Le piège fatal de la civilisation de la machine (3)

par Louis D’Alencourt

« On ne comprend absolument rien à la civilisation moderne si l’on n’admet pas d’abord qu’elle est une conspiration universelle contre toute espèce de vie intérieure. » ~ Georges Bernanos

Lisez la deuxième partie de cet article

Bernanos précise ensuite sa pensée :
« Je ne parle pas de l’invention des Machines, je parle de leur multiplication prodigieuse, à quoi rien ne semble devoir mettre fin, car la Machinerie ne crée pas seulement les machines, elle a aussi les moyens de créer artificiellement de nouveaux besoins qui assureront la vente de nouvelles machines*. Chacune de ces machines, d’une manière ou d’une autre, ajoute à la puissance matérielle de l’homme** c’est à dire à sa capacité dans le bien comme dans le mal. Devenant chaque jour plus fort, plus redoutable, il serait nécessaire qu’il devînt chaque jour meilleur. Or, si effronté qu’il soit, aucun apologiste de la Machinerie n’oserait prétendre que la Machinerie moralise. La seule Machine qui n’intéresse pas la Machine, c’est la Machine à dégoûter l’homme des Machines, c’est à dire d’une vie tout entière orientée par la notion de rendement, d’efficience, et finalement de profit. »

* Il avait perçu le marketing avant l’heure.
** Il y a là une notion remarquable à laquelle on ne pense jamais et qui est une des raisons pour lesquelles Satan veut nous donner un tel pouvoir : l’accroissement de la puissance matérielle de l’homme, parce que le démon, par définition, peut agir sur nos sens, sur la chair, sur la matérialité de l’homme. Ainsi donc, s’il décuple la puissance matérielle, celle-ci sera forcément à son service, quoi qu’on fasse, car de l’autre côté, le Seigneur agit à l’inverse : il décuple la puissance spirituelle de l’homme, le fameux homme intérieur. Comme sur une balance, non seulement le déséquilibre entre matériel et spirituel s’accentuera, mais puisque la puissance matérielle s’auto-alimente, elle finira par éliminer la totalité de l’homme spirituel, parce que sa croissance est sans fin. Et la finalité de cette croissance, nous dit Bernanos, c’est le profit ; j’ajouterai que c’est aussi l’élimination de toute vie intérieure, au profit d’une autre vie, non pas spirituelle mais sensuelle et même intellectuellement sensuelle – dans le sens : dominée par la chair – ce qui est valable dans la composante matérielle comme immatérielle de l’homme.

Pour mieux comprendre le distinguo entre avant et après, continuons avec ce passage de Bernanos :
« Vous venez de raisonner comme si vos machines allaient être conçues dans le même esprit où furent jadis inventés les outils. Nos ancêtres se sont servis d’une pierre tenue au creux de la main en guise de marteau, jusqu’au jour où, de perfectionnement en perfectionnement, l’un d’entre eux imagina de fixer la pierre au bout d’un bâton. Il est certain que cet homme de génie, dont le nom n’est malheureusement pas venu jusqu’à nous, inventa le marteau pour s’en servir lui-même, et non pour en vendre le brevet à quelque société anonyme. Ne prenez pas ce distinguo à la légère. Car vos futures mécaniques fabriqueront ceci ou cela, mais elles seront d’abord et avant tout, elles seront naturellement, essentiellement, des mécaniques à faire de l’or. Bien avant d’être au service de l’Humanité, elles serviront les vendeurs et les revendeurs d’or, c’est à dire les spéculateurs, elles seront des instruments de spéculation.

Or, il est beaucoup moins avantageux de spéculer sur les besoins de l’homme que sur ses vices, et parmi ses vices, la cupidité n’est-elle pas le plus impitoyable ? […]

Je prédis que la multiplication des machines développera d’une manière presque inimaginable l’esprit de cupidité*. »

* Cette prédiction est vérifiable, presque 80 ans après, en tous points et exactement dans les mêmes termes. J’ajouterai que la grande intelligence du démon, pour masquer partiellement la prépondérance phénoménale de la cupidité dans nos cœurs, et se donner bonne conscience, aura été de l’accompagner d’un exceptionnel degré d’hypocrisie : la cupidité devient un métier (le marketing), une nécessité (« il faut bien vivre ») et même un bienfait (« je satisfais les besoins des gens »). Personne ne veut se rendre compte et admettre que l’état d’esprit qui préside à nos idées et à notre raisonnement est foncièrement malsain et déformé. Bernanos en conclut qu’une telle situation peut faire de l’homme un demi-dieu, ou peut-être plus, « mais l’or, lui, sera Dieu » . Il parle aussi de « l’Etat-Dieu », évidemment.

Et pour finir sur cet aspect, voici trois dernière citations de Bernanos qui se passent de commentaire, et qui élimineront les quelques objections que l’on pourrait formuler :
« À en croire les imbéciles, ce sont les savants qui ont fait le système. Le système est le dernier mot de la science. Or le système n’est pas du tout l’œuvre des savants, mais celle d’hommes avides qui l’ont créé pour ainsi dire sans intention – au fur et à mesure des nécessités de leur négoce. »

« Un monde né de la spéculation ne peut s’organiser que pour la spéculation. La première ou plutôt l’unique nécessité de ce monde, c’est de fournir à la spéculation les éléments indispensables. »

« Ne voyez-vous pas que la civilisation des machines exige en effet de vous une discipline chaque jour plus stricte ? Elle l’exige au nom du Progrès, c’est à dire au nom d’une conception nouvelle de la vie, imposée aux esprits par son énorme machinerie de propagande et de publicité.

Comprenez donc que la civilisation des machines est elle-même une machine, dont tous les mouvements doivent être de plus en plus parfaitement synchronisés ! […]

La civilisation des machines a sa devise : Technique d’abord ! Technique partout ! […]

La Technique prétendra tôt ou tard former des collaborateurs acquis corps et âme à son Principe, c’est à dire qui accepteront sans discussion inutile sa conception de l’ordre, de la vie, ses Raisons de Vivre. Dans un monde tout entier voué à l’Efficience, au Rendement, n’importe-t-il pas que chaque citoyen, dès sa naissance, soit consacré aux mêmes dieux ? La Technique ne peut être discutée, les solutions qu’elle impose étant par définition les plus pratiques. Une solution pratique n’est pas esthétique ou morale.
La Société moderne est désormais un ensemble de problèmes techniques à résoudre*. »

* Donc il est logique qu’elle règle le problème covid de façon technique, ce qui est une aberration totale pour « l’homme qui croit à autre chose qu’à la technique » (et souvent qui croit en Dieu, en sa Création et donc aux capacités naturelles de cette dernière), mais qui est parfaitement cohérent et logique pour celui qui s’est laissé discipliner par la Technique.

Après ce complément de Bernanos, revenons maintenant à La 25e heure.

La 25e heure : ce n’est pas la dernière heure mais une heure après la dernière heure

Le personnage principal, Traian, explique le titre du roman qu’il est en train d’écrire :
« La Vingt-cinquième heure. Le moment où toute tentative de sauvetage devient inutile. Même la venue d’un Messie ne résoudrait rien*. Ce n’est pas la dernière heure : c’est une heure après la dernière heure. Le temps précis de la société occidentale. C’est l’heure actuelle. L’heure exacte. »

* Oui parce qu’il faut tout dégager au préalable.

Remarquable !! C’est l’heure après la dernière heure, donc l’heure ultime après laquelle il n’y a plus rien, qui se termine, même s’il ne le dit pas, par la fin du monde, car effectivement tout sauvetage est inutile et même néfaste (il n’y a rien à sauver dans tout ça, bien au contraire !).

Et donc, il le dit bien : la dernière heure, c’est celle qu’ils vivent actuellement (donc en 1949) c’est à dire celle de Pie XII !

Et il fait d’ailleurs un lien timide mais concret avec l’Apocalypse et là encore, il fait mouche :
« Sans la complicité d’un homme, les esclaves techniques ne peuvent attaquer les êtres humains. Ayant comme complice un citoyen – qui n’est pas un être humain- les esclaves techniques deviennent des bêtes d’Apocalypse. »

Doit-on en déduire que ces citoyens-complices sont des démons ? presque… leurs enfants, voir ci-après :
« Le citoyen est l’être humain qui ne vit que la dimension sociale de la vie »

C’est dur !! et bien vrai – c’est le socialo type, le sans-Dieu par excellence donc sans amour et sans dimension spirituelle – bref l’enfant de Satan.

« Le citoyen est la bête la plus dangereuse qui soit apparue sur la surface du globe, depuis le croisement de l’homme avec l’esclave technique. Il possède la cruauté de l’homme et de la bête et la froide indifférence des machines. »

Bref l’homme divinisé par la technique, l’homme parvenu à la béatitude matérielle, cet ex enfant de Dieu est devenu l’enfant de la bête.

Lisez la quatrième partie de cet article

 

yogaesoteric
17 juin 2022

 

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