritionnelles françaises en vigueur

L’Anses actualise les repères de consommations alimentaires pour la population française, ANSES, 23 janvier 2017
 
 
 

yogaesoteric

13 novembre 2018

Also available in: English

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