Le piège fatal de la civilisation de la machine (4)

par Louis D’Alencourt

« On ne comprend absolument rien à la civilisation moderne si l’on n’admet pas d’abord qu’elle est une conspiration universelle contre toute espèce de vie intérieure. » ~ Georges Bernanos

Lisez la troisième partie de cet article

La magnifique symbolique des lapins blancs

«  J’ai fait une fois une croisière en sous-marin. Je suis resté mille heures sous l’eau. Il y a dans les sous-marins un appareil spécial pour indiquer le moment précis où il faut renouveler l’air. Mais, il y a longtemps, il n‘y avait pas d’appareil et les marins prenaient à bord des lapins blancs. Au moment où l’atmosphère devenait toxique, les lapins mouraient et les marins savaient alors qu’ils n’avaient plus que cinq ou six heures à vivre. A cet instant, le capitaine devait prendre la décision suprême : ou bien il faisait un effort désespéré pour remonter à la surface, ou bien il ne quittait pas le fond et mourait avec tout l’équipage. D’habitude, pour ne pas se voir mourir, ils s’abattaient entre eux à coups de revolver.

C’est un don que nous avons, les lapins blancs et moi, de sentir six heures avant le reste des humains le moment où l’atmosphère devient irrespirable. Depuis un certain temps j’éprouve cette même sensation que j’avais à bord du sous-marin : l’atmosphère est devenue suffocante.
– Quelle atmosphère ?

– L’atmosphère dans laquelle vit la société contemporaine. L’être humain* ne peut plus la supporter. La bureaucratie, l’armée, le gouvernement, l’organisation d’Etat, l’administration, tout contribue à suffoquer l’
homme. La société actuelle sert les machines et les esclaves techniques. Elle est créée pour eux. Mais les hommes sont condamnés à l’asphyxie. Ils ne s’en rendent pas compte. Ils persistent à croire que tout est normal, comme par le passé. Les hommes de mon sous-marin résistaient eux aussi dans l’atmosphère infectée. Après la mort des petits lapins, ils vivaient six heures encore. Mais moi je sais que tout est fini. »

Moi aussi !!!!

* En réalité, le chrétien.

« Dans mon roman, je décris la manière dont meurent, dans des tourments affreux, tués par une atmosphère qui ne permet pas l’existence, les hommes de cette terre. »

Ce sont évidemment des morts au figuré (les âmes) mais au final ce sera au sens propre !

« Après la mort des lapins blancs, les hommes ne peuvent plus vivre que six heures au maximum. Mon roman décrit les six dernières heures de la vie de mes meilleurs amis. »

Ces six heures, c’est la sixième période, celle de l’Antéchrist, à laquelle l’humanité chrétienne ne pourra pas survivre ; si Dieu veut en sauver quelques-uns, il est obligé d’y mettre fin lui-même, par la chute des bêtes : le 7 rédempteur.

Donc la 25e heure ce sont les 6 dernières heures c’est à dire la 6e période, la toute dernière : oui ! Et en 1949 elle avait ou ALLAIT commencer car la symbolique des lapins blancs peut désigner les justes (les hommes revêtus de blanc) et donc le premier d’entre eux : le PAPE, l’homme en blanc.

La preuve :
« Après la mort des lapins blancs il n’y a plus de happy end possible. Il y a seulement quelques heures avant que tout soit fini. »

Il y a deux façons d’appliquer cette symbolique en eschatologie :

  • Soit le dernier lapin blanc correspond au dernier pape véritablement catholique, et alors il s’agit de Pie XII, la date se situant au 9 octobre 1958 ; ensuite il reste 6 heures à vivre, c’est à dire les 6 papes de la civilisation de la machine.
  • Soit le dernier lapin blanc c’est Benoît XVI, dernier de la liste de la prophétie des papes, et alors sa mort est soit située au 28 février 2013 (date de son départ effectif), soit à son décès. Resteront alors (symboliquement) quelques heures à vivre.

Je penche sur la première hypothèse : après la mort du dernier lapin blanc (Pie XII), il reste 6 heures à vivre (6 papes) durant lesquelles nous mourrons à petit feu par asphyxie jusqu’à la disparition définitive de notre civilisation – quel symbolisme d’ailleurs que celle de la forme grave du covid : l’insuffisance respiratoire ! il faut donc toujours scruter la symbolique des choses pour en comprendre le sens réel.

Pie XII

Et c’est un moment très dur à vivre et à admettre :
« Il faut te résigner, mon vieux Moritz, dit Traian en lui tapant sur l’épaule. Après la mort des lapins blancs, il n’y a plus d’autre solution que la résignation. »

C’est d’autant plus vrai que beaucoup ne veulent pas l’admettre, et c’est là qu’intervient autant l’humilité que la confiance en Dieu et en la sainte Providence.

Et cette résignation, cette difficulté à comprendre et admettre de se soumettre à l’impensable est admirablement décrite dans la prière suivante, qui exprime bien mystiquement le mystère qui nous oppresse depuis tant d’années :
« Seigneur, dit Traian, je ne te demande pas de retirer ce verre de mes lèvres. Je sais que cela n’est point possible. Mais je t’implore de m’aider à boire ce verre. Depuis une année, je le garde tout près de mes lèvres. Depuis une année, je demeure près des frontières de la vie et de la mort*. Depuis une année, je demeure aux limites de la vie et du rêve. Je suis sorti du temps, et pourtant je continue à vivre. La vie s’est retirée de mon corps par tous les pores, et cependant je suis encore en vie, et cependant je respire et je me traîne et j’introduis encore dans mon corps du pain et de l’eau bien que je ne les désire plus. Et toutes ces souffrances viennent de ce que je ne me rends pas compte si je suis prisonnier ou si je suis libre.

Je vois que je suis enfermé mais je n’arrive pas à croire que je suis enfermé**.
Je vois que je ne suis pas libre et pourtant mon Es
prit me dit qu’il n’y a aucune raison pour que je ne sois pas libre. La torture que produit cette incompréhension est infiniment plus dure que l’esclavage. Les hommes qui m’ont enfermé ne me haïssent pas, ne veulent pas me punir et ne désirent pas ma mort.

Ils veulent simplement sauver le monde !

Et pourtant ils me torturent et me tuent à petit feu… ils torturent et tuent peu à peu toute l’humanité***. Je ne suis pas le seul à souffrir, je le sais.

Ceux qui dirigent le monde se sont mis à construire des hôpitaux géants pour guérir les plaies des hommes. Mais sous leurs truelles****, ce ne sont point des hôpitaux, mais des prisons qui s’élèvent. »

* Il s’agit de la mort de l’âme, évidemment, d’où cette immense angoisse autant corporelle qu’intellectuelle et spirituelle.
** Comme nous, à l’intérieur de cette civilisation dans laquelle nous ne nous reconnaissons pas, et dont nous ne pouvons pas sortir.
*** C’est remarquablement exprimé !
**** Allusion à la franc-maçonnerie ?

L’inhumanité de la civilisation technique : le collectivisme s’oppose à l’individu

« L’apparition de la société technique a détruit ce que nous avions gagné et créé durant des siècles de culture. La société technique a réintroduit le mépris de l’être humain. L’homme est réduit aujourd’hui à sa seule dimension sociale. »

Le sous-entendu est évident : il s’agit des siècles de culture chrétienne.

« C’est la vingt-cinquième heure. L’heure de la civilisation européenne. »

Donc chrétienne. Il s’agit bien d’un enjeu civilisationnel et seule l’Europe est le berceau incontestable de la chrétienté.

« La civilisation occidentale dans sa dernière phase de progrès ne prend plus conscience de l’individu.

Ce motif est absurde du point de vue humain et parfaitement justifié du point de vue de la machine. L’Occident regarde l’homme par les yeux de la technique. L’homme en chair et en os, capable de joie et de souffrance, est inexistant.

Et c’est pourquoi, le fait qu’ils nous aient arrêtés, nous gardent en prison et demain peut-être nous exécutent, ne peut pas être considéré comme criminel. Ce serait criminel si cela se rapportait à des hommes en chair et en os. Mais la société occidentale est incapable de prendre acte de la présence de l‘homme vivant. Lorsqu’elle arrête ou tue quelqu’un, cette société n’arrête pas et ne tue pas quelque chose de vivant, mais une notion. En bonne logique, ce crime ne peut lui être imputé car aucune machine ne peut être accusée de crime*. Et nul ne saurait demander à une machine de traiter les hommes selon leurs caractéristiques individuelles. »

* Pareil pour le système : c’est le sens de « responsable mais pas coupable »

« L’Occident a créé une société semblable à la machine. Il oblige les hommes à vivre au sein de cette société et à s’adapter aux lois de la machine.

Je sais que la civilisation technique est bâtie sur des bases matérialistes. L’économie est votre évangile.

Le moment était proche où les lois interdiraient aux hommes de vivre leur propre vie. »

Oui ! On vient de le vivre en direct avec le covid !

« Et maintenant il lui était annoncé officiellement que ces lois étaient rigoureusement appliquées et respectées. Il n ‘y avait plus d’erreur possible. Des êtres humains qui n’étaient pas coupables pouvaient être, et étaient légalement arrêtés, torturés, affamés, dépouillés et exterminés.

Seul l’État et ses lois en portent la responsabilité. Et il ne sera pas pardonné à l’État ! L’État sera puni comme Sodome et Gomorrhe. La foudre ne tombera pas seulement sur notre État, mais sur toute notre société d’aujourd’hui qui commet ces péchés, que Dieu ne peut voir sans souffrir amèrement.

La société technique progresse exactement dans le sens inverse : elle généralise tout. »

Il cite alors le comte H de Keyersling :
« C’est à force de généraliser et de chercher, ou de placer, toutes les valeurs dans ce qui est général, que l’humanité occidentale a perdu tout sens pour les valeurs de l’unique, et partant de l’existence individuelle. D’où l’immense danger du collectivisme, qu’on le comprenne à la russe ou à l’américaine. »

Eh oui, dans les deux cas le judaïsme à l’origine du capitalisme et du communisme contient à la fois les mêmes racines du collectivisme et du matérialisme athée.

Ce qui m’amène cette réflexion : Le christianisme magnifie et transcende la personne humaine parce qu’il fait de chaque homme un enfant de Dieu unique et différencié, alors que son inverse le globalise dans une collectivité indifférenciée.

Cet enfant de Dieu Gheorghiu l’appelle « l’individu » ou tout simplement « l’homme » par opposition au citoyen et à l’esclave technique.

« La société de la civilisation technique est devenue incompatible avec la vie de l’individu. Elle étouffe l’homme. Et les hommes meurent de la même mort que les lapins blancs de ton roman. Nous mourrons tous asphyxiés par l’atmosphère toxique de cette société* où ne peuvent se mouvoir que les esclaves techniques, les machines et les citoyens. Les hommes pèchent ainsi gravement et sont coupables envers Dieu. »

* Tout au long du livre, il parle de la mort de l’âme mais aussi de l’esprit, car il n’y a pas seulement la dimension spirituelle de l’homme qui est affectée, c’est une mort culturelle, affective, sociale : l’homme (chrétien) se retrouve plongé dans un monde qui l’agresse dans toutes ses dimensions et qui l’oblige à changer – et donc à mourir c’est à dire à renoncer à sa civilisation – pour entrer (naître) dans une autre qui lui est non seulement contraire, mais hostile. C’est l’incompatibilité entre les deux civilisations qui pose le plus de problème car, comme le concile y a cru, certains ont espéré et recherché une cohabitation. Mais à cause de cette incompatibilité chronique et structurelle le résultat ne fut ni une cohabitation, ni une fusion, mais une absorption de l’ancienne civilisation par la nouvelle, et donc son remplacement qui est aujourd’hui achevé, et presque intégral. Tout le problème, avec ces cycles lents et insidieux, est que cela n’a pas été vécu ainsi par la majorité de la population, que l’on s’est bien gardé de l’expliquer, et que donc la plupart ne se sont pas aperçu qu’on transformait petit à petit leur façon de vivre et de penser.

Bernanos exprime exactement la même notion :
« Une civilisation ne s’écroule pas comme un édifice ; on dirait beaucoup plus exactement qu’elle se vide peu à peu de sa substance, jusqu’à ce qu’il n’en reste plus que l’écorce. On pourrait dire plus exactement encore qu’une civilisation disparaît avec l’espèce d’homme, le type d’humanité, sorti d’elle. »

Lisez la cinquième partie de cet article

 

yogaesoteric
24 juin 2022

 

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