« Dragonfly », quand Google fait polémique avec un projet de moteur de recherche censuré

Google travaille sur un projet de moteur de recherche censuré pour revenir sur le marché chinois. Le PDG du groupe s’est expliqué.

 

Après quinze jours de polémique, Google s’est finalement décidé à réagir. Sundar Pichai, son PDG, a réuni ses salariés à Mountain View, au siège californien de l’entreprise, pour s’expliquer sur le projet « Dragonfly ». Derrière cette « libellule » – la traduction de Dragonfly –, le projet de Google de lancer une version censurée de son moteur de recherche en Chine, révélé par le site américain The Intercept début août 2018. Il suscite l’incompréhension de nombreux employés. « En 2010, Sergey Brin (le cofondateur de Google) avait expliqué que la censure et la surveillance des dissidents constituaient des marqueurs du totalitarisme », s’inquiétaient plus de 1.000 d’entre eux dans une lettre interne obtenue par le New York Times.

Une piste exploratoire

Le patron de Google a donc tenté d’éteindre l’incendie. « Si nous voulons remplir notre mission sérieusement, nous devons réfléchir à comment faire plus en Chine », a expliqué Sundar Pichai alors que le moteur de recherche, mais aussi les autres services de Google (Gmail, Maps, YouTube…), sont inaccessibles en Chine depuis 2010. « Ceci dit, nous ne sommes pas prêts à lancer un service de recherche en Chine », a-t-il assuré devant les employés, alors que Sergey Brin avait assuré juste avant n’avoir découvert le projet que par les articles de presse. Il ne s’agirait que d’une « piste exploratoire ».

D’après des sources internes citées par The Intercept, les termes concernant les droits de l’homme, la démocratie, la religion et les manifestations intégreraient une liste noire sur cette version du moteur. L’application identifierait et filtrerait également les sites internet bannis par les autorités communistes. Un choix que Google s’était jusqu’à présent toujours refusé à faire alors que la censure chinoise est un sujet particulièrement sensible dans l’entreprise. En 2010, le moteur de recherche avait mis fin à ses opérations dans le pays pour protester contre la censure de certains résultats de recherche. Les recherches portant sur la révolte de la place Tiananmen étaient notamment filtrées.

Des employés très vigilants

Suite à ces révélations, les employés de Google avaient demandé à en savoir plus, au nom de leur droit à contrôler l’éthique de leur travail au sein de l’entreprise. Ces derniers sont particulièrement vigilants sur les projets menés par l’entreprise et avaient déjà dénoncé, au printemps, une collaboration entre la firme et le Pentagone américain. Via le projet « Maven », l’armée américaine utilisait l’intelligence artificielle de Google pour aider ses drones à distinguer les humains des objets. Déjà à l’époque, une pétition interne demandant de rester en dehors du « commerce de la guerre » avait été signée par plus de 4.000 employés, tandis qu’une douzaine avait démissionné en guise de protestation. Face à la polémique, Google avait renoncé au projet début juin 2018.

Dragonfly, un projet secret de Google pour revenir en Chine ?

Un projet qui a suscité des critiques et des interrogations de la part de plusieurs sénateurs américains, et même du Vice-Président US Mike Pence.

De quoi s’agit-il ?

Dragonfly, une version de Google compatible avec la censure du Gouvernement Chinois

Cela fait maintenant huit ans que le moteur Google est banni sur le territoire chinois pour avoir refusé de se conformer aux règles de la censure du gouvernement de la République Populaire de Chine.

Il semble que depuis 2017, des pourparlers aient repris avec le gouvernement chinois pour permettre un retour du moteur américain sur le territoire chinois. Le projet Dragonfly serait donc une version censurée du moteur et des applications android du moteur de recherche.

Une lettre ouverte a été envoyée le 3 août 2018 par 6 sénateurs américains à Google pour exprimer leur trouble à propos du projet Dragonfly. Mais de plus en plus d’officiels américains considèrent que ce projet est réel et réclament des explications à Google. Le Vice-Président Mike Pence en particulier a déclaré :

« Google devrait immédiatement mettre fin au développement de l’application “ Dragonfly ” qui va renforcer la censure du Parti communiste et compromettre la vie privée des clients chinois… »

Le 26 septembre 2017, Keith Enright de Google a confirmé l’existence du projet Dragonfly devant une Commission du Sénat Américain.

Et si Sogou devenait le partenaire de Google en Chine ?

Sogou, le moteur concurrent du moteur leader en Chine, Baidu, a un logo qui est devenu depuis quelques mois plus coloré. Les ressemblances avec le logo de Google sont évidentes.

Le CEO de Sogou Wang Xiaochuan a déclaré le 2 octobre 2017 qu’il était prêt à aider Google à gérer le problème complexe de la censure en Chine. Sogou est le second moteur en Chine, loin derrière Baidu, mais il grignote régulièrement des parts de marché au moteur leader. Ce challenger ne voit donc pas le retour de Google comme une menace, mais comme une opportunité. Il parait clair que Sogou veut devenir le bras armé de Google en Chine : « C’est à Sogou qu’il reviendra de traiter avec le gouvernement, de se conformer aux lois et aux règlements », a déclaré Wang. « Ensuite, les autres services de Google seront fournis en Chine. »

« L’un des moyens serait que Sogou exploite la marque et que Google fournisse les technologies. Si la société Google envisage de travailler avec Sogou, elle obtiendrait probablement de meilleurs résultats », a ajouté Wang.

Aucun calendrier n’a été annoncé pour un lancement de Dragonfly. Mais le retour de Google sur le marché chinois, avec ou sans Sogou, serait un événement majeur dans le paysage du deuxième marché publicitaire du monde.
 
 



yogaesoteric


3 juin 2019

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